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18/02/2002 | FRANCE | N°214179

France | France, Conseil d'État, 9 / 10 ssr, 18 février 2002, 214179


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 novembre 1999 et 6 mars 2000 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le GROUPE NORBERT DENTRESSANGLE, société anonyme dont le siège social est B.P. 98, Les Pierelles Beausemblant à Saint-Vallier-sur-Rhône (26241), représentée par son président-directeur général en exercice ; la société demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 13 juillet 1999 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du trib

unal administratif de Paris du 17 avril 1996 rejetant sa demande tendant, ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 novembre 1999 et 6 mars 2000 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le GROUPE NORBERT DENTRESSANGLE, société anonyme dont le siège social est B.P. 98, Les Pierelles Beausemblant à Saint-Vallier-sur-Rhône (26241), représentée par son président-directeur général en exercice ; la société demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 13 juillet 1999 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris du 17 avril 1996 rejetant sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 29 décembre 1993 par laquelle la commission de contrôle des assurances a rejeté sa réclamation du 17 novembre 1993 tendant au versement d'une somme de 7 092 582 F correspondant aux indemnités non réglées par la compagnie d'assurances Défense Générale Tous Risques (DGTR) et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser ladite somme avec intérêts de retard au taux légal à compter du 27 novembre 1993 ;
2°) d'accueillir les conclusions présentées devant la cour administrative d'appel de Paris et d'ordonner la capitalisation des intérêts ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble son premier protocole additionnel ;
Vu le code des assurances ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Ménéménis, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat du GROUPE NORBERT DENTRESSANGLE,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 310-12 du code des assurances, dans sa rédaction issue de la loi n° 89-1014 du 31 décembre 1989 : "Il est institué une commission de contrôle des assurances chargée de contrôler les entreprises mentionnées à l'article L. 310-1 (.). La commission veille au respect, par les entreprises d'assurance, des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'assurance. La commission s'assure que les entreprises d'assurance tiennent et sont toujours en mesure de tenir les engagements qu'elles ont contractés à l'égard des assurés et présentent la marge de solvabilité prescrite ; à cette fin, elle examine leur situation financière et leurs conditions d'exploitation" ; qu'en vertu de l'article L. 310-17 du même code : "Lorsqu'une entreprise d'assurance enfreint une disposition législative ou réglementaire dans le domaine relevant du contrôle de la commission ou a un comportement qui met en péril sa marge de solvabilité ou l'exécution des engagements qu'elle a contractés envers les assurés, la commission, après avoir mis ses dirigeants en mesure de présenter leurs observations, peut lui adresser une mise en garde. Elle peut, également, dans les mêmes conditions, lui adresser une injonction à l'effet de prendre, dans un délai déterminé, toutes mesures destinées à rétablir ou renforcer son équilibre financier ou à corriger ses pratiques" ; qu'aux termes de l'article L. 310-18 : "Lorsqu'une entreprise mentionnée à l'article L. 310-1 n'a pas respecté une disposition législative ou réglementaire dans le domaine relevant du contrôle de la commission ou n'a pas déféré à une injonction, la commission peut prononcer, à son encontre ou à celle de ses dirigeants, l'une des sanctions disciplinaires suivantes, en fonction de la gravité du manquement : . 5° le retrait total ou partiel d'agrément (.). Dans tous les cas visés au présent article, la commission de contrôle des assurances statue après une procédure contradictoire" ; que, conformément aux prévisions de l'article 3 du décret n° 90-495 du 20 juin 1990 portant application de la loi n° 89-1014 du 31 décembre 1989, les dispositions susrappelées sont entrées en vigueur le 25 juin 1990 ;
Considérant qu'à l'occasion de l'exercice, par la commission de contrôle des assurances, de ses missions de contrôle et de sanction des entreprises d'assurance, la responsabilité que peut encourir l'Etat pour les dommages causés par les insuffisances ou carences de la commission ne se substitue pas à celle de ces entreprises vis-à-vis, notamment, de leurs clients ; que, dès lors, et eu égard à la nature des pouvoirs qui sont dévolus à la commission de contrôle des assurances, elle ne peut être engagée qu'en cas de faute lourde ; qu'ainsi, en jugeant qu'une telle faute était nécessaire pour que puisse être engagée la responsabilité de l'Etat du fait de carences dans l'exercice, par la commission, de la mission disciplinaire prévue par l'article L. 310-18 du code des assurances, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas commis d'erreur de droit, alors même qu'elle s'est à tort fondée sur le caractère juridictionnel que revêtirait cette mission ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la compagnie d'assurances "Défense Générale Tous Risques" (DGTR) a fait l'objet de contrôles, successivement de la part des services du ministère de l'économie, en application des dispositions des articles L. 310-1 et suivants et R. 310-1 et suivants du code des assurances, dans sa rédaction antérieure à l'intervention de la loi du 31 décembre 1989 précitée, puis, à compter du 25 juin 1990, de la part de la commission de contrôle des assurances, avant que celle-ci n'adresse, en application de l'article L. 310-17 du code, une injonction à la société DGTR le 14 août 1990 et ne prononce, par une décision du 12 mai 1991, la sanction de retrait d'agrément prévue par l'article L. 310-18 ; qu'après avoir relevé, par une appréciation souveraine des faits qui lui étaient soumis, qu'elle n'a pas dénaturés, que les contrôles avaient notamment porté sur l'existence, conformément à l'exigence posée par l'article R. 332-1 du code des assurances, d'une représentation suffisante des engagements réglementés mentionnés à l'article R. 331-1 du code que la société DGTR avait souscrits et que des manquements de nature à justifier une injonction et une sanction n'avaient été révélés que par un rapport établi le 5 juillet 1990, la Cour a pu légalement en déduire qu'en exerçant dans les conditions susrappelées ses pouvoirs de contrôle et de sanction, la commission de contrôle des assurances n'avait entaché son action d'aucun retard constitutif d'une faute lourde ;
Considérant par ailleurs que, saisie d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat du fait du prononcé, dont le GROUPE NORBERT DENTRESSANGLE soutenait qu'il était tardif, du retrait d'agrément de la compagnie DGTR, la Cour n'était pas tenue de se prononcer sur l'existence d'une faute de l'Etat qui résulterait de ce que le ministre chargé de l'économie et la commission de contrôle des assurances n'auraient pas prononcé une autre sanction à l'égard de la société DGTR ou n'auraient pas pris d'autres mesures conservatoires de nature à protéger les intérêts des assurés ; qu'elle n'était pas davantage tenue de se prononcer expressément sur l'existence d'une responsabilité sans faute de l'Etat, dès lors qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier qui lui était soumis que les conditions d'une telle responsabilité fussent réunies ;
Considérant enfin, qu'en jugeant qu'aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat n'avait été commise et en rejetant pour ce motif la demande d'indemnisation présentée par le GROUPE NORBERT DENTRESSANGLE, la Cour n'a méconnu ni les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 1er de son premier protocole additionnel ;
Sur les conclusions relatives aux frais exposés par le GROUPE NORBERT DENTRESSANGLE et non compris dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser au GROUPE NORBERT DENTRESSANGLE la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi du GROUPE NORBERT DENTRESSANGLE doit être rejeté ;
Article 1er : La requête du GROUPE NORBERT DENTRESSANGLE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au GROUPE NORBERT DENTRESSANGLE et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 9 / 10 ssr
Numéro d'arrêt : 214179
Date de la décision : 18/02/2002
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

- RJ1 ASSURANCE ET PREVOYANCE - ORGANISATION DE LA PROFESSION ET INTERVENTION DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - Commission de contrôle des assurances - Responsabilité de l'Etat pour les fautes commises par la commission de contrôle des assurances dans l'exercice de ses missions de contrôle et de sanction des entreprises d'assurance - Application d'un régime de faute lourde (1).

12-01, 60-01-02-02-03 A l'occasion de l'exercice, par la commission de contrôle des assurances, de ses missions de contrôle et de sanction des entreprises d'assurance, la responsabilité que peut encourir l'Etat pour les dommages causés par les insuffisances ou carences de la commission ne se substitue pas à celle de ces entreprises vis-à-vis, notamment, de leurs clients. Dès lors, et eu égard à la nature des pouvoirs qui sont dévolus à la commission de contrôle des assurances, cette responsabilité ne peut être engagée qu'en cas de faute lourde.

- RJ1 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - RESPONSABILITE POUR FAUTE - APPLICATION D'UN REGIME DE FAUTE LOURDE - Responsabilité de l'Etat pour les fautes commises par la commission de contrôle des assurances dans l'exercice de ses missions de contrôle et de sanction des entreprises d'assurance (1).


Références :

Code de justice administrative L761-1
Code des assurances L310-12, L310-17, L310-18, L310-1, R310-1, R332-1, R331-1
Décret 90-495 du 20 juin 1990 art. 3
Loi 89-1014 du 31 décembre 1989

1.

Rappr., pour l'activité de la commission bancaire, Ass. 2001-11-30, Kechichian, à publier.


Publications
Proposition de citation : CE, 18 fév. 2002, n° 214179
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Genevois
Rapporteur ?: M. Ménéménis
Rapporteur public ?: M. Goulard

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:214179.20020218
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