Vu la requête, enregistrée le 16 mai 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU VAL-D'OISE ; le PREFET DU VAL-D'OISE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 10 avril 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 27 mars 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Fabou Y... ;
2°)° de rejeter la demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Versailles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Boulouis, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : " Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ... ) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...) " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que M. Y..., de nationalité malienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 31 mars 2000, de l'arrêté du 27 mars 2000 par lequel le PREFET DU VAL-D'OISE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : " Ne peuvent faire l'objet d'un arrêté d'expulsion, en application de l'article 23 : ( ...) 3° L'étranger qui justifie par tous moyens résider en France habituellement depuis quinze ans ainsi que l'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans ( ...) Les étrangers mentionnés aux 1° à 6° et 8° ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en application de l'article 22 de la présente ordonnance " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que M. Y..., qui a déclaré à l'appui de la demande de reconnaissance du statut de réfugié qu'il a formée le 29 décembre 1992 être entré irrégulièrement sur le territoire national le 22 décembre précédent, est demeuré en France depuis lors ; qu'en revanche, si M. Y... soutient y résider en fait depuis septembre 1983, il ne produit aucun élément tendant à établir sa présence en France entre février 1989 et novembre 1992 ; que, par suite, M. Y... ne peut être regardé, à la date de la décision attaquée, comme ayant résidé habituellement en France depuis plus de quinze ans ; que dès lors, c'est à tort que, pour annuler l'arrêté attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur ce qu'il méconnaissait l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Y... devant le tribunal administratif de Versailles et devant le Conseil d'Etat ;
Considérant que, par un arrêté en date du 5 juillet 1999, publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, le PREFET DU VAL-D'OISE a donné à M. Hugues X..., secrétaire général de la préfecture, délégation pour signer notamment en son nom les arrêtés de reconduite à la frontière ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que. M. X... n'aurait pas été compétent pour signer l'arrêté attaqué n'est pas fondé ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. Y..., qui est célibataire et sans enfant, justifie d'une vie familiale en France ; que, dès lors, la décision attaquée ne peut être regardée comme portant atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que la circonstance que M. Y... acquitte ses obligations fiscales et ne trouble pas l'ordre public ne suffit pas à établir que le PREFET DU VAL-D'OISE aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation qu'il a faite des conséquences de la mesure contestée sur sa situation personnelle ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU VAL-D'OISE est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et le rejet de la demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Versailles ;
Article 1er : Le jugement du 10 avril 2000 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Versailles par M. Y... est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU VAL-D'OISE, à M. Fabou Y... et au ministre de l'intérieur.