La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/02/2002 | FRANCE | N°219259

France | France, Conseil d'État, 3 / 8 ssr, 22 février 2002, 219259


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 mars et 24 juillet 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la MUTUALITE DE MEURTHE-ET-MOSELLE, dont le siège est 57, rue Emile Bertin, à Nancy (54000), représentée par son président en exercice et déclarant agir en qualité de tuteur de M. B.R. ; la MUTUALITE DE MEURTHE-ET-MOSELLE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler sans renvoi l'arrêt du 17 février 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, sur la requête de la commune de Custines, a annulé le jugement

en date du 2 juillet 1996 du tribunal administratif de Nancy annulan...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 mars et 24 juillet 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la MUTUALITE DE MEURTHE-ET-MOSELLE, dont le siège est 57, rue Emile Bertin, à Nancy (54000), représentée par son président en exercice et déclarant agir en qualité de tuteur de M. B.R. ; la MUTUALITE DE MEURTHE-ET-MOSELLE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler sans renvoi l'arrêt du 17 février 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, sur la requête de la commune de Custines, a annulé le jugement en date du 2 juillet 1996 du tribunal administratif de Nancy annulant la décision du 17 octobre 1995 du maire de cette commune prononçant la radiation des cadres de M. R. ;
2°) d'annuler cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code électoral ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Delion, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Parmentier, Didier, avocat de la MUTUALITE DE MEURTHE-ET-MOSELLE et de M. B. R., et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la commune de Custines,
- les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par arrêté du 17 octobre 1995, le maire de Custines a radié des cadres M. R., agent d'entretien titulaire, pour le seul motif de la perte de ses droits civiques consécutive à son placement sous tutelle par le tribunal d'instance de Nancy ; qu'à la demande de la MUTUALITE DE MEURTHE-ET-MOSELLE, agissant en qualité de tuteur de M. R, le tribunal administratif de Nancy a annulé cette mesure de radiation des cadres ; que, par un arrêt du 17 février 2000, la cour administrative d'appel de Nancy, statuant sur la requête de la commune de Custines, a annulé ce jugement et rejeté la demande présentée devant le tribunal administratif par la MUTUALITE DE MEURTHE-ET-MOSELLE ; que la MUTUALITE DE MEURTHE-ET-MOSELLE et M. R. se pourvoient en cassation contre cet arrêt ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 13 juillet 1983, qui est applicable à l'ensemble des fonctionnaires : "Sous réserve des dispositions de l'article 5 bis, nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire : (.) 2° S'il ne jouit de ses droits civiques (.) 5° S'il ne remplit les conditions d'aptitude physique exigées pour l'exercice de la fonction" ; que l'article L. 5 du code électoral dispose que : "Ne doivent pas être inscrits sur les listes électorales les majeurs sous tutelle" ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 492 du code civil : "Une tutelle est ouverte quand un majeur, pour l'une des causes visées à l'article 490, a besoin d'être représenté d'une manière continue dans les actes de la vie civile" ; que l'article 490 dispose qu'il est pourvu aux intérêts de la personne concernée lorsque ses facultés mentales sont altérées par une maladie, une infirmité ou un affaiblissement dû à l'âge ;
Considérant que si l'altération des facultés mentales à raison de laquelle une tutelle a été ouverte pour la protection des intérêts d'un majeur est susceptible d'affecter l'aptitude exigée du fonctionnaire par le 5° de l'article 5 de la loi du 13 juillet 1983, la circonstance qu'un fonctionnaire placé sous tutelle est, de ce fait, privé d'une partie de ses droits civiques ne suffit pas à justifier sa radiation des cadres sur le fondement des dispositions du 2° du même article, qui concernent seulement le cas où la privation des droits civiques revêt un caractère répressif ; que, par suite, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit en jugeant que le maire de Custines était légalement tenu de procéder à la radiation des cadres de M. R. à la suite du placement sous tutelle de ce dernier ; que la MUTUALITE DE MEURTHE-ET-MOSELLE est fondée, pour ce motif, à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le maire de Custines ne pouvait procéder à la radiation des cadres au seul motif que M. R., ayant fait l'objet d'un placement sous tutelle, avait ainsi perdu ses droits civiques ; que, par suite, la commune de Custines n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 2 juillet 1996 attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé la décision du 17 octobre 1995 de son maire prononçant la radiation des cadres de l'intéressé et lui a enjoint de le réintégrer dans son emploi ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, reprises à l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions précitées et de condamner la commune de Custines à verser à M. R. la somme de 2 286,74 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la MUTUALITE DE MEURTHE-ET-MOSELLE, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à verser à la commune de Custines les sommes qu'elle demande au titre des frais engagés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt du 17 février 1999 de la cour administrative d'appel est annulé.
Article 2 : La requête présentée par la commune de Custines et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La commune de Custines est condamnée à verser la somme de 2 286,74 euros à M. R. en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la MUTUALITE DE MEURTHE-ET-MOSELLE, à M. B. R., à la commune de Custines, au ministre de l'intérieur, au ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.


Synthèse
Formation : 3 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 219259
Date de la décision : 22/02/2002
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

36-10-09 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - CESSATION DE FONCTIONS - RADIATION DES CADRES - Motif légal de radiation - Absence - Perte des droits civiques résultant d'un placement sous tutelle.

36-10-09 Si l'altération des facultés mentales à raison de laquelle une tutelle a été ouverte pour la protection des intérêts d'un majeur est susceptible d'affecter l'aptitude exigée du fonctionnaire par le 5° de l'article 5 de la loi du 13 juillet 1983, la circonstance qu'un fonctionnaire placé sous tutelle est, de ce fait, privé d'une partie de ses droits civiques ne suffit pas à justifier sa radiation des cadres sur le fondement des dispositions du 2° du même article, qui concernent seulement le cas où la privation des droits civiques revêt un caractère répressif.


Références :

Arrêté du 17 octobre 1995
Code civil 492, 490
Code de justice administrative L821-2, L761-1
Code électoral L5
Loi 83-634 du 13 juillet 1983 art. 5
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 22 fév. 2002, n° 219259
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Labetoulle
Rapporteur ?: M. Delion
Rapporteur public ?: M. Austry

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:219259.20020222
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award