Vu la requête, enregistrée le 18 juillet 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Garcin Y..., demeurant à l'Hôtel de Ville à Sainte-Anne (97227) ; M. Y... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 12 juin 2001 par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France a annulé, sur la protestation présentée par M. Jacques X..., les opérations électorales auxquelles il a été procédé le 11 mars 2001 pour la désignation d'un conseiller général dans le canton de Sainte-Anne (Martinique) ;
2°) rejette la protestation présentée devant le tribunal administratif de Fort-de-France par M. Jacques X... ;
3°) condamne M. Jacques X... à lui verser la somme de 22 000 F (soit 3 354 euros) en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Casas, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. Y... et de Me Spinosi, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, pour annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 11 mars 2001 en vue de la désignation du conseiller général du canton de Sainte-Anne (Martinique), le tribunal administratif de Fort-de-France s'est fondé sur ce que, au fronton de la mairie de Sainte-Anne, qui abritait un des quatre bureaux de vote, flottait un drapeau noir, rouge et vert, qu'il a estimé être l'emblème du Mouvement des démocrates et écologistes pour une Martinique souveraine, dont le président fondateur est M. Garcin Y..., maire sortant de la commune et candidat à l'élection cantonale ; qu'il a relevé en outre que le maintien de ce drapeau était illégal en ce qu'il ne respectait pas la chose jugée par le tribunal administratif de Fort-de-France qui avait annulé le 20 avril 1999 la délibération du conseil municipal de Sainte-Anne approuvant l'installation de ce drapeau ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le drapeau mentionné ci-dessus, qui est revendiqué par divers mouvements politiques, et notamment par celui dont se réclame M. Y..., faisait l'objet d'une apposition continue au fronton de la mairie de Sainte-Anne depuis octobre 1995 ; que, dès lors, son maintien constaté le 11 mars 2001, jour des opérations électorales, n'était pas de nature, dans ces circonstances, à créer une confusion dans l'esprit des électeurs et à altérer la sincérité du scrutin ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, pour annuler les opérations électorales auxquelles il a été procédé le 11 mars 2001 pour la désignation d'un conseiller général dans le canton de Sainte-Anne, le tribunal administratif s'est fondé sur ce grief ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre grief soulevé par M. X... devant le tribunal administratif de Fort-de-France ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 65 du code électoral : "Si une enveloppe comporte plusieurs bulletins, le vote est nul quand les bulletins portent des listes et des noms différents. Les bulletins multiples ne comptent que pour un seul quand ils désignent la même liste ou le même candidat." ; qu'aux termes de l'article R. 111 du même code : "Les bulletins de vote ne peuvent comporter aucun nom propre autre que celui du ou des candidats" ;
Considérant que si M. X... soutient que devaient être comptabilisés à son profit les votes déclarés nuls des électeurs ayant inséré dans l'enveloppe électorale soit le bulletin de la liste qu'il menait pour les élections municipales qui avaient lieu le même jour, soit ce dernier bulletin accompagné de celui établi à son nom pour le scrutin cantonal, l'utilisation lors d'une élection cantonale, qui se déroule selon un mode de scrutin uninominal, d'un bulletin relevant d'une autre élection, se déroulant selon un mode de scrutin plurinominal, est de nature à créer une confusion ne permettant pas de déceler l'intention réelle de l'électeur ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Fort-de-France a annulé lesdites opérations électorales ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner M. X... à payer à M. Y... la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. Y... qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à M. X... la somme que demande celui-ci au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement en date du 12 juin 2001 du tribunal administratif de Fort-de-France est annulé.
Article 2 : L'élection de M. Y... en qualité de conseiller général du canton de Sainte-Anne est validée.
Article 3 : La protestation présentée par M. Jacques X... devant le tribunal administratif de Fort-de-France est rejetée.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Y... est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de M. X... tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Garcin Y..., à M. Jacques X... et au secrétaire d'Etat à l'outre-mer.