La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/03/2002 | FRANCE | N°226248

France | France, Conseil d'État, 2 / 1 ssr, 06 mars 2002, 226248


Vu l'ordonnance du 25 septembre 2000, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 19 octobre 2000, par laquelle le président du tribunal administratif de Bordeaux transmet au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le dossier de la requête dont ce tribunal a été saisi par M. et Mme Michel X... ;
Vu la demande, enregistrée le 21 septembre 2000 au greffe du tribunal administratif de Bordeaux, présentée par M. et Mme X..., demeurant au Lycée agricole de Libourne à Montagne (33570) ; M. et Mme X... demandent :
1

°) l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 17 juillet 20...

Vu l'ordonnance du 25 septembre 2000, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 19 octobre 2000, par laquelle le président du tribunal administratif de Bordeaux transmet au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le dossier de la requête dont ce tribunal a été saisi par M. et Mme Michel X... ;
Vu la demande, enregistrée le 21 septembre 2000 au greffe du tribunal administratif de Bordeaux, présentée par M. et Mme X..., demeurant au Lycée agricole de Libourne à Montagne (33570) ; M. et Mme X... demandent :
1°) l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 17 juillet 2000 modifiant le décret du 8 décembre 1936 relatif à l'appellation d'origine contrôlée "pomerol" ;
2°) l'annulation de la proposition du comité national des vins et eaux-de-vie de l'Institut national des appellations d'origine des 2 et 3 février 2000 ;
3°) la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 15 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 6 mai 1919 relative à la protection des appellations d'origine ;
Vu le décret du 30 juillet 1935 modifié par la loi n° 84-1008 du 16 novembre 1984 ;
Vu le décret du 8 décembre 1936 relatif à l'appellation d'origine contrôlée "pomerol" ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Mary, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Tiffreau, avocat de M. X... et de la SCP Parmentier, Didier, avocat de l'institut national des appellations d'origine,
- les conclusions de Mme Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête ;
Considérant qu'aux termes de l'article 21 du décret du 30 juillet 1935 modifié par la loi du 16 novembre 1984 dont les dispositions sont reprises à l'article L. 641-15 du code rural : "Il est institué une catégorie d'appellations d'origine dites "contrôlées". Après avis des syndicats de défense intéressés, l'Institut national des appellations d'origine délimite les aires de production donnant droit à appellation et détermine les conditions de production auxquelles doivent satisfaire les vins et eaux-de-vie de chacune des appellations d'origine contrôlées. ( ...) Les propositions de l'Institut national des appellations d'origine sont approuvées par décret ( ...)" ;
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la proposition du comité national des vins et eaux-de-vie de l'Institut national des appellations d'origine des 2 et 3 février 2000 :
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 21 du décret du 30 septembre 1935 que, s'il peut être excipé de l'illégalité des propositions du comité national de l'Institut national des appellations d'origine à l'appui d'une demande d'annulation du décret les approuvant, ces propositions présentent le caractère d'actes préparatoires au décret, qui peut seul être déféré au juge administratif par la voie du recours pour excès de pouvoir ; que, dès lors, les conclusions de M. et Mme X... tendant à l'annulation de la délibération du comité national de l'Institut national des appellations d'origine des 2 et 3 février 2000 ne sont pas recevables ;
En ce qui concerne la demande d'annulation du décret du 17 juillet 2000 modifiant le décret du 8 décembre 1936 relatif à l'appellation d'origine contrôlée "pomerol" :
Sur le moyen tiré du défaut de consultation des syndicats de défense :
Considérant que le syndicat viticole et agricole de Pomerol a été consulté et a donné son avis par une lettre du 3 décembre 1999 ; que, dès lors, le moyen tiré de ce qu'aucun syndicat de défense n'aurait été consulté sur le projet de décret, comme le prévoit l'article 21 du décret du 30 juillet 1935 manque en fait ;
Sur les autres moyens de la requête :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 21 du décret du 30 septembre 1935 que le gouvernement peut modifier l'aire de production des vins à appellation d'origine y compris lorsque la délimitation géographique de ces vins a fait l'objet, en application de la législation antérieure, d'une décision judiciaire ayant force de chose jugée ; que s'il ressort d'un jugement du tribunal civil de Bordeaux du 29 décembre 1928 que l'aire de l'appellation "pomerol" était constituée pour partie de la région vinicole située au sud-ouest de la commune de Pomerol sur le territoire de la commune de Libourne, le décret attaqué a pu légalement délimiter pour cette appellation une aire comportant une limite au sud que n'avait pas définie ledit jugement ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait illégal pour avoir méconnu le jugement du tribunal civil de Bordeaux du 29 décembre 1928 doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, que les parcelles litigieuses ont été exclues de la délimitation de l'appellation d'origine contrôlée "pomerol" au motif qu'elles ne satisfaisaient pas aux conditions fixées par l'Institut national des appellations d'origine pour pouvoir prétendre à cette appellation, notamment en ce qui concerne leur topographie, leur nature géologique et leur implantation ; que si les requérants invoquent la circonstance que des parcelles voisines des leurs ont été comprises dans l'aire de l'appellation "pomerol", il ne ressort pas des pièces du dossier qu'au regard des conditions fixées pour la délimitation de l'aire de production de l'appellation, les auteurs du décret attaqué aient entaché leur appréciation des caractéristiques des parcelles en cause d'une erreur manifeste ou d'une inexactitude matérielle des faits ou aient méconnu le principe d'égalité ; que les requérants ne peuvent se prévaloir d'un droit acquis au maintien de leurs parcelles dans l'aire de production d'une appellation d'origine contrôlée ; qu'ainsi, la circonstance qu'une partie des parcelles objets du litige a bénéficié antérieurement de l'appellation d'origine "pomerol" est sans influence sur la légalité du décret attaqué ;
Considérant, enfin, que l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : "Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur des lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ( ...)" ; que la circonstance que des terres appartenant aux requérants n'ont pas été incluses dans l'aire de production d'une appellation d'origine contrôlée ne constitue pas une atteinte portée à leurs biens ; que le moyen tiré de ce que le décret attaqué ne serait pas conforme à l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut, dès lors, être accueilli ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret du 17 juillet 2000 modifiant le décret du 8 décembre 1936 relatif à l'appellation d'origine contrôlée "pomerol" ;
Sur les conclusions relatives à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner M. et Mme X... à payer à l'Institut national des appellations d'origine la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. et Mme X... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'Institut national des appellations d'origine tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Michel X..., à l'Institut national des appellations d'origine, au Premier ministre, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre de l'agriculture et de la pêche.


Synthèse
Formation : 2 / 1 ssr
Numéro d'arrêt : 226248
Date de la décision : 06/03/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

03-05-06-02 AGRICULTURE, CHASSE ET PECHE - PRODUITS AGRICOLES - VINS - CONTENTIEUX DES APPELLATIONS


Références :

Code de justice administrative L761-1
Code rural L641-15
Décret du 30 juillet 1935 art. 21
Décret du 30 septembre 1935 art. 21
Décret du 08 décembre 1936
Décret du 17 juillet 2000 décision attaquée confirmation
Loi 84-1008 du 16 novembre 1984


Publications
Proposition de citation : CE, 06 mar. 2002, n° 226248
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Mary
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:226248.20020306
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award