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08/03/2002 | FRANCE | N°236318

France | France, Conseil d'État, 3 ss, 08 mars 2002, 236318


Vu la requête, enregistrée le 19 juillet 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU PUY-DE-DOME ; le PREFET DU PUY-DE-DOME demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 11 juillet 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l'arrêté du 28 juin 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X... épouse Z... et, par voie de conséquence, la décision du même jour fixant l'Algérie comme pays de destination ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme

X... épouse Z... devant ce tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
...

Vu la requête, enregistrée le 19 juillet 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU PUY-DE-DOME ; le PREFET DU PUY-DE-DOME demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 11 juillet 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l'arrêté du 28 juin 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X... épouse Z... et, par voie de conséquence, la décision du même jour fixant l'Algérie comme pays de destination ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme X... épouse Z... devant ce tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle A.Robineau, Auditeur,
- les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X... épouse Z..., de nationalité algérienne, s'est maintenue en France au-delà du délai d'un mois à compter de la notification, le 5 février 2001, de la décision du PREFET DU PUY-DE-DOME du même jour rejetant sa demande de titre de séjour ; que l'intéressée se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Considérant que si Mme X... épouse Z..., de nationalité algérienne, fait valoir qu'elle a toujours témoigné d'une volonté d'intégration depuis son entrée en France le 6 janvier 2000, qu'elle est co-gérante d'une société civile immobilière française et que ses trois enfants sont scolarisés en France où ils suivent une bonne scolarité, ces circonstances ne suffisent pas, par elles-mêmes, à établir que le PREFET DU PUY-DE-DOME a commis une erreur manifeste dans son appréciation des conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée de la mesure de reconduite à la frontière contestée ; que c'est dès lors à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué du 28 juin 2001 et, par voie de conséquence, la décision distincte du même jour fixant l'Algérie comme pays de destination ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance et en appel par Mme X... épouse Z... ;
Sur l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour :
Considérant, d'une part, que Mme X... épouse Z... n'ayant pas sollicité un certificat de résidence en qualité de commerçant, le PREFET DU PUY-DE-DOME n'était pas tenu d'examiner la situation de l'intéressée à un autre titre que celui qui fondait sa demande ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes du 1er alinéa de l'article 10 de la loi du 25 juillet 1952 modifiée : "L'examen de la demande d'admission au titre de l'asile présentée à l'intérieur du territoire français relève du représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, du préfet de police" et qu'aux termes du 3ème alinéa du même article : "Sous réserve du respect des dispositions de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951, modifiée par le protocole de New York du 31 janvier 1967, l'admission en France d'un demandeur d'asile ne peut être refusée que si : ( ...) 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente ( ...)" ; qu'aux termes, enfin, du deuxième alinéa de l'article 12 de la loi susvisée : "L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° et 4° de l'article 10 bénéficie du droit à se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée aux articles 19, 22, 23 ou 26 de l'ordonnance ( ...) du 2 novembre 1945 ( ...) ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office" ;
Considérant que, par une décision du 4 avril 2001 notifiée le 5 avril 2001, le PREFET DU PUY-DE-DOME a refusé, sur le fondement des dispositions précitées du 4° du troisième alinéa de l'article 10 de la loi susvisée, de délivrer à Mme X... épouse Z... un titre de séjour provisoire au titre de l'asile ; que cette dernière a saisi le 5 avril 2001 l'office français de protection des réfugiés et apatrides d'une demande tendant à ce que lui soit reconnue la qualité de réfugié, demande qui a été rejetée le 13 avril 2001 ; que, dans les circonstances de l'espèce, cette demande d'asile doit être regardée comme ayant un caractère dilatoire au sens des dispositions précitées de l'article 10 de la loi du 25 juillet 1952 ; que dès lors, le moyen tiré de ce que la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides n'aurait pas été régulièrement notifié à Mme X... épouse Z... avant l'intervention de l'arrêté de reconduite à la frontière ne saurait être utilement invoqué à l'appui d'un recours en annulation dirigé contre cet arrêté, mais fait seulement obligation au préfet de s'abstenir de mettre à exécution cette décision d'éloignement ;
Sur les autres moyens dirigés contre l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Hélène Y..., sous-préfet de l'arrondissement de Riom, bénéficiait d'une délégation de signature régulièrement accordée par un arrêté du 9 avril 2001 du préfet de la région Auvergne, PREFET DU PUY-DE-DOME, publié au recueil des actes administratifs du 12 avril 2001 ; que celle-ci était par suite compétente pour signer l'arrêté attaqué au nom du PREFET DU PUY-DE-DOME ;

Considérant, d'autre part, que si Mme X... épouse Z... fait valoir qu'elle séjourne en France depuis le mois de janvier 2000 avec ses trois enfants qui parlent le français et qui sont scolarisés en France, il résulte des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la brièveté et des conditions du séjour de Mme X... épouse Z... en France et de l'absence de tout fait empêchant l'intéressée d'emmener ses enfants avec elle, et eu égard aux effets propres à la mesure d'éloignement attaquée, l'arrêté du PREFET DU PUY-DE-DOME ordonnant sa reconduite à la frontière n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que cet arrêté n'a donc pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, enfin, que si Mme X... épouse Z... invoque les risques que comporterait pour elle son retour dans son pays d'origine, ce moyen est inopérant à l'égard de l'arrêté attaqué qui ne précise pas le pays vers lequel Mme X... épouse Z... doit être reconduite ;
Sur la décision distincte fixant l'Algérie comme pays de destination de la reconduite :
Considérant qu'à l'appui des conclusions dirigées contre la décision distincte de l'arrêté du 28 juin 2001, prescrivant qu'elle sera reconduite en Algérie, Mme X... épouse Z... fait valoir qu'en raison des risques que lui ferait courir son retour dans son pays d'origine, cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que si Mme X... épouse Z..., dont la demande tendant à ce que lui soit reconnue la qualité de réfugié a d'ailleurs été rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides, soutient qu'en raison de menaces qu'elle a reçues du fait de son statut d'enseignante de la langue française en Algérie, son retour dans ce pays lui ferait courir de graves dangers, les pièces du dossier ne permettent pas de regarder ces allégations comme établies ; que les conclusions sus-analysées ne peuvent donc être accueillies ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU PUY-DE-DOME est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l'arrêté du 28 juin 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X... épouse Z... et, par voie de conséquence, la décision distincte du même jour fixant l'Algérie comme pays de destination de la reconduite ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente affaire la partie perdante, soit condamné à verser à Mme X... épouse Z... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du 11 juillet 2001 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme X... épouse Z... devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand est rejetée.
Article 3 : Les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU PUY-DE-DOME, à Mme Ouafia X... épouse Z... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 3 ss
Numéro d'arrêt : 236318
Date de la décision : 08/03/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03-02 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE - LEGALITE INTERNE


Références :

Arrêté du 09 avril 2001
Arrêté du 28 juin 2001
Code de justice administrative L761-1
Convention du 28 juillet 1951 Genève réfugiés
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 3, art. 8
Loi 52-893 du 25 juillet 1952 art. 10, art. 12
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22
Protocole du 31 janvier 1967 New-York réfugiés


Publications
Proposition de citation : CE, 08 mar. 2002, n° 236318
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mlle A. Robineau
Rapporteur public ?: M. Austry

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:236318.20020308
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