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13/03/2002 | FRANCE | N°191116

France | France, Conseil d'État, 3 / 8 ssr, 13 mars 2002, 191116


Vu la requête, enregistrée le 3 novembre 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MONTPELLIER, dont le siège est avenue du Biterrois, allée Calvetti à Montpellier (34825 cédex 04) ; la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MONTPELLIER demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 3 septembre 1997 par laquelle la commission départementale des travailleurs handicapés, des mutilés de guerre et assimilés de l'Hérault a confirmé la décision du 26 février 1991 de la commission technique d'orienta

tion et de reclassement professionnel de l'Hérault accordant un stage...

Vu la requête, enregistrée le 3 novembre 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MONTPELLIER, dont le siège est avenue du Biterrois, allée Calvetti à Montpellier (34825 cédex 04) ; la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MONTPELLIER demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 3 septembre 1997 par laquelle la commission départementale des travailleurs handicapés, des mutilés de guerre et assimilés de l'Hérault a confirmé la décision du 26 février 1991 de la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel de l'Hérault accordant un stage de reclassement professionnel à M. X... Sanchez ;
2°) de statuer au fond et de rejeter la demande formulée par M. Y... devant la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Derepas, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Gatineau, avocat de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MONTPELLIER,
- les conclusions de M. Séners, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que dans un mémoire en date du 25 juin 1997 produit devant la commission départementale des travailleurs handicapés, des mutilés de guerre et assimilés (CDTH) de l'Hérault, la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MONTPELLIER soutenait que M. Y... ne pouvait légalement bénéficier d'un reclassement en qualité d'horloger financé par l'assurance maladie dès lors qu'il avait déjà fait l'objet d'un premier reclassement dans la profession de monteur-câbleur et qu'il n'était pas établi qu'il fût inapte à l'exercice de cette profession ; qu'il est constant que la commission n'a pas répondu à ce moyen ; que sa décision doit, pour ce motif, être annulée ;
Considérant que cette affaire faisant l'objet d'un second pourvoi en cassation, il y a lieu pour le Conseil d'Etat, en application du deuxième alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, d'y statuer définitivement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Y... s'est vu reconnaître la qualité de travailleur handicapé pour la première fois en 1980 et qu'il a bénéficié, en application d'une décision de la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) de l'Hérault, d'un stage de reclassement dans la spécialité "montage-câblage électronique" de mars 1980 à février 1981 ; qu'après avoir exercé cette profession durant quelques mois, il a perdu son emploi et retrouvé une activité dans le secteur de l'hôtellerie de 1981 à 1988 ; que l'aggravation de son handicap l'a contraint à cesser cette activité en 1988 ; que, par une décision du 14 décembre 1988, la COTOREP de l'Hérault lui a reconnu à nouveau la qualité de travailleur handicapé pour une durée de cinq ans ; que, par une décision du 24 octobre 1989, elle a orienté M. Y... vers un stage de formation professionnelle dans le secteur de l'horlogerie dispensé dans un centre de rééducation professionnelle financé par l'assurance maladie ; que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault soutient que M. Y... ne pouvait légalement bénéficier d'un nouveau stage de reclassement dès lors qu'il n'était pas établi que l'aggravation de son handicap le rendait inapte à l'exercice de la profession de monteur-câbleur ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 323-10 du code du travail : "Est considéré comme travailleur handicapé au sens de la présente section toute personne dont les possibilités d'obtenir ou de conserver un emploi sont effectivement réduites par suite d'une insuffisance ou d'une diminution de ses capacités physiques ou mentales" ; que l'article L. 323-9 du même code dispose que : "Le reclassement des travailleurs handicapés comporte, outre la réadaptation fonctionnelle prévue par les textes en vigueur, ( ...) la rééducation ou la formation professionnelle pouvant inclure, le cas échéant, un réentraînement scolaire" ; qu'aux termes de l'article L. 323-15 du même code, "tout travailleur handicapé répondant aux conditions fixées ci-dessus peut bénéficier d'une réadaptation, d'une rééducation ou d'une formation professionnelle, soit dans un centre public ou privé institué ou agréé conformément à la législation spéciale dont relève l'intéressé, soit dans un centre collectif ou d'entreprise créé en vertu des dispositions législatives ou réglementaires relatives à la formation professionnelle, soit chez un employeur dans les conditions prévues par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur" ; que l'article L. 323-11 du même code prévoit que la COTOREP est compétente pour "reconnaître, s'il y a lieu, la qualité de travailleur handicapé aux personnes répondant aux conditions définies par l'article L. 323-10" et "désigner les établissements ou les services concourant à la rééducation, au reclassement et à l'accueil des adultes handicapés" ;
Considérant, d'autre part, que l'article L. 323-18 du code du travail dispose notamment qu'il n'est pas dérogé, pour l'application de l'article L. 323-15 du même code, aux dispositions du Livre IV du code de la sécurité sociale dont relève l'article R. 481-2 selon lequel les frais de toute nature entraînés par un stage dans un établissement de rééducation professionnelle agréé visé à l'article L. 323-15 du code du travail sont pris en charge par l'assurance maladie ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées que la COTOREP peut, quelles que soient par ailleurs les attributions des organismes chargés de la formation professionnelle, orienter toute personne à laquelle a été reconnue la qualité de travailleur handicapé vers un établissement ou un service dispensant une formation professionnelle, qu'il s'agisse d'un établissement spécialisé financé par l'assurance maladie, d'un établissement de formation professionnelle ou d'un employeur, dès lors qu'elle estime que ses chances d'obtenir ou de retrouver un emploi dans la profession à laquelle il a été antérieurement formé sont devenues très limitées et alors même que l'intéressé ne serait pas inapte à l'exercice de cette profession ; qu'il est constant que M. Y..., qui n'est plus apte à l'exercice d'activités professionnelles dans l'hôtellerie, avait, à l'époque des faits, très peu de chances de retrouver un emploi de monteur-câbleur compte tenu de l'ancienneté de sa formation et de l'évolution du marché de l'emploi, et que la formation à la profession d'horloger qu'il sollicitait était de nature à permettre son retour à l'emploi ; que, dès lors, la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MONTPELLIER n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par la décision attaquée, la COTOREP de l'Hérault a accordé à M. Y... le bénéfice d'un nouveau reclassement sous la forme d'une formation à la profession d'horloger ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 323-11 du code du travail que les recours dirigés contre les décisions par lesquelles la COTOREP désigne les établissements d'accueil des travailleurs handicapés relèvent de la compétence des juridictions du contentieux technique de la sécurité sociale ; que, par suite, dans la mesure où la requête de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MONTPELLIER peut être regardée comme dirigée également contre la décision de la COTOREP en tant qu'elle décide l'orientation de M. Y... vers un centre de rééducation professionnelle dont les coûts de formation sont à la charge de l'assurance maladie, ces conclusions doivent être rejetées comme étant portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, reprises à l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MONTPELLIER la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La décision du 3 septembre 1997 de la commission départementale des travailleurs handicapés, des mutilés de guerre et assimilés de l'Hérault est annulée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MONTPELLIER devant la commission départementale des travailleurs handicapés, des mutilés de guerre et assimilés de l'Hérault sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête devant le Conseil d'Etat est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MONTPELLIER, à M. Y... et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

66-032-02-01 TRAVAIL ET EMPLOI - REGLEMENTATIONS SPECIALES A L'EMPLOI DE CERTAINES CATEGORIES DE TRAVAILLEURS - EMPLOI DES PERSONNES HANDICAPEES - COMMISSION TECHNIQUE D'ORIENTATION ET DE RECLASSEMENT PROFESSIONNEL (COTOREP) - Pouvoirs - Orientation des travailleurs handicapés ayant peu de chances de trouver un emploi dans leur profession vers des établissements de formation professionnelle.

66-032-02-01 Il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 323-9, L. 323-10, L. 323-11, L. 323-15 et L. 323-18 du code du travail que la COTOREP peut, quelles que soient par ailleurs les attributions des organismes chargés de la formation professionnelle, orienter toute personne à laquelle a été reconnue la qualité de travailleur handicapé vers un établissement ou un service dispensant une formation professionnelle, qu'il s'agisse d'un établissement spécialisé financé par l'assurance maladie, d'un établissement de formation professionnelle ou d'un employeur, dès lors qu'elle estime que ses chances d'obtenir ou de retrouver un emploi dans la profession à laquelle il a été antérieurement formé sont devenues très limitées et alors même que l'intéressé ne serait pas inapte à l'exercice de cette profession.


Références :

Code de justice administrative L821-2, L761-1
Code du travail L323-10, L323-9, L323-15, L323-11, L323-18, R481-2
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation: CE, 13 mar. 2002, n° 191116
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Robineau
Rapporteur ?: M. Derepas
Rapporteur public ?: M. Séners

Origine de la décision
Formation : 3 / 8 ssr
Date de la décision : 13/03/2002
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 191116
Numéro NOR : CETATEXT000008025605 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2002-03-13;191116 ?
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