Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 janvier et 15 mars 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Chérif X..., demeurant .... 1510 à Toulouse (31400) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 5 juin 2000 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne en date du 1er juin 2000 ordonnant sa reconduite à la frontière et de la décision distincte du même jour fixant la Tunisie comme pays de destination de la reconduite ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté et cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Hédary, Auditeur,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Séners, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (.) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. Chérif X..., de nationalité tunisienne, s'est maintenu sur le territoire national plus d'un mois à compter de la notification, le 4 juin 1999, de la décision du même jour du préfet de la Haute-Garonne lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté de reconduite à la frontière du 1er juin 2000 :
Considérant que dans le dernier état de ses conclusions en appel, M. X... se borne à soutenir que l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ; que celui-ci comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'il est, par suite, suffisamment motivé au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 susvisée ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision distincte du 1er juin 2000 fixant la Tunisie comme pays de destination de la reconduite de M. X... :
Considérant que, postérieurement à l'intervention du jugement du 5 juin 2000 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse, une procédure pénale a été engagée à l'encontre de M. X... du fait que celui-ci a refusé le 8 juin 2000 de se soumettre à l'exécution de la mesure de reconduite ; que, par un arrêt du 15 février 2001, devenu définitif, la cour d'appel de Toulouse a condamné M. X... à une peine d'amende pour défaut de titre de séjour mais l'a relaxé du chef de soustraction à l'exécution d'une mesure de reconduite à la frontière, eu égard à "l'état de nécessité" dans lequel il se trouvait ; que seuls les faits constatés par une juridiction pénale et non la qualification juridique qu'elle leur a donnée s'imposent au juge administratif ; que, par suite, M. X... n'est pas fondé à invoquer la force de la chose jugée au pénal à l'encontre de la décision distincte du 1er juin 2000 fixant la Tunisie comme pays de destination de sa reconduite ;
Considérant toutefois que M. X... a produit en appel devant le juge administratif des éléments suffisamment précis pour établir la réalité et la gravité des risques courus personnellement par lui en cas de reconduite en Tunisie ; que, par suite, la décision distincte attaquée est intervenue en méconnaissance des dispositions de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté sa demande dirigée contre cette seconde décision ;
Article 1er : Le jugement du 5 juin 2000 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. X... tendant à l'annulation de la décision distincte du 1er juin 2000 fixant la Tunisie comme pays de destination de sa reconduite.
Article 2 : La décision du 1er juin 2000 fixant la Tunisie comme pays de destination de la reconduite de M. X... est annulée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Chérif X..., au préfet de la Haute-Garonne et au ministre de l'intérieur.