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20/03/2002 | FRANCE | N°229383

France | France, Conseil d'État, 5 ss, 20 mars 2002, 229383


Vu la requête, enregistrée le 19 janvier 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. El Mustapha X..., demeurant chez M. Driss X..., 15, résidence Chenonceaux à Meaux (77100) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 11 septembre 2000 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 29 août 2000 du préfet de Seine-et-Marne ordonnant sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) d'enjoindr

e au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte ...

Vu la requête, enregistrée le 19 janvier 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. El Mustapha X..., demeurant chez M. Driss X..., 15, résidence Chenonceaux à Meaux (77100) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 11 septembre 2000 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 29 août 2000 du préfet de Seine-et-Marne ordonnant sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 76,22 euros (500 F) par jour ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 219,59 euros (8 000 F) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Maisl, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Olson, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3°) Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. El Mustapha X..., de nationalité marocaine, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification le 8 janvier 1999 de la décision du 29 décembre 1998 du préfet de Seine-et-Marne lui refusant un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté du 29 août 2000 ordonnant sa reconduite à la frontière, M. X... a fait valoir qu'il était marié avec une compatriote séjournant régulièrement en France, qu'il est père d'un enfant né en 1993 et scolarisé en France et que la décision attaquée aurait pour effet de le priver du droit de rendre visite à son fils et de participer à son éducation ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si M. X... est en instance de divorce et que l'ordonnance de non-conciliation en date du 14 janvier 2000 a confié la garde de l'enfant à sa mère, celui-ci exerce conjointement l'autorité parentale sur l'enfant, a un droit de visite et d'hébergement et contribue à l'entretien de l'enfant par une pension mensuelle ; que, postérieurement à l'arrêté attaqué, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Meaux, par un jugement du 5 décembre 2001, a confié la garde de cet enfant en alternance une semaine sur deux à chacun de ses parents ; que, dans les circonstances de l'espèce, et eu égard à l'intérêt pour l'enfant de la présence de son père en France, l'arrêté du 29 août 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... comporte une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'arrêté sur la situation personnelle de celui-ci ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 août 2000 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a ordonné sa reconduite à la frontière ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution" ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé" ; que le III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dispose que : "Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, ( ...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas" ;
Considérant que la présente décision prononce l'annulation pour excès de pouvoir d'un arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... et non pas d'une décision refusant de délivrer à celui-ci une carte de séjour temporaire ; que, dès lors, M. X... n'est pas fondé à invoquer l'autorité de la chose jugée qui s'attacherait aux motifs de la présente décision pour soutenir que celle-ci implique nécessairement, au sens des dispositions précitées de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, la délivrance d'une carte de séjour temporaire ;
Mais considérant qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduire à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions précitées du III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative -lesquels peuvent être exercés tant par le juge unique de la reconduite à la frontière que par une formation collégiale- pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée, au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au préfet de Seine-et-Marne de se prononcer sur la situation de M. X... dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision ; qu'il n'y a pas lieu, toutefois, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Melun en date du 11 septembre 2000 et l'arrêté du 29 août 2000 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a ordonné la reconduite à la frontière de M. X... sont annulés.
Article 2 : Le préfet de Seine-et-Marne statuera sur la régularisation de la situation de M. X... dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. El Mustapha X..., au préfet de Seine-et-Marne et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 5 ss
Numéro d'arrêt : 229383
Date de la décision : 20/03/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 29 août 2000
Code de justice administrative L911-1, L911-2, L761-1
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 22 bis


Publications
Proposition de citation : CE, 20 mar. 2002, n° 229383
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Maisl
Rapporteur public ?: M. Olson

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:229383.20020320
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