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20/03/2002 | FRANCE | N°234115

France | France, Conseil d'État, 5 ss, 20 mars 2002, 234115


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 25 mai 2001, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 6 avril 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 8 février 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... Zhou ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde

des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-26...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 25 mai 2001, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 6 avril 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 8 février 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... Zhou ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;
Vu la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 modifiée ;
Vu la loi n° 87-1129 du 31 décembre 1987 ;
Vu le décret n° 72-374 du 5 mai 1972, modifié par le décret n° 2001-194 du 28 février 2001 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Maisl, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Olson, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que l'arrêté attaqué du PREFET DE POLICE, en date du 8 février 2001, décidant la reconduite à la frontière de M. X... Zhou, ressortissant chinois, a été signé par M. Jean-Pierre Y..., sous-directeur de l'administration des étrangers de la direction de la police générale ;
Considérant que, par un décret du Président de la République en date du 11 janvier 2001, M. Philippe Z..., préfet, qui exerçait alors les fonctions de PREFET DE POLICE, a été admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 14 janvier 2001, date à laquelle il a atteint la limite d'âge applicable aux fonctionnaires titulaires du grade de préfet ; que, par deux décisions du ministre de l'intérieur en date du 12 janvier et 1er mars 2001, il a été chargé, "dans l'intérêt du service ( ...), d'assurer l'intérim des fonctions de PREFET DE POLICE jusqu'à la nomination du titulaire de ce poste" ; que, par un arrêté du 14 janvier 2001, M. Z... a donné délégation à M. Y... pour signer les arrêtés de reconduite à la frontière pris en application des dispositions de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée ;
Considérant qu'aux termes de l'article 68 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : "Les fonctionnaires ne peuvent être maintenus en fonctions au-delà de la limite d'âge de leur emploi sous réserve des exceptions prévues par les textes en vigueur" ;
Considérant que la survenance de la limite d'âge d'un fonctionnaire ou, le cas échéant, l'expiration du délai de prolongation d'activité au-delà de cette limite, telle qu'elle est déterminée par les textes en vigueur, entraîne de plein droit la rupture du lien de cet agent avec le service ; que, par suite, en l'absence de disposition législative permettant une dérogation à la limite d'âge, ce fonctionnaire ne peut être légalement maintenu en fonctions jusqu'à la nomination de son successeur que si ce maintien est rendu nécessaire par des circonstances particulières liées aux responsabilités qui lui sont confiées ou à l'impossibilité de désigner immédiatement une autre personne susceptible d'exercer celles-ci de manière effective ;
Considérant que, sauf dans le cas prévu à l'article 1er de la loi du 31 décembre 1987 pour la période précédant la date d'achèvement du mandat du Président de la République, aucune disposition législative ne permet de déroger à la limite d'âge applicable aux fonctionnaires occupant un emploi de préfet ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que des circonstances particulières au premier trimestre 2001 aient pu justifier légalement que M. Z... fût maintenu dans les fonctions de préfet de police jusqu'à la nomination de son successeur ;
Considérant cependant qu'un fonctionnaire irrégulièrement nommé aux fonctions qu'il occupe doit être regardé comme légalement investi de ces fonctions tant que sa nomination n'a pas été annulée ; que c'est dès lors à tort que le jugement attaqué s'est fondé sur ce que les arrêtés du 14 janvier 2001 par lequel M. Z... a délégué sa signature à M. Y... auraient été entachés d'incompétence pour annuler l'arrêté attaqué, signé sur le fondement de cette délégation ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Paris ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A..., de nationalité chinoise, est entré irrégulièrement en France en 1998 ; qu'il s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 23 juin 2000, de la décision du même jour par laquelle le PREFET DE POLICE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet de police peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant que si l'intéressé fait valoir que sa femme ainsi que ses deux enfants l'ont rejoint en France en 1999 et que ses enfants y sont régulièrement scolarisés depuis cette date, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment de la brièveté du séjour en France de M. A..., de son conjoint et de ses enfants, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du PREFET DE POLICE, en date du 8 février 2001, n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris ;
Considérant que si M. A... soutient qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche subordonnée à la régularisation de sa situation administrative, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en décidant sa reconduite à la frontière le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de l'intéressé ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination :
Considérant que dans les termes où il est rédigé l'arrêté attaqué contient une décision distincte prévoyant que M. A... sera reconduit à destination du pays dont il a la nationalité ; que si M. A... soutient qu'il risquerait de subir des persécutions s'il retournait en République populaire de Chine, il n'apporte pas d'éléments suffisants à l'appui de ses allégations relatives aux risques que comporterait pour lui son retour dans son pays d'origine ; que le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut, dès lors, être accueilli ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à demander l'annulation du jugement du 6 avril 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 8 février 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A... ;
Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris du 6 avril 2001 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. X... Zhou et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 5 ss
Numéro d'arrêt : 234115
Date de la décision : 20/03/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 14 janvier 2001
Arrêté du 08 février 2001
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 3
Décret du 11 janvier 2001
Loi 84-16 du 11 janvier 1984 art. 68
Loi 87-1129 du 31 décembre 1987 art. 1
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22


Publications
Proposition de citation : CE, 20 mar. 2002, n° 234115
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Maisl
Rapporteur public ?: M. Olson

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:234115.20020320
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