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25/03/2002 | FRANCE | N°233079

France | France, Conseil d'État, 3 ss, 25 mars 2002, 233079


Vu la requête, enregistrée le 27 avril 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 22 février 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 17 avril 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Turgay X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant ledit tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de

l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novemb...

Vu la requête, enregistrée le 27 avril 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 22 février 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 17 avril 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Turgay X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant ledit tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Laigneau, Maître des Requêtes,
»
- les conclusions de M. Séners, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants ... 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait" ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. Turgay X..., de nationalité turque, s'est maintenu en France au-delà du délai d'un mois à compter de la notification le 18 janvier 2000 de la décision du PREFET DE POLICE du 13 janvier 2000 rejetant sa demande de titre de séjour ; que l'intéressé se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Considérant que, pour annuler l'arrêté du 17 avril 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X..., le premier juge s'est fondé, d'une part, sur ce que cet arrêté aurait méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'autre part, par la voie de l'exception, sur ce que la décision du 13 janvier 2000 refusant l'admission au séjour de l'intéressé, aurait méconnu le 3° et le 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;
Considérant que si M. X... fait valoir qu'il vit en concubinage avec une ressortissante polonaise séjournant régulièrement en France dont il a eu une fille née en France le 15 janvier 1998 et que ses deux frères vivent en France, il n'établit ni qu'il avait une vie commune avec la mère de son enfant à la date de l'arrêté attaqué, ni qu'il avait perdu toute attache familiale dans son pays d'origine ; qu'ainsi, et alors même qu'il aurait occasionnellement versé des subsides pour l'entretien de sa fille, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté du PREFET DE POLICE en date du 17 avril 2000 ait porté, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment des conditions de séjour de l'intéressé en France, à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ;

Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945 : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : ( ...) 3° à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans" ; ( ...) 7° à l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus" ;
Considérant que, si M. X... soutient qu'il résidait en France habituellement depuis plus de dix ans à la date à laquelle lui a été opposé le refus de séjour, bien qu'il ne justifie pas avoir exercé une activité professionnelle, les pièces qu'il produit au soutien de ses affirmations ne suffisent pas à elles seules à établir, notamment pour les années 1994, 1995 et 1996 l'existence d'une résidence habituelle en France pendant dix ans au sens des dispositions précitées ; que, par ailleurs, ainsi qu'il a déjà été dit, la décision de refus de séjour n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. X... au respect de sa vie familiale ; que, par suite, l'intéressé ne peut prétendre au bénéfice des paragraphes 3° et 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945 ;
Considérant qu'il suit de là que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté du 17 avril 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X..., le premier juge s'est fondé à la fois sur la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, par voie d'exception, sur l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance et en appel par M. X... ;
Sur la reconduite à la frontière :
Considérant qu'en indiquant, dans son arrêté du 17 avril 2000, que M. X... avait fait l'objet d'une décision de refus de séjour, qu'il s'était maintenu sur le territoire au-delà d'un mois à compter de la notification de cette décision et qu'il se trouvait ainsi dans le cas où les dispositions du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 étaient applicables, le PREFET DE POLICE, a suffisamment motivé son arrêté ; que la circonstance que l'arrêté attaqué ait été rédigé au moyen d'un formulaire pré-imprimé est sans incidence sur la légalité de cet arrêté ;
Sur la décision distincte fixant le pays de destination :

Considérant que si M. X... soutient qu'il courrait personnellement des risques en cas de retour en Turquie, son pays d'origine, il n'apporte aucune précision ou document de nature à établir la réalité de ces risques ; que d'ailleurs la demande tendant à ce que lui soit reconnue la qualité de réfugié a été rejetée par deux décisions de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmées par deux décisions de la commission des recours des réfugiés ; que, par suite, la décision distincte contenue dans l'article 2 de l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué ne peut être regardée comme ayant méconnu l'article 3 de la convention européenne susmentionnée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à demander l'annulation du jugement du 22 février 2001 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 17 avril 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... ;
Article 1er : Le jugement du 22 février 2001 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Paris par M. X... est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Turgay X... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 3 ss
Numéro d'arrêt : 233079
Date de la décision : 25/03/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 13 janvier 2000
Arrêté du 17 avril 2000
Arrêté du 17 avril 2001 art. 2
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 3, art. 8
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 12 bis


Publications
Proposition de citation : CE, 25 mar. 2002, n° 233079
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Laigneau
Rapporteur public ?: M. Séners

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:233079.20020325
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