Vu la requête, enregistrée le 4 mai 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE qui demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 23 février 2001 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 13 octobre 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Sokol Y... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Laigneau, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Séners, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire français au-delà du délai d'un mois à compter de la notification du refus ou du retrait ( ...)" ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. Sokol Y..., ressortissant albanais, s'est maintenu sur le territoire national plus d'un mois à compter de la notification, le 17 mars 2000, de la décision du même jour lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Sur la reconduite à la frontière :
Considérant que le moyen selon lequel M. Y... aurait couru des risques en cas de retour dans son pays d'origine, n'est opérant qu'à l'égard de la décision distincte contenue en l'espèce dans l'article 2 de l'arrêté et fixant le pays de destination de la reconduite ; que, par suite, c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce motif pour annuler l'article 1er de l'arrêté attaqué ordonnant la reconduite à la frontière de M. Y... ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Y... devant le tribunal administratif de Paris à l'encontre de cette mesure ;
Considérant, d'une part, que l'arrêté attaqué a été signé par M. Jean-Pierre X..., sous-directeur de l'administration des étrangers, qui a reçu délégation à cet effet en vertu de l'arrêté du PREFET DE POLICE n° 99-10832 du 12 juillet 1999 régulièrement publié au bulletin officiel de la ville de Paris du 23 juillet 1999 ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte ne saurait donc être accueilli ; que, d'autre part, la circonstance que la copie de la décision ne porterait pas la signature de son auteur est sans influence sur la légalité de la décision ;
Considérant que M. Y... est recevable à exciper de l'illégalité de la décision du 17 mars 2000 lui refusant l'admission au séjour, contre laquelle il a formé un recours contentieux dans les délais ; que si M. Y... soutient que cette décision aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ce moyen est inopérant à l'encontre d'une décision de refus de titre de séjour ;
Sur la décision distincte fixant le pays de destination de la reconduite :
Considérant que si M. Y... soutient, à l'appui de sa demande d'annulation de la décision distincte contestée dans l'article 2 de l'arrêté attaqué et fixant l'Albanie comme pays de destination, qu'il encourrait des risques en cas de retour dans son pays d'origine, il ne fournit à l'appui de ses allégations aucune précision ou document suffisamment précis de nature à établir la réalité des risques invoqués ; que ses prétéritions n'ont d'ailleurs été accueillies ni par l'office français de protection des réfugiés et apatrides ni par la commission des recours des réfugiés ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'il s'est rendu volontairement en Albanie en 2000 ; qu'ainsi, la décision du PREFET DE POLICE fixant le pays de la reconduite de M. Y... n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à demander l'annulation du jugement du 23 février 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 13 octobre 2000 ;
Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris du 23 février 2001 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. Sokol Y... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Sokol Y... et au ministre de l'intérieur.