Vu la requête, enregistrée le 19 mars 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE L'HERAULT ; le PREFET DE L'HERAULT demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 23 février 2001 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé son arrêté du 13 février 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Recep X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Montpellier ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vallée, Auditeur, »
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., de nationalité turque, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 5 octobre 2000, de l'arrêté du 2 octobre 2000 par lequel le PREFET DE L'HERAULT lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 25 de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France que ne peut faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière "2°) L'étranger qui justifie par tous les moyens résider en France habituellement depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans" ;
Considérant que M. X..., né le 15 mai 1981 à Aksaray en Turquie, soutient qu'il est arrivé en France en 1990 et qu'il réside sur le territoire de façon habituelle depuis cette date ; qu'à l'appui de ses allégations, le requérant produit, tant en première instance qu'en appel, des documents, notamment un certificat de scolarité et des attestations qui tendent à établir que l'intéressé, qui a suivi une scolarité à l'école primaire de Balaruc-le-Vieux en 1990-1991 et a ensuite été scolarisé dans la commune selon l'adjoint au maire délégué aux écoles, a vécu chez son père, titulaire d'une carte de résident, et Mme Y..., la compagne de celui-ci depuis 1990, à Balaruc-le-Vieux ; qu'il produit une attestation du docteur Perrin qui certifie l'avoir examiné plusieurs fois entre 1991 et 1996 et une attestation selon laquelle il a été suivi par le docteur Z... de 1998 à 2000 ; qu'il produit également des bulletins de salaires et un certificat de travail montrant qu'il a travaillé successivement dans deux restaurants, comme cuisinier, au cours de l'année 2000 ; que le préfet se borne à invoquer la valeur probante insuffisante de ces documents mais n'apporte aucun élément de nature à infirmer la réalité et la continuité du séjour en France du requérant depuis 1990 ; que la circonstance que M. X... a fait l'objet d'une mesure d'expulsion de la part des autorités italiennes alors qu'il venait de rendre visite à sa mère qui y résidait ne fait pas obstacle à ce que, dans les circonstances de l'espèce, l'intéressé soit regardé comme justifiant d'une résidence habituelle depuis cette date ; que, par suite, le PREFET DE L'HERAULT n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier s'est fondé sur une méconnaissance des dispositions précitées de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 pour annuler son arrêté en date du 13 février 2001 ordonnant la reconduite de M. X... à la frontière ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. X... la somme de 900 euros ;
Article 1er : La requête du PREFET DE L'HERAULT est rejetée.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. X... la somme de 900 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE L'HERAULT, à M. Recep X... et au ministre de l'intérieur.