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03/04/2002 | FRANCE | N°239862

France | France, Conseil d'État, 03 avril 2002, 239862


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 8 novembre 2001, présentée par Mme Najat Y..., demeurant chez Mme Ghita X...
... ; Mme Y... demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 14 mars 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 6 juin 2000 du préfet de police ordonnant sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet

de police de lui délivrer un titre de séjour ;
Vu les autres pièces du dossier ;
...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 8 novembre 2001, présentée par Mme Najat Y..., demeurant chez Mme Ghita X...
... ; Mme Y... demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 14 mars 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 6 juin 2000 du préfet de police ordonnant sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- les conclusions de M. Seban, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen de la requête :
Considérant qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, qu'il s'agisse d'un arrêté d'expulsion pris selon la procédure normale ou d'un arrêté de reconduite à la frontière, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" prévue au premier alinéa du même article est délivrée de plein droit : "( ...) 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Y... vit habituellement en France depuis le 8 août 1989, soit depuis plus de 10 ans à la date de l'arrêté attaqué ; que, par suite, le préfet de police ne pouvait légalement prendre à son encontre l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué sans méconnaître les dispositions du 3° de l'article 12 bis précité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme Y... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 6 juin 2000 par lequel le préfet de police a ordonné sa reconduite à la frontière ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution" ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé" ; que le III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dispose que : "Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, ( ...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas" ;
Considérant que la présente décision prononce l'annulation pour excès de pouvoir d'un arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Y... et non pas d'une décision refusant de délivrer à celle-ci une carte de séjour temporaire ; que, dès lors, Mme Y... n'est pas fondée à invoquer l'autorité de la chose jugée qui s'attacherait aux motifs de la présente décision pour soutenir que celle-ci implique nécessairement, au sens des dispositions précitées de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, la délivrance d'une carte de séjour temporaire ;
Mais considérant qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions précitées du III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, lesquels peuvent être exercés tant par le juge unique de la reconduite à la frontière que par une formation collégiale, pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée, au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au préfet de police de se prononcer sur la situation de Mme Y... dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision ;
Article 1er : Le jugement du 14 mars 2001 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris, ensemble l'arrêté du 6 juin 2000 du préfet de police ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Y... sont annulés.
Article 2 : Le préfet de police statuera sur la régularisation de la situation de Mme Y..., dans un délai d'un mois suivant la notification de la présente décision.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Najat Y..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 239862
Date de la décision : 03/04/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 06 juin 2000
Code de justice administrative L911-1, L911-2
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 25, art. 12 bis, art. 22 bis


Publications
Proposition de citation : CE, 03 avr. 2002, n° 239862
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur public ?: M. Seban

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:239862.20020403
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