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05/04/2002 | FRANCE | N°199686

France | France, Conseil d'État, 6 / 4 ssr, 05 avril 2002, 199686


Vu, 1°) sous le n° 199686, la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 17 septembre 1998, présentée pour la SOCIETE DES MINES DE SACILOR LORMINES, dont le siège est ..., représentée par ses dirigeants en exercice ; la SOCIETE DES MINES DE SACILOR LORMINES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté interpréfectoral du 24 juillet 1998 portant mesures de police des mines ;
2°) d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de cet arrêté ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 000 F au titre de

l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 repris à l'article L. 761-1 du cod...

Vu, 1°) sous le n° 199686, la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 17 septembre 1998, présentée pour la SOCIETE DES MINES DE SACILOR LORMINES, dont le siège est ..., représentée par ses dirigeants en exercice ; la SOCIETE DES MINES DE SACILOR LORMINES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté interpréfectoral du 24 juillet 1998 portant mesures de police des mines ;
2°) d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de cet arrêté ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 repris à l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu, 2°) sous le n° 205909, la requête enregistrée au secrétariat du contentieux le 23 mars 1999, présentée pour la SOCIETE DES MINES DE SACILOR LORMINES ; la SOCIETE DES MINES DE SACILOR LORMINES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la demande que lui avait adressée la SOCIETE DES MINES DE SACILOR LORMINES et qui tendait au retrait de l'arrêté interpréfectoral du 24 juillet 1998 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 450 455 F HT en réparation des frais engagés pour l'application de l'arrêté litigieux ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 repris à l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu, enregistré le 25 avril 2001, l'acte par lequel la SOCIETE DES MINES DE SACILOR LORMINES déclare se désister purement et simplement des demandes de récusation ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code minier ;
Vu le décret n° 95-427 du 19 avril 1995 relatif aux titres miniers ;
Vu le décret n° 95-696 du 9 mai 1995 relatif à l'ouverture des travaux miniers et à la police des mines ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Vialettes, Auditeur,
- les observations de Me Guinard, avocat de la SOCIETE DES MINES DE SACILOR LORMINES,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes n°s 199686 et 205909 de la SOCIETE DES MINES DE SACILOR LORMINES présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur les conclusions de la SOCIETE DES MINES DE SACILOR LORMINES tendant à la communication de divers documents :
Considérant, d'une part, que les conclusions du commissaire du Gouvernement n'ont pas à être préalablement communiquées aux parties ; que d'autre part, la requérante n'est, en tout état de cause, pas fondée à demander, dans le cadre de ses conclusions dirigées contre l'arrêté interpréfectoral du 24 juillet 1998, la communication d'avis, émis par les formations administratives du Conseil d'Etat, portant sur des projets de loi ou de décret ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté interpréfectoral du 24 juillet 1998 portant mesures de police des mines, et de la décision implicite de rejet opposée par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie au recours hiérarchique formé contre cet arrêté :
Considérant, en premier lieu, que l'arrêté interpréfectoral du 24 juillet 1998 a un champ d'application plus étendu que l'arrêté interpréfectoral du 18 juillet 1997, lequel, d'ailleurs, n'a été que partiellement annulé par la décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux en date du 19 mai 2000 ; que, par suite, la société requérante n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que l'arrêté du 24 juillet 1998 devrait être annulé par voie de conséquence de l'annulation de l'arrêté du 18 juillet 1997 ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 27 du décret du 9 mai 1995 relatif à l'ouverture des travaux miniers et à la police des mines : "Le préfet, sous l'autorité du ministre chargé des mines, exerce la surveillance administrative et la police des mines sur l'ensemble des travaux et installations situés dans son département. Lorsque les travaux et installations s'étendent sur plusieurs départements, le ministre chargé des mines peut confier à un préfet coordinateur le soin d'exercer la surveillance administrative et la police des mines sur l'ensemble des travaux et installations" ; que ces dispositions prévoient la possibilité pour le ministre chargé des mines de désigner un préfet coordinateur, mais ne lui en font pas obligation ; que, par suite, le moyen tiré de ce que, en l'absence de cette désignation, les préfets de la Moselle, de la Meuse et de Meurthe-et-Moselle auraient été incompétents pour prendre les arrêtés attaqués, ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le projet d'arrêté litigieux a été communiqué le 23 juin 1998 à la société requérante qui a présenté ses observations le 30 juin 1998 ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'inobservation de la procédure contradictoire instituée à l'article 34 du décret du 9 mai 1995 manque en fait ;

Considérant, en quatrième lieu, que l'arrêté attaqué vise les textes applicables, rappelle les précédentes étapes de la procédure et se réfère aux "préconisations du conseil scientifique réuni le 24 février 1998 ayant pour effet d'étendre les expertises déjà réalisées à l'ensemble des concessions dont la SOCIETE SACILOR LORMINES est titulaire ...., l'objectif étant d'évaluer les risques pour la sécurité des personnes" ; qu'il est, ainsi, suffisamment motivé ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 79 du code minier dans sa rédaction issue de la loi du 15 juillet 1994 : "Les travaux de recherches ou d'exploitation d'une mine doivent respecter les contraintes et obligations afférentes à ( ...)/ la sécurité et la salubrité publiques, ( ...) à la solidité des édifices publics ou privés ( ...)/ Lorsque les intérêts mentionnés à l'alinéa précédent sont menacés par ces travaux, l'autorité administrative peut prescrire à l'explorateur ou à l'exploitant de mines toute mesure destinée à assurer la protection de ces intérêts dans un délai déterminé" ; qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 84 du même code minier, fixant les règles applicables à l'arrêt des travaux miniers : "Lorsque les mesures prévues par le présent article ou prescrites par l'autorité administrative en application du présent article ont été réalisées, l'autorité administrative en donne acte à l'explorateur ou à l'exploitant ( ...)" ; qu'aux termes de l'article 49 du décret du 9 mai 1995 : "La surveillance administrative et la police des mines prennent fin à la date où il est donné acte à l'exploitant des travaux effectués ( ...)/ Toutefois, le préfet est habilité ( ...) à prendre ( ...) toutes les mesures que rendraient nécessaires des incidents ou accidents imputables à d'anciens travaux miniers, lorsque de tels événements sont de nature à porter atteinte aux intérêts protégés par l'article 79 du code minier, et ce jusqu'à la limite de validité du titre minier" ; que selon l'article 119-4 du code minier : "les renonciations, totales ou partielles, aux droits de recherche ou d'exploration de mines ou de carrières ne deviennent définitives qu'après avoir été acceptées par le ministre chargé des mines" ; qu'aux termes de l'article 34 du décret du 19 avril 1995 : "La demande de renonciation à un titre minier est adressée au ministre chargé des mines./ ( ...) L'acceptation d'une renonciation est prononcée par arrêté du ministre chargé des mines" ;
Considérant, d'une part, que, contrairement à ce qui est soutenu, la loi du 15 juillet 1994 est entrée en vigueur dès sa publication et avait vocation à s'appliquer à toutes les concessions de mines en cours de validité à cette date ; que, par suite, et nonobstant la circonstance que les demandes d'abandon de travaux et de renonciation aux concessions auraient été présentées avant l'entrée en vigueur de cette loi, les préfets de la Moselle, de la Meuse et de Meurthe-et-Moselle en ont fait légalement application ; que la société requérante ne saurait, en tout état de cause, se prévaloir utilement d'un moyen tiré de la méconnaissance des principes de confiance légitime et de sécurité juridique dès lors que l'arrêté attaqué n'a pas été pris pour la mise en oeuvre du droit communautaire ;

Considérant, d'autre part, qu'il ressort de la combinaison des dispositions précitées que la circonstance que l'exploitant aurait exécuté les travaux prescrits par l'autorité administrative en vue de l'abandon d'une mine, ne suffit pas à l'exonérer de ses responsabilités tant qu'il ne lui a pas été donné acte de cette exécution ; qu'en outre, lorsque, comme en l'espèce, sont survenus des incidents ou accidents, tels que des affaissements, susceptibles de nuire à la solidité des édifices publics et privés, le préfet demeure habilité à intervenir même après qu'il a été donné acte de l'exécution des travaux prescrits en vue de l'abandon de la mine, tant que le concessionnaire reste titulaire du titre minier ; qu'il ressort des pièces du dossier que si certaines des mines énumérées à l'article 2 de l'arrêté attaqué avaient fait l'objet d'une procédure d'abandon dont il avait été donné acte par le directeur régional de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, aucune des concessions correspondantes, à la date de l'arrêté attaqué, n'était venue à expiration ou n'avait fait l'objet d'une procédure de renonciation acceptée par le ministre, une telle acceptation expresse étant seule susceptible, contrairement à ce qui est soutenu dans un nouveau mémoire enregistré la veille de l'audience, quelle que soit la date à laquelle elle intervient, de donner son plein effet à la renonciation ; que la société requérante ne peut utilement invoquer les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour soutenir qu'il appartiendrait au Conseil d'Etat de fixer une date différente ; que, par suite, les préfets de la Moselle, de la Meuse et de Meurthe-et-Moselle ont pu à bon droit mettre à la charge de l'exploitant les mesures nécessaires pour prévenir la répétition d'affaissements de terrain ;
Considérant, en sixième lieu, qu'en application des dispositions des articles 79 et 84 du code minier, les autorités administratives peuvent prescrire à l'exploitant toutes les mesures destinées à assurer la protection des objectifs de sécurité et de salubrité publiques et de solidité des édifices prévue par l'article 79 de ce code ; que ces mesures peuvent consister aussi bien en des études destinées à analyser et répertorier les risques d'incidents que dans des travaux destinés à les prévenir ou à y mettre fin ;
Considérant, en septième lieu, que, contrairement à ce qui est soutenu, l'arrêté attaqué ne comporte pas de prescriptions imprécises ou impossibles à exécuter ;

Considérant, en huitième lieu, qu'il ne peut, en tout état de cause, être sérieusement soutenu que l'arrêté attaqué impose à la société requérante une obligation prohibée par l'article 4 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales selon lequel "nul ne peut être astreint à un travail forcé ou obligatoire" ; que les charges financières qui résulteront de l'application de cet arrêté ne sauraient être assimilées à une dépossession de la société requérante alors d'ailleurs que l'article 1er du premier protocole additionnel à ladite convention réserve la possibilité pour les Etats de "mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général" ; que l'article II de la convention, relatif à la liberté de réunion et d'association, n'est pas applicable à l'espèce ; qu'enfin, l'arrêté attaqué n'impose pas à la société requérante des "charges spéciales" prohibées par l'article 4 du traité instituant la communauté européenne du charbon et de l'acier ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de poser à la Cour de justice des communautés européennes aucune question préjudicielle, que la SOCIETE DES MINES DE SACILOR LORMINES n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté interpréfectoral du 24 juillet 1998 portant mesures de police des mines et de la décision implicite de rejet opposée par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie au recours hiérarchique formé contre cet arrêté ;
Sur les conclusions tendant au remboursement des frais exposés par la SOCIETE DES MINES DE SACILOR LORMINES pour mettre en oeuvre l'arrêté litigieux :
Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui précède que les préfets de la Moselle, de la Meuse et de Meurthe-et-Moselle n'ont commis aucune illégalité constitutive d'une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat ;
Considérant, d'autre part, que le risque d'affaissements et l'intervention consécutive de l'administration pour prescrire les mesures susceptibles d'y remédier sont inhérents à l'activité minière et doivent normalement entrer dans les prévisions du concessionnaire ; que la société requérante n'est pas fondée, en tout état de cause, à invoquer la théorie du fait du prince et la théorie de l'imprévision ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions susanalysées ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions de la SOCIETE DES MINES DE SACILOR LORMINES tendant au remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la SOCIETE DES MINES DE SACILOR LORMINES la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Les requêtes de la SOCIETE DES MINES DE SACILOR LORMINES sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE DES MINES DE SACILOR LORMINES et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 6 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 199686
Date de la décision : 05/04/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

40 MINES ET CARRIERES.


Références :

Arrêté du 18 juillet 1997
Arrêté du 24 juillet 1998 art. 2 interpréfectoral décision attaquée confirmation
Code de justice administrative L761-1
Code minier 79, 84, 119-4
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 6, art. 13
Décret 95-427 du 19 avril 1995 art. 34
Décret 95-696 du 09 mai 1995 art. 27, art. 34, art. 49
Loi 94-588 du 15 juillet 1994


Publications
Proposition de citation : CE, 05 avr. 2002, n° 199686
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mlle Vialettes
Rapporteur public ?: M. Lamy

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:199686.20020405
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