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10/04/2002 | FRANCE | N°230531

France | France, Conseil d'État, 5 / 7 ssr, 10 avril 2002, 230531


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 février et 30 mars 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, ainsi que le mémoire enregistré le 26 mars 2001, présentés pour M. Philippe Y..., demeurant ... ; M. Y... demande au Conseil d'Etat, d'une part, d'annuler la décision du 21 décembre 2000 par laquelle la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des chirurgiens-dentistes 1°, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 juin 1999 par laquelle la section des assurances sociales du conseil régional de Poitou-

Charentes lui a infligé la sanction de l'interdiction d'exercer ...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 février et 30 mars 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, ainsi que le mémoire enregistré le 26 mars 2001, présentés pour M. Philippe Y..., demeurant ... ; M. Y... demande au Conseil d'Etat, d'une part, d'annuler la décision du 21 décembre 2000 par laquelle la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des chirurgiens-dentistes 1°, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 juin 1999 par laquelle la section des assurances sociales du conseil régional de Poitou-Charentes lui a infligé la sanction de l'interdiction d'exercer pour une durée de deux mois dont un avec sursis, 2°, a décidé que la période d'interdiction de donner des soins aux assurés sociaux non assortie du sursis serait exécutée du 1er avril au 30 avril 2001 inclus, 3°, a décidé que la sanction serait publiée aux mêmes dates dans les locaux de la caisse primaire d'assurance maladie du Cantal, 4°, l'a condamné aux frais de l'instance et aux frais éventuels de notification par voie d'huissier ; d'autre part, d'ordonner le sursis à exécution de cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu code de la sécurité sociale ;
Vu le décret n° 48-1671 du 26 octobre 1948 modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Sanson, Maître des Requêtes,
- les observations de Me X..., avocat M. Y... et de Me Foussard, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Vienne et du médecin-conseil, chef du service médical auprès de ladite CPAM ,
- les conclusions de M. Olson, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'eu égard à la nature des contestations portées devant la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des chirurgiens-dentistes, aux conditions de désignation des assesseurs ainsi qu'aux modalités d'exercice de leurs fonctions qui les soustraient à toute subordination hiérarchique, les membres de cette juridiction bénéficient de garanties leur permettant de porter, en toute indépendance, une appréciation personnelle sur le comportement professionnel des praticiens poursuivis devant la section des assurances sociales ; qu'en outre, les règles générales de procédure s'opposent à ce qu'un membre d'une juridiction administrative puisse participer au jugement d'un recours relatif à une décision dont il est l'auteur et à ce que l'auteur d'une plainte puisse participer au jugement rendu à la suite du dépôt de celle-ci ; qu'il suit de là qu'alors même que les caisses de sécurité sociale et les praticiens conseil ont la faculté de saisir, par la voie de l'appel, la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des chirurgiens-dentistes, M. Y... n'est pas fondé à soutenir que cette section ne satisfait pas à l'exigence d'indépendance et d'impartialité des juridictions rappelée par l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qui concerne les juridictions appelées à décider soit de contestations sur des droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation pénale dirigée contre une personne ;
Considérant que si, en application des dispositions du quatrième alinéa de l'article 23 du décret du 26 octobre 1948 susvisé, un des membres composant la section des assurances sociales est désigné comme rapporteur, et peut procéder, dans le cadre et pour les besoins du débat contradictoire entre les parties, à des mesures d'instruction qui ont pour objet de vérifier la pertinence des griefs et observations des parties et dont les résultats sont versés au dossier pour donner lieu à communication contradictoire, de telles attributions ne diffèrent pas de celles que la formation collégiale de jugement pourrait elle-même exercer et ne confèrent pas au rapporteur le pouvoir de décider par lui-même de modifier le champ de la saisine de la juridiction ; qu'ainsi, et alors même qu'il incombe par ailleurs au rapporteur, en vertu de l'article 26 du même décret, de faire à l'audience un exposé des faits consistant en une présentation de l'affaire, l'ensemble de ces dispositions n'ont pas pour effet de lui conférer des fonctions qui, au regard du principe d'impartialité comme des autres stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, feraient obstacle à sa participation au délibéré de cette section ;
Considérant que la décision attaquée énonce les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée ;

Considérant qu'il ressort des motifs de la décision attaquée et des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la section des assurances sociales, qui n'était pas tenue de répondre à chacun des arguments avancés par M. Y... à l'appui de son appel, a énoncé avec une précision suffisante les faits de nature à justifier que soit prononcée une sanction à son encontre et a ainsi répondu à ses moyens ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que ceux-ci auraient entaché leur décision d'une erreur matérielle ou d'une dénaturation de ces pièces en retenant que M. Y... a exécuté à quinze reprises des actes non conformes aux données acquises de la science en méconnaissance des dispositions de l'article 27 du code de déontologie des chirurgiens-dentistes, que dans quatre cas il a réalisé des travaux de prothèse de mauvaise qualité, que dans sept cas, il a présenté des propositions de prothèse sans avoir effectué les soins indispensables ; que le conseil national n'a pas commis d'erreur de qualification juridique en estimant que ces faits, qui ont mis en danger l'état de santé bucco-dentaire des patients, constituaient des "fautes, abus, fraudes" au sens de l'article L. 145-1 du code de la sécurité sociale ;
Considérant que la sanction d'interdiction de donner des soins aux assurés sociaux prononcée par la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des chirurgiens-dentistes a vocation à s'appliquer sur l'ensemble du territoire français ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le lieu d'exécution de la sanction a été fixé, non dans le département où les faits ont été commis mais dans celui où M. Y... exerce aujourd'hui, doit être écarté ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article R. 145-26 du code de la sécurité sociale, les décisions des sections des assurances sociales sont publiées par les soins des caisses et organismes intéressés ; qu'ainsi, en prévoyant, à l'article 3 de la décision attaquée, que la sanction affectant M. Y... ferait l'objet d'une publication par la caisse primaire d'assurance maladie du Cantal, département dans lequel M. Y... exerce ses activités, la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des chirurgiens-dentistes n'a pas méconnu ces dispositions ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 145-24 du code de la sécurité sociale : "Dans la quinzaine de leur prononcé, les décisions des sections des assurances sociales des conseils régionaux ou interrégionaux de l'ordre des ( ...) chirurgiens-dentistes ( ...) sont notifiées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au praticien, ( ...) à l'organisme d'assurance maladie ( ...) et au praticien-conseil requérant, au directeur régional des affaires sanitaires et sociales, au chef de service régional de l'inspection du travail, de l'emploi et de la politique sociale agricoles. ( ...) Font l'objet des mêmes notifications les décisions des sections des assurances sociales du Conseil national ( ...) de l'Ordre des chirurgiens-dentistes. Les décisions rendues par les sections des assurances sociales des conseils régionaux, interrégionaux et nationaux ( ...) de l'Ordre des chirurgiens-dentistes ( ...) sont également notifiées de la même manière au conseil départemental ou interrégional dont relève le praticien ou la sage-femme poursuivis" ;

Considérant que la décision attaquée prévoit, en son article 5, qu'elle sera notifiée à la caisse primaire d'assurance maladie de la Vienne et au médecin-conseil chef du service médical près cette caisse, requérants initiaux, à la caisse primaire d'assurance maladie du Cantal où la sanction doit être publiée, au directeur régional des affaires sanitaires et sociales et au directeur régional du travail et de la protection sociale agricoles de Poitou-Charentes, région où exerçait M. Y... au moment des faits reprochés, au directeur régional des affaires sanitaires et sociales et au directeur régional du travail et de la protection sociale agricoles d'Auvergne, région où M. Y... exerce son art ; que, ce faisant, elle n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article R. 145-24 ; qu'en revanche elle prévoit, dans le même article 5, qu'elle sera notifiée à tous les conseils départementaux de l'Ordre des chirurgiens-dentistes, alors qu'en vertu des dispositions de l'article R. 145-24 susmentionnées, les décisions rendues par les sections des assurances sociales sont notifiées au seul conseil départemental dont relève le praticien ; que la décision attaquée est ainsi, sur ce point, entachée d'erreur de droit ;
Considérant qu'il y a lieu, par suite, d'annuler la décision en tant qu'elle prévoit sa notification aux conseils départementaux de l'Ordre des chirurgiens-dentistes autres que celui au tableau duquel M. Y... est inscrit ;
Article 1er : La décision de la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des chirurgiens-dentistes en date du 21 décembre 2000 est annulée en tant qu'elle prévoit, en son article 5, que la sanction affectant M. Y... sera notifiée à d'autres conseils départementaux de l'Ordre des chirurgiens-dentistes que celui au tableau duquel est inscrit M. Y....
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Philippe Y..., au Conseil national de l'Ordre des chirurgiens-dentistes et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Synthèse
Formation : 5 / 7 ssr
Numéro d'arrêt : 230531
Date de la décision : 10/04/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

55-04-02-01-02 PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - DISCIPLINE PROFESSIONNELLE - SANCTIONS - FAITS DE NATURE A JUSTIFIER UNE SANCTION - CHIRURGIENS-DENTISTES


Références :

Code de déontologie des chirurgiens-dentistes 27
Code de la sécurité sociale L145-1, R145-26, R145-24, 5
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 6-1
Décret 48-1671 du 26 octobre 1948 art. 23, art. 26


Publications
Proposition de citation : CE, 10 avr. 2002, n° 230531
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Sanson
Rapporteur public ?: M. Olson

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:230531.20020410
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