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29/04/2002 | FRANCE | N°209381

France | France, Conseil d'État, 4 / 6 ssr, 29 avril 2002, 209381


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 juin et 22 octobre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Vincent X..., demeurant Clinique de la Sauvegarde, ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision en date du 21 avril 1999 par laquelle la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des médecins a réformé la décision de la section des assurances sociales du conseil régional de l'Ordre des médecins d'Alsace en date du 28 mai 1996, lui a infligé la sanction de l'interdiction du droit

de donner des soins aux assurés sociaux pendant une période d'un a...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 juin et 22 octobre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Vincent X..., demeurant Clinique de la Sauvegarde, ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision en date du 21 avril 1999 par laquelle la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des médecins a réformé la décision de la section des assurances sociales du conseil régional de l'Ordre des médecins d'Alsace en date du 28 mai 1996, lui a infligé la sanction de l'interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant une période d'un an, dont quatre mois assortis du sursis et a décidé que cette sanction, pour la partie non assortie du sursis, prendrait effet le 1er août 1999 et cesserait de porter effet le 31 mars 2000 et serait publiée pendant une durée de trois mois à compter du 1er août 1999 ;
2°) de constater que les faits reprochés sont amnistiés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale et notamment ses articles L. 145-1 à L. 145-9 et R. 145-4 à R. 145-29 ;
Vu la loi n° 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie ;
Vu le décret n° 48-1671 du 26 octobre 1948 modifié relatif au fonctionnement des conseils de l'Ordre des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et de la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins ;
Vu le décret n° 95-1000 du 6 septembre 1995 modifié portant code de déontologie médicale ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Picard, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Bachellier, Potier de La Varde, avocat de M. X..., de la SCP Vier, Barthélemy, avocat du Conseil national de l'Ordre des médecins et de Me Delvolvé, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon, du médecin-conseil près la caisse primaire centrale d'assurance maladie de Lyon, du médecin-conseil près la caisse primaire d'assurance maladie de Bourg-en-Bresse, du médecin-conseil près la caisse primaire d'assurance maladie d'Annonay, du médecin-conseil près la caisse primaire d'assurance maladie de Privas, du médecin-conseil près la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble, du médecin-conseil près la caisse primaire d'assurance maladie de Vienne, du médecin-conseil près la caisse primaire d'assurance maladie de Saint-Etienne, du médecin-conseil près la caisse primaire d'assurance maladie de Chambéry, du médecin-conseil près la caisse primaire d'assurance maladie d'Annecy, et du médecin-conseil près la caisse primaire d'assurance maladie de Mâcon,
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;

Sur le moyen tiré de l'irrégularité de la composition de la section des assurances sociales :
Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (à) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (à)" ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 145-7 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996 : "La section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des médecins (.) comprend un nombre égal d'assesseurs membres de l'Ordre et d'assesseurs représentant des organismes de sécurité sociale, nommés par l'autorité compétente de l'Etat sur proposition de la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés" ; qu'aux termes de l'article R. 145-7 du même code : "La section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des médecins comprend, outre son président, quatre assesseurs : (.) deux assesseurs représentent les organismes d'assurance maladie. Ils sont nommés par le ministre chargé de la sécurité sociale : 1° Le premier, sur proposition du médecin-conseil national du régime général de sécurité sociale, parmi les médecins-conseils chefs de service ou régionaux" ; 2° Le second, sur proposition conjointe des responsables des services médicaux des régimes de protection sociale agricole et du régime d'assurance maladie des travailleurs non salariés des professions non agricoles, parmi les médecins-conseils chefs de service ou régionaux chargés du contrôle médical (.)" ;

Considérant qu'eu égard à la nature des contestations portées devant la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des médecins, aux conditions de désignation des assesseurs ainsi qu'aux modalités d'exercice de leurs fonctions, qui les soustraient à toute subordination hiérarchique, les membres de cette juridiction bénéficient des garanties leur permettant de porter, en toute indépendance, une appréciation personnelle sur le comportement professionnel des médecins poursuivis devant la section des assurances sociales ; qu'en outre, les règles générales de procédure s'opposent à ce qu'un membre d'une juridiction administrative puisse participer au jugement d'un recours relatif à une décision dont il est l'auteur et à ce que l'auteur d'une plainte puisse participer au jugement rendu à la suite du dépôt de celle-ci ; qu'il suit de là qu'alors même que les caisses de sécurité sociale et les médecins-conseils ont la faculté de saisir, par la voie de l'appel, la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des médecins, M. X... n'est pas fondé à soutenir que cette section ne satisfait pas à l'exigence d'indépendance et d'impartialité des juridictions rappelée par l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qui concerne les juridictions appelées à décider soit de contestations sur des droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation pénale dirigée contre une personne ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision attaquée en tant qu'elle statue sur les plaintes des caisses primaires d'assurance maladie :
Considérant que, pour écarter le moyen tiré de l'irrecevabilité des plaintes formées par les caisses primaires d'assurance maladie au motif que le signataire desdites plaintes n'avait pas été habilité pour ce faire par le conseil d'administration de ces organismes, la section des assurances sociales a relevé que ce moyen, soulevé pour la première fois devant elle, ne pouvait, en tout état de cause, l'être utilement dès lors que la section des assurances sociales du conseil régional n'aurait pu le retenir sans avoir préalablement invité les caisses à régulariser leurs demandes sur ce point ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait d'apprécier la recevabilité d'une demande accueillie par les premiers juges, après avoir invité l'auteur de cette demande à la régulariser si nécessaire, la section des assurances sociales a entaché sa décision d'erreur de droit ; qu'il suit de là que la décision de la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des médecins doit être annulée en tant qu'elle a statué sur la requête des caisses primaires d'assurance maladie de Privas, du Haut-Vivarais, de Saint-Etienne, du Jura, de l'Ain, de Vienne et de la Verpillière, de la Savoie, de Grenoble, de la Saône-et-Loire et de la caisse primaire centrale d'assurance maladie de Lyon ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision attaquée en tant qu'elle statue sur les plaintes des médecins conseils près les caisses primaires d'assurance maladie ;

Considérant que si M. X... soutient que l'enquête diligentée par les services de la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon n'a pas respecté le principe de la contradiction, c'est à bon droit que la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des médecins a répondu que les conditions dans lesquelles ce contrôle s'est déroulé sont sans influence sur la procédure suivie devant le juge disciplinaire ;
Considérant que les quatre derniers alinéas de l'article 1er du chapitre V du titre VII de la nomenclature générale des actes professionnels prévoient de coter K 50 les électrocardiogrammes et mesures des pressions intracardiaques ou intravasculaires pratiqués au cours d'une intervention, K 70 les électrocardiogrammes et mesures des pressions intracardiaques ou intravasculaires pratiqués au cours d'une intervention nécessitant une circulation extracorporelle et 30 E l'électrocardiogramme préopératoire en dehors de la chirurgie cardiaque en précisant que "ces trois derniers actes ne sont cotables que s'ils sont pratiqués par un praticien autre que le chirurgien et l'anesthésiste" ;
Considérant qu'en estimant que M. X... avait facturé K 70 des électrocardiogrammes et des mesures de pressions intracardiaques et intravasculaires alors qu'il ne pouvait matériellement se trouver en salle d'opération pour toutes les interventions en cause et que la cotation K 70 est réservée par la nomenclature aux actes réalisés durant l'intervention par un médecin autre que le chirurgien ou l'anesthésiste et ne peut, donc, s'appliquer à une simple interprétation ultérieure des enregistrements qu'a réalisés l'anesthésiste pendant l'intervention, la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des médecins, à qui il appartenait d'interpréter les dispositions ci-dessus rappelées, n'a pas méconnu le sens des dispositions de l'article 1er du chapitre V du titre VII de la nomenclature générale, ci-dessus rappelées ;
Considérant qu'en estimant que ce comportement, consistant, afin d'obtenir une rémunération majorée, en des cotations et facturations non justifiées et répétées, était contraire à la probité et à l'honneur professionnel, la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des médecins a fait une exacte application de la loi du 3 août 1995 ;
Considérant, enfin, que l'irrecevabilité des plaintes des caisses primaires d'assurance maladie, n'est pas de nature à entraîner l'annulation de la sanction infligée à M. X..., qui repose également sur les plaintes des médecins-conseils chefs de service de l'échelon local du service médical près ces organismes, sur lesquelles elle a régulièrement statué ; que dès lors que, par la décision attaquée, la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des médecins a apprécié le comportement du praticien poursuivi, il n'y a pas lieu de lui renvoyer les conclusions des caisses primaires d'assurance maladie ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner M. X... à payer au service médical près la caisse primaire centrale d'assurance maladie de Lyon, au service médical près la caisse primaire d'assurance maladie de Bourg-en-Bresse, au service médical près la caisse primaire d'assurance maladie d'Annonay, au service médical près la caisse primaire d'assurance maladie de Privas, au service médical près la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble, au service médical près la caisse primaire d'assurance maladie de Vienne, au service médical près la caisse primaire d'assurance maladie de Saint-Etienne, au service médical près la caisse primaire d'assurance maladie de Chambéry, au service médical près la caisse primaire d'assurance maladie d'Annecy et au service médical près la caisse primaire d'assurance maladie de Mâcon (CNAM) une somme globale de 3 000 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La décision de la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre est annulée en tant qu'elle a statué sur la requête des caisses primaires d'assurance maladie de Privas, du Haut-Vivarais, de Saint-Etienne, du Jura, de l'Ain, de Vienne et de la Verpillière, de la Savoie, de Grenoble, de la Saône-et-Loire et de la caisse primaire centrale d'assurance maladie de Lyon.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 3 : M. X... est condamné à payer aux échelons locaux du service médical près les caisses primaires d'assurance maladie de Lyon, de Bourg-en-Bresse, d'Annonay, de Privas, de Grenoble, de Vienne, de Saint-Etienne, de Chambéry, d'Annecy, de Moulins et de Mâcon (CNAM) une somme globale de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Vincent X..., à la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des médecins, à la caisse primaire centrale d'assurance maladie de Lyon, à l'échelon local du service médical près la caisse primaire centrale d'assurance maladie de Lyon, à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain, à l'échelon local du service médical de Bourg-en-Bresse, à la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Vivarais, à l'échelon local du service médical d'Annonay, à la caisse primaire d'assurance maladie de Privas, à l'échelon local du service médical de Privas, à la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble, à l'échelon local du service médical près la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble, à la caisse primaire d'assurance maladie de Vienne et de la Verpillière, à l'échelon local du service médical de Vienne, à la caisse primaire d'assurance maladie de Saint-Etienne, à l'échelon local du service médical près la caisse primaire d'assurance maladie de Saint-Etienne, à la caisse primaire d'assurance maladie du Jura, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie, à l'échelon local du service médical de Chambéry, à l'échelon local du service médical d'Annecy, à la caisse primaire d'assurance maladie de Saône-et-Loire, à l'échelon local du service médical de Mâcon, à l'échelon local du service médical de Moulins et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Synthèse
Formation : 4 / 6 ssr
Numéro d'arrêt : 209381
Date de la décision : 29/04/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

55-04-02-01 PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - DISCIPLINE PROFESSIONNELLE - SANCTIONS - FAITS DE NATURE A JUSTIFIER UNE SANCTION


Références :

Code de justice administrative L761-1
Code de la sécurité sociale L145-7, R145-7
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 6-1
Loi 95-884 du 03 août 1995
Ordonnance 96-345 du 24 avril 1996 art. 6


Publications
Proposition de citation : CE, 29 avr. 2002, n° 209381
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Picard
Rapporteur public ?: M. Schwartz

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:209381.20020429
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