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22/05/2002 | FRANCE | N°214637

France | France, Conseil d'État, 8 / 3 ssr, 22 mai 2002, 214637


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 novembre 1999 et 20 mars 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jacques Y..., demeurant ... à Le Blanc Mesnil (93150) ; M. Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 21 septembre 1999 de la cour administrative d'appel de Paris en tant qu'il annule le jugement en date du 9 mai 1996 du tribunal administratif de Versailles en tant qu'il annule la décision du 21 juin 1995 du ministre du travail, du dialogue social et de la participation autorisant le centre

d'aide par le travail "La Gabrielle" à procéder à son licenc...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 novembre 1999 et 20 mars 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jacques Y..., demeurant ... à Le Blanc Mesnil (93150) ; M. Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 21 septembre 1999 de la cour administrative d'appel de Paris en tant qu'il annule le jugement en date du 9 mai 1996 du tribunal administratif de Versailles en tant qu'il annule la décision du 21 juin 1995 du ministre du travail, du dialogue social et de la participation autorisant le centre d'aide par le travail "La Gabrielle" à procéder à son licenciement pour perte de confiance ;
2°) de condamner la Mutualité Fonction Publique à lui verser la somme de 15 000 F (2 286,74 euros) au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Sauron, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. Y... et de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la Mutualité Fonction Publique,
- les conclusions de Mme Mignon, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. Y..., délégué syndical et représentant syndical au comité d'établissement du Centre d'aide par le travail (CAT) "La Gabrielle", géré par la Mutualité Fonction Publique, se pourvoit en cassation contre l'arrêt en date du 21 septembre 1999 de la cour administrative d'appel de Paris en tant qu'il annule le jugement en date du 9 mai 1996 du tribunal administratif de Versailles en tant qu'il avait annulé la décision en date du 21 juin 1995 du ministre du travail, du dialogue social et de la participation autorisant le Centre d'aide par le travail (CAT) "La Gabrielle" à procéder au licenciement de M. Y... pour perte de confiance ;
Considérant que, devant la cour administrative d'appel de Paris, le ministre du travail et des affaires sociales a produit un mémoire qui a été enregistré le 27 novembre 1996 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que ledit mémoire comportait des éléments nouveaux dont la cour administrative d'appel a tenu compte pour rendre l'arrêté attaqué ; qu'ainsi la cour administrative d'appel de Paris ayant méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure, M. Y... est fondé à demander l'annulation de la partie de l'arrêt qui fait l'objet de son pourvoi ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;
Sur la recevabilité de l'appel de la Mutualité Fonction Publique :
Considérant qu'aux termes de l'article 45 des statuts de la Mutualité Fonction Publique : "Le président général représente la Mutualité Fonction Publique en justice et dans tous les actes de la vie civile" ; que, par suite, le président général de la Mutualité Fonction Publique avait qualité pour faire appel, au nom de celle-ci, devant la cour, sans avoir à produire de pouvoir ; qu'ainsi, la requête de la Mutualité Fonction Publique est recevable ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens :

Considérant qu'en vertu des dispositions des articles L. 412-18 et L. 436-1 du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions de délégué syndical ou de représentant syndical au comité d'entreprise, bénéficient dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que lorsqu'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié bénéficiant d'une protection particulière est fondée sur des éléments qui se rattachent au comportement de l'intéressé et qui, sans caractériser l'existence d'une faute, rendraient impossible, selon l'employeur, la poursuite du contrat de travail, il appartient à l'inspecteur du travail et, éventuellement, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si ces éléments présentent un caractère objectif et si, en raison du niveau élevé des responsabilités exercées par le salarié, ils peuvent, eu égard à l'ensemble des règles applicables au contrat de travail, et compte tenu des atteintes susceptibles d'être portées au fonctionnement de l'organisme en cause, justifier légalement l'octroi d'une autorisation de licenciement : qu'en revanche, la perte de confiance de l'employeur envers le salarié ne peut jamais constituer par elle-même un motif pouvant servir de base à une autorisation de licenciement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, que M. Y..., directeur-adjoint du Centre d'aide par le travail (CAT) "La Gabrielle" à Claye-Souilly, a cumulé pendant dix années, sa qualité de gérant de magasin de fleurs à Paris avec son activité principale de responsable du secteur horticole au sein dudit établissement ; que cette situation, ignorée de son employeur la Mutualité Fonction Publique, était, eu égard au niveau hiérarchique de M. Y... et au risque de conflit d'intérêts, de nature à porter atteinte au fonctionnement du centre d'aide par le travail qui employait M. Y... ; que, dans ces conditions, le ministre du travail, du dialogue social et de la participation n 'a pas commis d'erreur d'appréciation en autorisant le licenciement de l'intéressé ; que c'est, dès lors, à tort que, pour annuler la décision du ministre, le tribunal administratif de Versailles a estimé qu'il avait commis une telle erreur ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens présentés par M. Y... devant le tribunal administratif de Versailles ;
Considérant en premier lieu, que le ministre du travail et des affaires sociales, saisi d'un recours hiérarchique, n'était pas tenu de faire procéder à une enquête contradictoire ;

Considérant, en deuxième lieu, que si M. Y... soutient que la décision ministérielle du 21 juin 1995 aurait été prise par une autorité incompétente, faute pour M. François X..., chef de service à la direction des relations du travail d'avoir reçu une délégation de signature du ministre, le moyen manque en fait, M. François X..., ayant reçu, par décret en date du 12 juin 1995 publié au Journal officiel de la République Française du 14 juin 1995, une délégation pour signer, dans la limite de ses attributions et au nom du ministre du travail, du dialogue social et de la participation, tous actes, arrêtés, décisions ou conventions, à l'exclusion des décrets ;
Considérant en troisième lieu, que l'existence d'un lien entre le licenciement et les mandats de délégué syndical et de représentant syndical au comité d'établissement du centre d'aide par le travail "La Gabrielle" détenus par M. Y... ne ressort pas des pièces du dossier ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Mutualité Fonction Publique est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant que celui-ci a annulé la décision du 21 juin 1995 du ministre du travail, du dialogue social et de la participation ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Mutualité Fonction Publique qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante soit condamnée à payer la somme que M. Y... demande pour les frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner M. Y... à payer à la Mutualité Fonction Publique la somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions ;
Article 1er : Les articles 1 à 3 et 5 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 21 septembre 1999 et le jugement en date du 9 mai 1996 du tribunal administratif de Versailles en tant qu'il a annulé la décision du 21 juin 1995 du ministre du travail, du dialogue social et de la participation ayant autorisé le licenciement de M. Y... sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Versailles en tant qu'elle est dirigée contre la décision du ministre du travail, du dialogue social et de la participation en date du 21 juin 1995 et le surplus de ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat sont rejetés.
Article 3 : M. Y... versera à la Mutualité Fonction Publique une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Jacques Y..., à la Mutualité Fonction Publique et au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.


Synthèse
Formation : 8 / 3 ssr
Numéro d'arrêt : 214637
Date de la décision : 22/05/2002
Sens de l'arrêt : Annulation partielle rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

66-07-01-04,RJ1 TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES PROTEGES - CONDITIONS DE FOND DE L'AUTORISATION OU DU REFUS D'AUTORISATION - Motif susceptible de justifier un licenciement - Existence - Eléments se rattachant au comportement de l'intéressé et qui, sans caractériser l'existence d'une faute, rendent impossible la poursuite du contrat de travail (1).

66-07-01-04 Le ministre ne commet pas d'erreur d'appréciation en autorisant le licenciement d'un salarié protégé qui a cumulé pendant dix années sa qualité de gérant de magasin de fleurs avec son activité principale de responsable du secteur horticole d'un centre d'aide par le travail. Cette situation, ignorée de son employeur, était, eu égard au niveau hiérarchique de l'intéressé et au risque de conflit d'intérêts, de nature à porter atteinte au fonctionnement du centre d'aide par le travail. Ces éléments, qui ne caractérisent pas l'existence d'une faute et qui ne sont pas constitutifs d'une perte de confiance de l'employeur envers le salarié, rendent impossible la poursuite du contrat de travail.


Références :

Code de justice administrative L821-2, L761-1
Code du travail L412-18, L436-1
Décret du 12 juin 1995

1.

Cf. Section, 2001-12-21 Baumgarth, n° 224605, à publier.


Publications
Proposition de citation : CE, 22 mai. 2002, n° 214637
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Sauron
Rapporteur public ?: Mme Mignon

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:214637.20020522
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