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22/05/2002 | FRANCE | N°219373

France | France, Conseil d'État, 8 / 3 ssr, 22 mai 2002, 219373


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 27 mars et 27 juillet 2000, présentés pour la SA SOLLAC, dont le siège est ... ; la SA SOLLAC, venant aux droits de la société Usinor Aciers, demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 20 janvier 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 5 novembre 1996 du tribunal administratif de Lille rejetant sa demande tendant à ce que la taxe foncière sur les propriétés bâties pour l'

tablissement industriel de Dunkerque, au titre de l'année 1988, soit ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 27 mars et 27 juillet 2000, présentés pour la SA SOLLAC, dont le siège est ... ; la SA SOLLAC, venant aux droits de la société Usinor Aciers, demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 20 janvier 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 5 novembre 1996 du tribunal administratif de Lille rejetant sa demande tendant à ce que la taxe foncière sur les propriétés bâties pour l'établissement industriel de Dunkerque, au titre de l'année 1988, soit établie à son nom et à celui de la société TFK, chacune compte tenu de leur quote-part de propriété, sur une base réduite ;
2°) de décharger la société Usinor Aciers de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1988 à raison de l'établissement industriel de Dunkerque ; 3°) de mettre lesdites impositions à sa charge et à celle de la société TFK en réduisant leurs bases en application des dispositions de l'article 1518 B du code général des impôts ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code du commerce ;
Vu la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales ;
Vu la loi n° 93-1352 du 30 décembre 1993 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vallée, Maître des Requêtes-;
- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de la SA SOLLAC et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la société GTS Industries,
- les conclusions de Mme Mignon, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par deux traités sous seing privé en date du 9 septembre 1987, ratifiés par les assemblées générales extraordinaires des sociétés concernées le 16 novembre 1987, d'une part, la société Usinor Aciers a fait apport total de ses actifs à la SA SOLLAC et, d'autre part, cette dernière a cédé une partie desdits actifs à la société TFK aux droits de laquelle vient la société GTS Industries ; que la société Usinor Aciers a été assujettie à la taxe foncière sur les propriétés bâties, au titre de l'année 1988, à raison des installations industrielles de Dunkerque qui étaient au nombre des actifs ainsi transmis ; que la SA SOLLAC, venant aux droits de la société Usinor Aciers qu'elle a absorbée, se pourvoit contre l'arrêt en date du 20 janvier 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête tendant à ce que l'impôt soit mis à sa charge, sur une base réduite, et à celle de la société TFK, chacune pour sa quote-part de propriété de ces installations ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1402 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 1993 : "Les mutations cadastrales consécutives aux mutations de propriété sont faites à la diligence des propriétaires intéressés. Aucune modification à la situation juridique d'un immeuble ne peut faire l'objet d'une mutation si l'acte ou la décision judiciaire constatant cette modification n'a pas été préalablement publié au fichier immobilier " ; qu'aux termes de l'article 1403 du même code : "Tant que la mutation cadastrale n'a pas été faite, l'ancien propriétaire continue à être imposé au rôle, et lui ou ses héritiers naturels peuvent être contraints au paiement de la taxe foncière, sauf leur recours contre le nouveau propriétaire" ; qu'aux termes de l'article 1404 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 1993 : "I. Lorsque au titre d'une année une cotisation de taxe foncière a été établie au nom d'une personne autre que le redevable légal, le dégrèvement de cette cotisation est prononcé à condition que les obligations prévues à l'article 1402 aient été respectées. L'imposition du redevable légal au titre de la même année est établie au profit de l'Etat dans la limite de ce dégrèvement." ;
Considérant que, pour l'application de ces dispositions, lorsque au titre d'une année une cotisation de taxe foncière a été établie au nom d'une personne autre que le redevable légal, le dégrèvement de cette cotisation, subordonné à la publication au fichier immobilier de l'acte ou de la décision constatant le transfert de propriété, est prononcé par le juge de l'impôt si, à la date où il statue, il constate que cette formalité a été accomplie, alors même qu'elle ne l'aurait été qu'après l'établissement de l'impôt ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Douai a commis une erreur de droit en jugeant que la taxe foncière due au titre de l'année 1988 à raison des installations industrielles de Dunkerque avait été à bon droit établie au nom de la société Usinor Aciers au motif que l'acte authentique translatif de propriété n'avait été publié que le 28 novembre 1988, soit postérieurement à l'établissement de la taxe en litige ; que l'arrêt attaqué doit, dès lors, être annulé pour ce motif ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient la société requérante, le tribunal administratif de Lille n'a pas relevé d'office le moyen tiré de l'inopposabilité des actes de fusion ou d'apport à la date d'établissement de l'impôt, sur lequel il s'est fondé pour rejeter la requête ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 372-2 de la loi du 24 juillet 1966 repris à l'article L. 236-4 du code de commerce, la fusion de deux sociétés anonymes ou la transmission universelle du patrimoine cédé par une société anonyme à une autre société anonyme, par voie d'apport partiel d'actif, lorsque ce dernier est soumis par les parties, en vertu de l'article 387 de la même loi, repris à l'article L. 236-22 du code de commerce, au régime des scissions prévu par cette loi, prennent en principe effet à la date à laquelle la fusion ou l'apport partiel d'actif a été approuvé par les assemblées générales extraordinaires d'actionnaires des deux sociétés concernées ; qu'il résulte de l'instruction que les délibérations des assemblées générales extraordinaires en date du 16 novembre 1987, des sociétés Usinor Aciers, SOLLAC et TFK, ont approuvé, d'une part, la fusion des deux premières sociétés et, d'autre part, l'apport partiel d'actif, placé sous le régime des scissions, effectué par la SA SOLLAC au bénéfice de TFK ; que l'apport en cause concernait une partie des biens du site de Dunkerque ; que ces délibérations avaient ainsi rendu juridiquement parfaits les accords passés par les sociétés susmentionnées en date du 9 septembre précédent, alors même que les procès-verbaux des assemblées qui les ont ratifiés n'ont été enregistrés que le 8 mars 1988, s'agissant de la fusion, et le 30 novembre 1988, s'agissant de l'apport partiel d'actifs ; que, par suite la SA SOLLAC est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour rejeter sa demande, les premiers juges se sont fondés sur le motif que l'accord résultant du traité d'apport conclu entre la SA SOLLAC et la société Usinor Aciers n'avait pas été rendu parfait par la délibération des assemblées générales extraordinaires d'actionnaires de ces sociétés ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société ;

Considérant qu'il est constant que le transfert de propriété entre Usinor Aciers et la SA SOLLAC des installations industrielles du site de Dunkerque a fait l'objet d'une publication au fichier immobilier le 28 novembre 1988 ; que le transfert de propriété entre la SA SOLLAC et TFK d'une partie de ces installations a fait l'objet d'une publication au fichier immobilier le 10 janvier 1989 ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la formalité prévue à l'article 1402 du code général des impôts, à laquelle renvoie l'article 1404 du même code, ayant été accomplie, il y a lieu, dans ces conditions, par application de ces mêmes dispositions, de décharger la société Usinor Aciers des impositions contestées et de mettre celles-ci à la charge de la SA SOLLAC et de TFK, aux droits de laquelle vient la société GTS Industries, chacune pour sa quote-part de propriété ; que, toutefois, l'état du dossier ne permet pas au Conseil d'Etat d'évaluer ces quote-parts respectives de propriété ; qu'il y a lieu, dès lors, d'ordonner au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de procéder de façon contradictoire à un supplément d'instruction aux fins de déterminer les quote-parts de propriété respectives de la SA SOLLAC et de la société TFK, au droits de laquelle vient la société GTS Industries, concernant le site de Dunkerque ;
Considérant qu'en vertu de l'article 1499 du code général des impôts, la valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, affecté, le cas échéant, des correctifs prévus aux articles 310 J bis et 310 K de l'Annexe II au même code les taux fixés à l'article 310 L de la même annexe ; qu'aux termes de l'article 1518 B du même code : "A compter du 1er janvier 1980, la valeur locative des immobilisations corporelles acquises à la suite d'apports, de scissions, de fusions de sociétés ou de cessions d'établissements réalisés à partir du 1er janvier 1976 ne peut être inférieure aux deux tiers de la valeur locative retenue l'année précédant l'apport, la scission, la fusion ou la cession. / Les dispositions de l'alinéa précédent s'appliquent aux seules immobilisations corporelles directement concernées par l'opération d'apport, de scission, de fusion ou de cession, dont la valeur locative a été retenue au titre de l'année précédant l'opération." ;

Considérant que la SA SOLLAC demande que la base de l'imposition à la taxe foncière litigieuse soit réduite en application des dispositions précitées selon lesquelles, en cas d'acquisition d'immobilisations à la suite d'apports, la valeur locative imposable est soit la valeur locative d'apport, soit les deux tiers de la valeur locative retenue l'année précédant l'apport ; qu'elle fait valoir, en appliquant les règles de calcul posées par ces mêmes dispositions, que cette opération de comparaison conduit à une réduction de la base imposable de 3 055 296 F ; que, sans contredire la méthode ni les calculs de la société requérante, le ministre se borne à indiquer qu'il ne dispose d'aucun élément pour déterminer la base d'imposition du nouveau redevable ; que, dans ces conditions, la base d'imposition de la SA SOLLAC pour la taxe foncière afférente aux installations industrielles du site de Dunkerque au titre de 1988 doit être fixée, ainsi qu'elle le demande, à 1 370 203,20 euros (8 987 944 F) ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai en date du 20 janvier 2000 et le jugement du tribunal administratif de Lille en date du 5 novembre1996 sont annulés.
Article 2 : La société Usinor Aciers est déchargée de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie, au titre de l'année 1988, à raison des installations industrielles de Dunkerque.
Article 3 : Cette imposition est mise à la charge de la SA SOLLAC et de la société TFK, chacune pour sa quote-part de propriété.
Article 4 : L'imposition visée à l'article 3 est mise à la charge de la SA SOLLAC et de la société GTS Industries à concurrence du montant calculé sur une base d'imposition s'élevant à 1 370 203,20 euros (8 987 944 F), en fonction de leurs quote-parts respectives de propriété.
Article 5 : Aux fins de déterminer les quote-parts de propriété visées à l'article précédent, il sera procédé, par les soins du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, contradictoirement avec la SA SOLLAC et la société GTS Industries, à un supplément d'instruction.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la SA SOLLAC, à la société GTS Industries et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

19-03-03-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILEES ET REDEVANCES - TAXES FONCIERES - TAXE FONCIERE SUR LES PROPRIETES BATIES


Références :

CGI 1402, 1404, 1499, 1518
CGIAN2 310 J bis, 310 K, 310 L
Code de commerce L236-4, L236-22
Code de justice administrative L821-2
Instruction du 16 novembre 1987
Loi 66-537 du 24 juillet 1966 art. 372-2, art. 387
Loi 93-1352 du 30 décembre 1993


Publications
Proposition de citation: CE, 22 mai. 2002, n° 219373
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vallée
Rapporteur public ?: Mme Mignon

Origine de la décision
Formation : 8 / 3 ssr
Date de la décision : 22/05/2002
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 219373
Numéro NOR : CETATEXT000008114759 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2002-05-22;219373 ?
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