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27/05/2002 | FRANCE | N°125959

France | France, Conseil d'État, 9 / 10 ssr, 27 mai 2002, 125959


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 21 mai et 23 septembre 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE SUPERSEAL CORPORATION, dont le représentant en France est le président-directeur général de la S.A. Veraqui, domicilié ... ; la requérante demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 15 février 1991 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête à fin de décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de chacune des années 1978 e

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 21 mai et 23 septembre 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE SUPERSEAL CORPORATION, dont le représentant en France est le président-directeur général de la S.A. Veraqui, domicilié ... ; la requérante demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 15 février 1991 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête à fin de décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de chacune des années 1978 et 1979 et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 000 F en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention fiscale signée entre la France et le Canada le 2 mai 1975 et publiée au Journal Officiel de la République française du 10 octobre 1976 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Fabre, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, avocat de la SOCIETE SUPERSEAL CORPORATION,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Sur l'arrêt attaqué, en tant que la cour administrative d'appel a statué sur le bien-fondé de l'imposition de plus-values au titre de l'année 1978 :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société de droit canadien Armalux Glass Industries a, le 28 décembre 1977, acquis en France un établissement industriel, de fabrication de verres et vitrages, dont, par deux baux distincts, prenant effet à cette date, elle a loué, d'une part, les éléments immobiliers, d'autre part, les mobiliers, matériels et outillages à la S.A. Veraqui, leur ancien propriétaire ; que la société Armalux Glass Industries a, le 30 septembre 1978, été dissoute, et que ses actifs ont été repris par la société de droit canadien SUPERSEAL CORPORATION, qui en avait été l'unique actionnaire et qui a poursuivi les locations susmentionnées ; que l'administration a estimé qu'à l'occasion de sa dissolution, la société Armalux Glass Industries devait être regardée comme ayant réalisé des plus-values à court terme, imposables en France, en vertu des articles 6 et 13 de la convention fiscale signée le 2 mai 1975 entre la France et le Canada, dont l'approbation a été autorisée par la loi n( 76-532 du 19 juin 1976 et qui a été publiée au Journal Officiel de la République Française du 10 octobre 1976, selon lesquels les bénéfices ou gains "provenant de l'aliénation" de biens immobiliers sont imposables dans l'Etat contractant où ces biens sont situés ; que la SOCIETE SUPERSEAL CORPORATION a contesté cette imposition en soutenant, devant les juges du fond, qu'eu égard à la circonstance qu'elle avait été l'unique actionnaire de la société Armalux Glass Industries, la dissolution de cette dernière ne pouvait pas être regardée comme ayant donné lieu entre elles à une cession des biens repris du bilan de l'une à celui de l'autre au sens et pour l'application de l'article 39 duodecies du code général des impôts ; que, dès lors qu'en vertu du droit des sociétés canadien auquel elles étaient soumises, les patrimoines respectifs des deux sociétés étaient distincts, et ne se sont confondus que par l'effet d'un transfert de propriété corrélatif à la dissolution d'Armalux Glass Industries, la cour administrative d'appel, dont l'arrêt n'est pas, sur ce point, insuffisamment motivé, a, contrairement à ce que soutient la société requérante, écarté le moyen susanalysé sans commettre d'erreur de droit ;
Sur l'arrêt attaqué, en tant que la cour administrative d'appel a rejeté comme irrecevables les conclusions de la requête de SUPERSEAL CORPORATION tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés résultés de l'imposition du revenu de la location de biens meubles, au titre des années 1978 et 1979 :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel que, contrairement à ce que celle-ci a relevé en se méprenant sur l'année au titre de laquelle ont été imposées les plus-values sur le bien-fondé de l'imposition desquelles elle a statué, la demande introduite en première instance par la SOCIETE SUPERSEAL CORPORATION visait, non pas seulement le supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle avait été assujettie au titre de l'année 1980, mais également ceux mis à sa charge au titre des années 1978 et 1979 ; que la cour a, ainsi commis une inexactitude matérielle en regardant les conclusions tendant à la décharge de ces dernières impositions comme formulées pour la première fois en appel et, par suite, celles ci-dessus mentionnées comme irrecevables ; que la SOCIETE SUPERSEAL CORPORATION est, dès lors, fondée à demander que l'arrêt attaqué soit annulé sur ce point ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu par application de l'article L. 821-2, premier alinéa, du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;
En ce qui concerne l'imposition au titre des années 1978 et 1979 des produits de la location des mobiliers, matériels et outillages garnissant l'établissement industriel possédé en France :
Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen soulevé par la SOCIETE SUPERSEAL CORPORATION devant la cour administrative d'appel :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Armalux Glass Industries, puis la SOCIETE SUPERSEAL CORPORATION, ont spontanément acquitté, à raison des loyers qu'elles ont perçus en rémunération de la location de mobiliers, matériels et outillages consentie à la S.A. VERAQUI, l'impôt au taux de 10 % du montant brut des produits perçus, que l'article 12 de la convention fiscale franco-canadienne permet à l'Etat d'où proviennent des "redevances" payées à un résident de l'autre Etat, et notamment, en contrepartie de "la concession de l'usage d'un équipement industriel, commercial ou scientifique", de recouvrer lorsque ces redevances sont imposables dans l'autre Etat ; que les redressements opérés sur ce point par l'administration procèdent de ce que celle-ci a estimé que lesdits loyers entraient dans le champ d'application de l'article 6 de la convention, aux termes duquel : "1°) Les revenus provenant de biens immobiliers ( ...) sont imposables dans l'Etat contractant où ces biens sont situés, 2°) Pour l'application de la présente convention l'expression "biens immobiliers" est définie conformément au droit de l'Etat contractant où les biens considérés sont situés ( ...) En ce qui concerne la France, l'expression "droit de l'Etat contractant" s'entend de la législation fiscale française ( ...)" ;
Considérant qu'au sens de la législation fiscale française, l'expression "biens immobiliers" doit être entendue comme désignant les immeubles par nature et non les "immeubles par destination" au sens du droit civil ; qu'ainsi, à supposer même que, comme le soutient l'administration, les mobiliers, matériels et outillages en l'espèce donnés en location aient été "immeubles par destination", au sens des dispositions de l'article 524 du code civil, ces biens n'entraient pas dans le champ d'application de l'article 6 précité de la convention ; que les produits tirés de leur location ne pouvaient, dès lors, être imposés en France que dans la limite fixée, à l'article 12 de la convention, en ce qui concerne les "redevances" ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE SUPERSEAL CORPORATION est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif ne lui a pas accordé respectivement la réduction et la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de chacune des années 1978 et 1979 ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à payer à la SOCIETE SUPERSEAL CORPORATION une somme de 1500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 15 février 1991 est annulé en tant que la cour a rejeté comme irrecevables partie des conclusions présentées devant elle par la SOCIETE SUPERSEAL CORPORATION.
Article 2 : Il est accordé à la SOCIETE SUPERSEAL CORPORATION décharge de la fraction du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1978 procédant de l'imposition de produits de location de biens meubles, ainsi que du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1979.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 14 décembre 1989 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 ci-dessus.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE SUPERSEAL CORPORATION est rejeté.
Article 5 : L'Etat versera à la SOCIETE SUPERSEAL CORPORATION la somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE SUPERSEAL CORPORATION et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Sens de l'arrêt : Annulation partielle décharge
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

19-01-01-05 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - TEXTES FISCAUX - CONVENTIONS INTERNATIONALES - Convention fiscale franco-canadienne du 2 mai 1975 - a) Aliénation de biens immobiliers (articles 6 et 13) - Existence - Reprise par une société canadienne d'actifs immobiliers situés en France consécutivement à la dissolution d'une autre société canadienne - Conséquence - Imposition en France de la plus-value immobilière réalisée à l'occasion de cette opération - b) Revenus provenant de biens immobiliers (article 6) - Absence - Produits tirés des "immeubles par destination" au sens du droit civil français - Conséquence - Imposition en France de ces produits dans la limite fixée à l'article 12 de la convention.

19-01-01-05 a) La reprise par une société de droit canadien des actifs situés en France appartenant à une autre société de droit canadien consécutivement à la dissolution de celle-ci présente le caractère d'une cession au sens de l'article 39 duodecies du code général des impôts, nonobstant la circonstance que la première société était l'actionnaire unique de la seconde, dès lors qu'en vertu du droit des sociétés canadien auquel elles étaient soumises, les patrimoines respectifs des deux sociétés étaient distincts et ne se sont confondus que par l'effet d'un transfert de propriété corrélatif à la dissolution de la seconde société. La plus-value immobilière résultant de cette opération est imposable en France en vertu des articles 6 et 13 de la convention fiscale franco-canadienne du 2 mai 1975, selon lesquels les bénéfices ou gains "provenant de l'aliénation" de biens immobiliers sont imposables dans l'Etat contractant où ces biens sont situés. b) L'article 6 de la convention fiscale franco-canadienne du 2 mai 1975, qui réserve l'imposition des revenus provenant de biens immobiliers à l'Etat contractant où ces biens sont situés, précise que l'expression "biens immobiliers" est définie conformément au droit de l'Etat contractant où les biens considérés sont situés, c'est-à-dire, en ce qui concerne la France, conformément à la législation fiscale française. Au sens de cette législation, l'expression "biens immobiliers" doit être entendue comme désignant les immeubles par nature et non les "immeubles par destination" au sens du droit civil. Par suite, des "immeubles par destination" au sens des dispositions de l'article 524 du code civil n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 6 de la convention. Les produits tirés par une société canadienne de la location de mobiliers, matériels et outillages garnissant un établissement industriel situé en France ne peuvent, dès lors, être imposés en France que dans la limite fixée à l'article 12 de la convention, qui permet à l'Etat d'où proviennent des "redevances" payées à un résident de l'autre Etat, notamment en contrepartie de la "concession de l'usage d'un équipement industriel, commercial ou scientifique", de recouvrer l'impôt au taux de 10 % du montant brut des produits perçus lorsque les redevances sont imposables dans l'autre Etat.


Références :

CGI 39 duodecies
Code civil 524
Code de justice administrative L821-2, L761-1
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 6, art. 12
Loi du 19 juin 1976


Publications
Proposition de citation: CE, 27 mai. 2002, n° 125959
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Robineau
Rapporteur ?: M. Fabre
Rapporteur public ?: M. Goulard
Avocat(s) : SCP Delaporte, Briard, Avocat

Origine de la décision
Formation : 9 / 10 ssr
Date de la décision : 27/05/2002
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 125959
Numéro NOR : CETATEXT000008089892 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2002-05-27;125959 ?
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