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27/05/2002 | FRANCE | N°241670

France | France, Conseil d'État, Section du contentieux, 27 mai 2002, 241670


Vu le recours, enregistré le 7 janvier 2002 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1, 2 et 4 de l'ordonnance en date du 20 décembre 2001 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a suspendu les décisions du directeur des services fiscaux du Bas-Rhin en date du 29 octobre 2001 en tant qu'elles subordonnent le remboursement de crédits de taxe sur la valeu

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Vu le recours, enregistré le 7 janvier 2002 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1, 2 et 4 de l'ordonnance en date du 20 décembre 2001 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a suspendu les décisions du directeur des services fiscaux du Bas-Rhin en date du 29 octobre 2001 en tant qu'elles subordonnent le remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée à la SARL Grey Diffusion au titre des mois d'avril, mai et juin 2001 à la présentation de cautions et a enjoint au directeur de procéder au remboursement desdits crédits ;

2°) de statuer sur la procédure de référé-suspension ;

Points de l'Affaire N°

....................................................................................

Fin de visas de l'Affaire N° 241670

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Entendus de l'Affaire N° 241670

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Wauquiez-Motte, Auditeur,

- les observations de Me Cossa, avocat de la SARL Grey Diffusion,

- les conclusions de M. Courtial, Commissaire du gouvernement ;

Considérants de l'Affaire N° 241670

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ; qu'aux termes de l'article 242-OJ de l'annexe II au code général des impôts, pris sur le fondement des articles 271 et 273 du code général des impôts : Toute personne qui demande le bénéfice des dispositions des articles 242-OA à 242-OK peut, à la demande de l'administration, être tenue de présenter une caution solvable qui s'engage, solidairement avec elle, à reverser les sommes dont elle aurait obtenu indûment le remboursement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg que la SARL Grey Diffusion a sollicité, par lettres en date des 22 mai 2001, 22 juin 2001 et 19 juillet 2001, un remboursement des crédits de taxe sur la valeur ajoutée, au titre, respectivement, des mois d'avril, mai et juin 2001 ; que, par trois lettres en date du 29 octobre 2001, le directeur des services fiscaux du Bas-Rhin a proposé de procéder au versement des sommes demandées moyennant la présentation par la SARL Grey Diffusion d'une caution, sur le fondement des dispositions de l'article 242-OJ de l'annexe II au code général des impôts ; que la SARL Grey Diffusion a formé devant le tribunal administratif de Strasbourg une demande tendant à la suspension des décisions exprimées dans ces lettres et à ce que soit ordonné par provision le paiement des créances d'avril et mai 2001 au Crédit Agricole d'Alsace, cessionnaire de ces créances, et de la créance de juin 2001 à la Caisse d'épargne d'Alsace ; que, par une ordonnance en date du 20 décembre 2001, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, statuant sur la demande de référé-suspension, ordonné la suspension de l'exécution des décisions attaquées et enjoint au directeur des services fiscaux du Bas-Rhin de rembourser les crédits de taxe sur la valeur ajoutée auprès des banques titulaires desdites créances et, d'autre part, jugé qu'il n'y avait pas lieu à statuer sur les conclusions en référé aux fins de provision ; que le ministre se pourvoit en cassation contre cette ordonnance en tant qu'elle statue sur le référé-suspension ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens du recours ;

Considérant que la demande de présentation d'une caution, en application de l'article 242-OJ de l'annexe II au code général des impôts, constitue l'ouverture d'une procédure provisoire, engagée dans l'attente de la décision que l'administration fiscale devra prendre sur l'existence et le montant du droit à remboursement du contribuable, et permettant à celui-ci de bénéficier, malgré les doutes de l'administration sur ce droit à remboursement, d'une avance provisoire de trésorerie sous réserve qu'une caution soit présentée ; que cette proposition ne fait pas obstacle, le cas échéant, en l'absence d'une décision se prononçant expressément sur la demande de remboursement, à l'intervention, dans les conditions de droit commun résultant des articles R* 198-10 et R* 199-1 du livre des procédures fiscales, d'une décision implicite de rejet de cette demande de remboursement ; que le contribuable pourrait contester une telle décision de rejet devant le juge de l'impôt afin de faire valoir les droits qu'il tire de l'article 271-IV du code général des impôts et des articles 242-OA et suivants de son annexe II ; que, dans ces conditions, les lettres proposant un remboursement provisoire moyennant la présentation d'une caution ne constituent pas des décisions susceptibles de recours ;

Considérant, par suite, qu'en accueillant la demande de suspension dirigée contre les lettres du 29 octobre 2001, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a commis une erreur de droit ; que son ordonnance doit être annulée en tant qu'elle a statué sur la demande de référé-suspension ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au titre de la procédure de référé-suspension engagée ;

Sur les conclusions tendant à ce que soit ordonnée la suspension de l'exécution des décisions contenues dans les lettres du directeur des services fiscaux du Bas-Rhin en date du 29 octobre 2001 :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le recours dirigé par la SARL Grey Diffusion contre les lettres du directeur des services fiscaux du Bas-Rhin en date du 29 octobre 2001 est irrecevable ; que, par suite, les conclusions tendant à la suspension de leur exécution ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente affaire, la partie perdante, soit condamné à payer à la SARL Grey Diffusion la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Dispositif de l'Affaire N° 241670

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 1, 2 et 4 de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg en date du 20 décembre 2001 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de la SARL Grey Diffusion devant le tribunal administratif de Strasbourg tendant à ce que soit ordonnée la suspension des décisions du directeur des services fiscaux du Bas-Rhin en date du 29 octobre 2001 sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la SARL Grey Diffusion tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à la SARL Grey Diffusion.

SDP Délibéré de l'Affaire N° 226827

Délibéré de l'Affaire N° 241670

Délibéré dans la séance du 14 mai 2002 où siégeaient : M. Labetoulle, Président de la Section du Contentieux, présidant ; Mme X..., M. F..., M. Stirn, Présidents adjoints de la Section du Contentieux ; M. H..., M. B..., M. E..., M. Philippe Martin, M. Y..., M. A..., M. Martin D..., M. Z..., Mme de Saint Pulgent, M. Delarue, Présidents de sous-section ; M. G..., M. Arrighi de Casanova, Conseillers d'Etat et M. Wauquiez-Motte, Auditeur-rapporteur.

Lu en séance publique le 27 mai 2002.

Signature 2 de l'Affaire N° 241670

Le Président :

Signé : M. Labetoulle

L'Auditeur-rapporteur :

Signé : M. Wauquiez-Motte

Le secrétaire :

Signé : Mme C...

Formule exécutoire de l'Affaire N° 241670

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en ce qui le concerne et à tous huissiers à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le secrétaire

Moyens de l'Affaire N° 241670

il soutient que le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg ne pouvait, dans le cadre d'un contentieux relatif au cautionnement éventuel prévu par l'article 242-OJ de l'annexe II au code général des impôts, ordonner le remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'en prescrivant un tel remboursement dans le cadre du référé-suspension, le juge des référés a méconnu les portées spécifiques du référé provision et du référé-suspension ; que les lettres en date du 29 octobre 2001, si elles constituaient bien des actes préparatoires, ne pouvaient être regardées comme un rejet de réclamation au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales et ne pouvaient donner lieu à un plein contentieux mais seulement à un recours pour excès de pouvoir ; que la requête aurait donc dû être déclarée irrecevable, dès lors que l'administration fiscale ne s'était prononcée ni explicitement ni implicitement sur la demande de remboursement ; que le juge des référés a méconnu la portée de l'article 242-OJ de l'annexe II au code général des impôts en subordonnant l'exigence d'une caution aux seuls cas où existe un risque probable quant au caractère indu du remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée demandé ; que le juge des référés a entaché son ordonnance d'une contrariété de motifs en relevant d'une part, que la solvabilité de la société était suffisante pour rembourser éventuellement les crédits de taxe sur la valeur ajoutée au cas où ils auraient été indûment versés et d'autre part, que la situation financière dégradée de la société justifiait qu'il y ait urgence à suspendre les décisions attaquées ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 février 2002, présenté pour la SARL Grey Diffusion ; la société conclut au rejet du pourvoi ; elle soutient que le moyen relatif à la nature du référé est inopérant, dès lors que la procédure de référé-suspension permettait au juge, après avoir suspendu l'exécution des décisions exigeant la présentation d'une caution, d'ordonner le remboursement de ses crédits de taxe sur la valeur ajoutée, indépendamment de la question de savoir si le même résultat pouvait être atteint par la voie d'un référé provision ; que le moyen tiré de ce que les décisions contestées ne constituaient pas un rejet de réclamation au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales est également inopérant, dans la mesure où le référé-suspension porte sur un contentieux de l'excès de pouvoir distinct de l'action en remboursement des crédits de taxe sur la valeur ajoutée ; que l'article 242-OJ de l'annexe II au code général des impôts ne permet pas de restreindre abusivement le droit pour le redevable d'obtenir le remboursement des crédits de taxe sur la valeur ajoutée et que, conformément à la doctrine administrative, seule l'existence d'un risque probable quant au caractère indu du remboursement est de nature à justifier l'exigence d'une caution ; que l'ordonnance n'est pas entachée d'une contrariété de motifs, dans la mesure où si initialement la situation financière de l'entreprise était saine, le défaut de remboursement des crédits de taxe sur la valeur ajoutée a pu en revanche conduire à une détérioration financière de nature à justifier l'existence d'une urgence à suspendre les décisions attaquées ;

Vu le mémoire en réplique, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, enregistré le 22 février 2002 ; le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie reprend les conclusions de son recours et les mêmes moyens ; il soutient, en outre, que le bénéfice de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce, dès lors que la doctrine administrative invoquée par le requérant ne constitue que de simples recommandations destinées aux services ;

Vu les pièces desquelles il résulte que, par application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées de ce que la décision du Conseil d'Etat était susceptible d'être fondée sur des moyens relevés d'office ;

Vu, enregistrées les 7 mai et 10 mai 2002, les observations présentées par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en réponse à la communication des moyens relevés d'office ;

Vu, enregistrées le 7 mai 2002, les observations présentées pour la SARL Grey Diffusion, en réponse à la communication des moyens relevés d'office ;

Signature 1 de l'Affaire N° 241670

Le Président :

L'Auditeur-rapporteur :

Le secrétaire :

En tête Visa de l'Affaire N° 241670

CONSEIL D'ETAT

statuant

au contentieux dp

N° 241670

MINISTRE DE L'ECONOMIE DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

c/SARL Grey diffusion

M. Wauquiez-Motte

Rapporteur

M. Courtial

Commissaire du gouvernement

Séance du 14 mai 2002

Lecture du

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux)

Sur le rapport de la 9ème sous-section

de la Section du contentieux

En tête de projet de l'Affaire N° 241670

N° 241670

MINISTRE DE L'ECONOMIE DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

c/SARL Grey diffusion

dp

M. Wauquiez-Motte

Rapporteur

M. Martin

Réviseur

M. Courtial

Comm. du Gouv.

9ème S/S

P R O J E T visé le 10 mai 2002

--------------------------

En tête HTML de l'Affaire N° XXXXXX

En tête HTML

Formule exécutoire notif de l'Affaire N° 226293

Pour expédition conforme,

Le secrétaire

Ordonnance de l'Affaire N° XXXXXX

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N° 241670- 8 -


Synthèse
Formation : Section du contentieux
Numéro d'arrêt : 241670
Date de la décision : 27/05/2002
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-035-02-05 PROCÉDURE - PROCÉDURES INSTITUÉES PAR LA LOI DU 30 JUIN 2000 - RÉFÉRÉ SUSPENSION (ARTICLE L 521-1 DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE) - VOIES DE RECOURS - CASSATION - A) POSSIBILITÉ POUR LE CONSEIL D'ETAT DE PRONONCER LE SURSIS À EXÉCUTION D'UNE ORDONNANCE PRISE PAR LE JUGE DES RÉFÉRÉS - EXISTENCE - B) CONSÉQUENCES DIFFICILEMENT RÉPARABLES - NOTION - EXISTENCE - PERTE DÉFINITIVE D'UNE SOMME PAR L'ETAT [RJ1].

54-035-02-05 a) Le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi en cassation dirigé contre une ordonnance par laquelle un juge des référés a suspendu, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution d'une décision administrative ou de certains de ses effets, peut, en application de l'article R. 821-5 du même code, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de cette ordonnance si elle risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens invoqués paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation de l'ordonnance, l'infirmation de la solution retenue par le juge des référés.,,b) Il résulte de l'article R. 821-5 du code de justice administrative que le sursis à exécution d'une ordonnance rendue par le juge des référés sur le fondement de l'article L. 521-1 du même code est subordonné à la double condition que l'exécution de l'ordonnance risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et que les moyens invoqués paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation de l'ordonnance, l'infirmation de la solution retenue par le juge des référés. Risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables l'exécution d'une ordonnance qui expose l'Etat à la perte définitive d'une somme qui ne devrait pas rester à sa charge au cas où ses conclusions tendant à l'annulation de l'ordonnance seraient reconnues fondées par le Conseil d'Etat.


Références :

[RJ1]

Rappr. 21 juin 1996, Ville de Marseille, p. 243.


Publications
Proposition de citation : CE, 27 mai. 2002, n° 241670
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Labetoulle
Rapporteur ?: M. Laurent Wauquiez-Motte
Rapporteur public ?: M. Courtial
Avocat(s) : COSSA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:241670.20020527
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