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31/05/2002 | FRANCE | N°233429

France | France, Conseil d'État, 1ere sous-section jugeant seule, 31 mai 2002, 233429


Vu la requête, enregistrée le 7 mai 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 23 février 2001 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 2 mai 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Punithawathi A... épouse Z... ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif ;

Moyens de l'Affaire N° 233429

le préfet soutient

que la circonstance que Mme A... courrait des risques en cas de retour dans son pays n'est pa...

Vu la requête, enregistrée le 7 mai 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 23 février 2001 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 2 mai 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Punithawathi A... épouse Z... ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif ;

Moyens de l'Affaire N° 233429

le préfet soutient que la circonstance que Mme A... courrait des risques en cas de retour dans son pays n'est pas de nature à établir qu'il a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'appréciation des conséquences de la décision de reconduite à la frontière ; que s'agissant de la légalité de la décision distincte fixant le pays de renvoi, les allégations de l'intéressée, dont les demandes ont été rejetées par l'office français de protection des réfugiés et apatrides et la commission des recours des réfugiés, ne sont pas assorties de justifications propres à établir la réalité des risques ; que le mari de Mme A... est aussi en situation irrégulière ; que ses demandes du statut de réfugié ont été rejetées et qu'il s'est fait délivrer un passeport le 29 avril 1998 par les autorités sri lankaises ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2001, présenté par Mme A... qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation du PREFET DE POLICE à verser la somme de 8 000 F au titre des frais irrépétibles ; elle soutient que la requête du PREFET DE POLICE n'est pas recevable pour cause de tardiveté, le délai d'un mois pour interjeter appel étant expiré ; qu'en application de l'article 27 ter de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le PREFET DE POLICE était tenu de prendre une décision fixant le pays de destination distincte de l'arrêté de reconduite à la frontière ; que le rejet d'une demande d'asile par l'office français de protection des réfugiés et apatrides et la commission des recours des réfugiés ne fait pas obstacle à ce que l'ensemble des craintes de persécutions invoquées fassent l'objet d'un second examen par les juridictions administratives ; que c'est à la suite de persécutions liées à ses activités politiques que Mme A..., d'origine tamoule, a été contrainte de fuir son pays ; que ses frères ont été tués par l'armée ; qu'elle-même a été emprisonnée à Colombo ; que son oncle a été également arrêté ; qu'elle a épousé M. Z... qui a quitté aussi son pays pour les mêmes motifs ; que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a donc été violé par l'arrêté du préfet ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 13 juillet 2001, présenté par le PREFET DE POLICE qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ; il soutient, en outre, que l'appel était recevable, le 6 mai étant un dimanche ; que la décision du tribunal administratif n'est pas fondée sur la méconnaissance de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée mais sur l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation ; que la décision fixant le pays de renvoi peut voir sa légalité appréciée de façon autonome même si elle figure sur la même décision que celle décidant la reconduite à la frontière ; que, sur la légalité du pays de renvoi, Mme A... n'apporte aucune justification propre à établir les risques qu'elle courrait en cas de retour dans son pays d'origine ; que son mari s'est placé sur la protection des autorités du Sri Lanka en demandant un passeport à ces autorités ;

Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2001, présenté par Mme A... qui reprend les mêmes conclusions ; elle soutient que son époux s'est vu délivrer le 28 novembre 2001 une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale ; qu'ainsi, l'arrêté de reconduite à la frontière en date du 2 mai 2000 serait bien entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation ;

Fin de visas de l'Affaire N° 233429

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

En tête de l'Affaire N° 233429

CONSEIL D'ETAT

statuant

au contentieux mt

N° 233429

PREFET DE POLICE

c/Mme A...

Mlle Courrèges

Rapporteur

Mlle Fombeur

Commissaire du gouvernement

Séance du 16 mai 2002

Lecture du 31 mai 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1ère sous-section)

»

Points de l'Affaire N°

....................................................................................

Entendus de l'Affaire N° 233429

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Courrèges, Auditeur, »

- les conclusions de Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement ;

Considérants de l'Affaire N° 233429

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A..., de nationalité sri lankaise, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification le 12 mai 1999 de l'arrêté du même jour par lequel le PREFET DE POLICE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'elle se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :

Considérant que la requête a été enregistrée au secrétariat du contentieux le 7 mai 2001 ; que la requête adressée par télécopie a été régularisée ; que le jugement du tribunal administratif ayant été notifié le 5 avril 2001, le délai de recours expirait le 6 mai qui était un dimanche ; que, par suite, le recours enregistré le premier jour ouvrable suivant, le 7 mai, est recevable ;

Sur les conclusions dirigées contre le jugement du tribunal administratif :

Considérant, en premier lieu, qu'à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, Mme A... a fait valoir qu'en cas de retour au Sri Lanka, elle courrait des risques personnels graves en raison de son engagement politique ; qu'un tel moyen est inopérant à l'encontre de la mesure de reconduite à la frontière ;

Considérant, en deuxième lieu, que si Mme A... soutient que plusieurs membres de sa famille ont été tués ou emprisonnés en raison de leur engagement politique au Sri Lanka, les pièces du dossier et notamment les déclarations de l'intéressée ne sont pas de nature à corroborer les faits allégués et ne permettent pas d'établir la réalité des risques personnels encourus ; que la demande d'asile formée par l'intéressée a d'ailleurs été rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides le 19 octobre 1998 et à nouveau le 18 avril 2000, dont les décisions ont été confirmées par la commission des recours des réfugiés ; que, compte tenu des circonstances de l'espèce, la décision désignant le Sri Lanka comme pays de la reconduite à la frontière n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est à tort que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le PREFET DE POLICE dans le choix du pays de destination pour annuler la mesure de reconduite à la frontière et la décision désignant le Sri Lanka comme pays de renvoi ;

Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif de Paris et devant le Conseil d'Etat ;

Sur la légalité de la décision ordonnant la reconduite à la frontière :

Considérant que si Mme A... fait valoir que son mari dispose désormais d'une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale , cette seule circonstance, qui est postérieure à l'arrêté attaqué, est sans incidence sur la légalité de cet arrêté ; que cet arrêté n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de la décision fixant le Sri Lanka comme pays de destination :

Considérant que la décision fixant le pays de renvoi, distincte de la décision de reconduite à la frontière, ne doit pas figurer impérativement dans une décision matériellement distincte de l'arrêté de reconduite à la frontière lui-même ; que, dès lors, en faisant figurer à l'article 2 de l'arrêté la décision fixant le pays de renvoi, le PREFET DE POLICE n'a pas violé l'article 27 ter de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;

Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, Mme A... n'a pas apporté de justifications propres à établir la réalité des risques personnels auxquels elle serait exposée en cas de retour au Sri Lanka ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie personnelle une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cet arrêté a été pris ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le PREFET DE POLICE aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à Mme A... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Dispositif de l'Affaire N° 233429

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 23 février 2001 est annulé.

Article 2 : La demande de Mme A... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de Mme A... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à Mme Punithawathi A... épouse Z... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

SDP Délibéré de l'Affaire N° 226827

Délibéré de l'Affaire N° 233429

Délibéré dans la séance du 16 mai 2002 où siégeaient : M. Lasserre, Président de sous-section, Président ; Mme Belliard, Conseiller d'Etat et Mlle Courrèges, Auditeur-rapporteur.

Lu en séance publique le 31 mai 2002.

Signature 2 de l'Affaire N° 233429

Le Président :

Signé : M. Lasserre

L'Auditeur-rapporteur :

Signé : Mlle Courrèges

Le secrétaire :

Signé : Mme X...

Formule exécutoire de l'Affaire N° 233429

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, en ce qui le concerne et à tous huissiers à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le secrétaire

Signature 1 de l'Affaire N° 233429

Le Président :

L'Auditeur-rapporteur :

Le secrétaire :

En tête de projet de l'Affaire N° 233429

N° 233429

PREFET DE POLICE

c/Mme A...

mt

M. Y...

Rapporteur

Mme Belliard

Réviseur

Comm. du Gouv.

1ère S/S

P R O J E T visé le 15 mars 2002

--------------------------

En tête HTML de l'Affaire N° XXXXXX

En tête HTML

Formule exécutoire notif de l'Affaire N° 226293

Pour expédition conforme,

Le secrétaire

Ordonnance de l'Affaire N° XXXXXX

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N° 233429- 7 -


Synthèse
Formation : 1ere sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 233429
Date de la décision : 31/05/2002
Type d'affaire : Administrative

Publications
Proposition de citation : CE, 31 mai. 2002, n° 233429
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mlle Courrèges
Rapporteur public ?: Mlle Fombeur

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:233429.20020531
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