La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/05/2002 | FRANCE | N°243058

France | France, Conseil d'État, 1 ss, 31 mai 2002, 243058


Vu la requête, enregistrée le 13 février 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le DEPARTEMENT DU LOIRET, représenté par son président du conseil général en exercice ; le DEPARTEMENT DU LOIRET demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance en date du 29 janvier 2002 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a suspendu, à la demande de Mme Françoise X..., l'exécution de la décision du président du conseil général du Loiret du 26 décembre 2001 prononçant le retrait de l'agrément de Mme X... en qualité

d'assistante maternelle ;
2°) de condamner Mme X... à lui verser la somme d...

Vu la requête, enregistrée le 13 février 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le DEPARTEMENT DU LOIRET, représenté par son président du conseil général en exercice ; le DEPARTEMENT DU LOIRET demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance en date du 29 janvier 2002 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a suspendu, à la demande de Mme Françoise X..., l'exécution de la décision du président du conseil général du Loiret du 26 décembre 2001 prononçant le retrait de l'agrément de Mme X... en qualité d'assistante maternelle ;
2°) de condamner Mme X... à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Courrèges, Auditeur-;
- les observations de la SCP Le Bret-Desaché, Laugier, avocat du DEPARTEMENT DU LOIRET et de Me Cossa, avocat de Mme X...,
- les conclusions de Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ; qu'aux termes de l'article L. 521-4 du même code : " Saisi par toute personne intéressée, le juge des référés peut, à tout moment, au vu d'un élément nouveau, modifier les mesures qu'il avait ordonnées ou y mettre fin " ;
Considérant que l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; qu'il lui appartient également, l'urgence s'appréciant objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de chaque espèce, de faire apparaître dans sa décision tous les éléments qui, eu égard notamment à l'argumentation des parties, l'ont conduit à considérer que la suspension demandée revêtait un caractère d'urgence ;
Considérant que, pour estimer remplie la condition d'urgence à suspendre la décision du président du conseil général du Loiret du 26 décembre 2001 prononçant le retrait de l'agrément de Mme X... en qualité d'assistante maternelle, le juge des référés s'est borné à indiquer que la décision litigieuse faisait perdre au foyer de l'intéressée une part substantielle de ses ressources ; qu'il n'a pas répondu à l'argumentation du DEPARTEMENT DU LOIRET tirée de l'intérêt public qui justifiait l'urgence à exécuter immédiatement la décision de retrait d'agrément ; qu'il a, dès lors, insuffisamment motivé son ordonnance ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision administrative statuant en dernier ressort, peut " régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie " ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant, en premier lieu, que la décision de retrait d'agrément a pour effet de priver le foyer de Mme X..., qui comprend quatre personnes, d'une part substantielle de ses ressources, qui ne sont pas très élevées ;

Considérant, en deuxième lieu, que, si le DEPARTEMENT DU LOIRET invoque l'intérêt public qui s'attache à la protection des enfants accueillis au domicile de Mme X..., il ne fonde sa démonstration que sur une lettre de dénonciation, certes très circonstanciée, mais non étayée par la moindre enquête administrative ou judiciaire et relatant des faits qui sont expressément contredits par Mme X... ; que, dès lors, le DEPARTEMENT DU LOIRET n'établit pas que l'intérêt public qui s'attache à la protection des enfants accueillis au domicile de l'intéressée justifierait l'atteinte grave portée à la situation de Mme X... et de sa famille ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la condition de l'urgence est, en l'espèce, remplie ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'action sociale et des familles : " (.) L'agrément est accordé (.) si les conditions d'accueil garantissent la santé, la sécurité et l'épanouissement des mineurs accueillis (.) " ; qu'aux termes de l'article L. 421-2 du même code : " Si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies, le président du conseil général peut, après avis d'une commission consultative paritaire départementale, modifier le contenu de l'agrément ou procéder à son retrait. En cas d'urgence, le président du conseil général peut suspendre l'agrément " ; que, dans les circonstances de l'espèce, le rapport du service d'aide sociale à l'enfance du département de l'Isère relatant les déclarations d'une ancienne amie de Mme X... pouvait justifier la suspension de l'agrément dans l'attente d'investigations complémentaires ; que, toutefois, il ne pouvait à lui seul fonder légalement, compte tenu des doutes sur la matérialité des faits, le retrait de l'agrément ; que, dans ces conditions, le moyen soulevé par Mme X..., tiré de l'inexactitude matérielle des faits ayant motivé la décision attaquée, paraît, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de suspendre les effets de la décision précitée du 26 décembre 2001 jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête à fin d'annulation de cette décision présentée par Mme X... ;
Considérant, toutefois, que cette décision ne fait pas obstacle à ce que, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 521-4 du code de justice administrative, le DEPARTEMENT DU LOIRET, s'il est en possession d'éléments nouveaux et s'il s'y croit fondé, demande au juge des référés de mettre fin à la mesure de suspension de l'exécution de la décision de retrait d'agrément ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que Mme X..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à verser au DEPARTEMENT DU LOIRET la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner le département à verser à Mme X... une somme de 1 500 euros au même titre ;
Article 1er : L'ordonnance du 29 janvier 2002 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a suspendu l'exécution de la décision du président du conseil général du Loiret du 26 décembre 2001 prononçant le retrait de l'agrément de Mme X... est annulée.
Article 2 : L'exécution de la décision du 26 décembre 2001 par laquelle le président du conseil général du Loiret a prononcé le retrait de l'agrément de Mme X... en qualité d'assistante maternelle est suspendue.
Article 3 : Le conseil général du Loiret versera à Mme X... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête du DEPARTEMENT DU LOIRET est rejeté.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X... est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée au DEPARTEMENT DU LOIRET, à Mme Françoise X... et au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.


Synthèse
Formation : 1 ss
Numéro d'arrêt : 243058
Date de la décision : 31/05/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

PROCEDURE - PROCEDURES D'URGENCE - REFERE TENDANT AU PRONONCE D'UNE MESURE URGENTE.

PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - DISCIPLINE PROFESSIONNELLE - SANCTIONS - FAITS N'ETANT PAS DE NATURE A JUSTIFIER UNE SANCTION - PROFESSIONS NON ORGANISEES EN ORDRES ET NE S'EXERCANT PAS DANS LE CADRE D'UNE CHARGE OU D'UN OFFICE.


Références :

Code de justice administrative L521-1, L521-4, L821-2, L761-1
Code de l'action sociale et des familles L421-1, L421-2


Publications
Proposition de citation : CE, 31 mai. 2002, n° 243058
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mlle Courrèges
Rapporteur public ?: Mlle Fombeur

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:243058.20020531
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award