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03/06/2002 | FRANCE | N°230823

France | France, Conseil d'État, 6 / 4 ssr, 03 juin 2002, 230823


Vu 1°), sous le numéro 230823, la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 28 février 2001, présentée par le CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX, dont le siège est 23, rue de la Paix, à Paris (75002), représenté par son président en exercice ; le CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 décembre 2000 du garde des sceaux, ministre de la justice, conférant l'agrément prévu par le 1° de l'article 54 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professi

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Vu 1°), sous le numéro 230823, la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 28 février 2001, présentée par le CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX, dont le siège est 23, rue de la Paix, à Paris (75002), représenté par son président en exercice ; le CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 décembre 2000 du garde des sceaux, ministre de la justice, conférant l'agrément prévu par le 1° de l'article 54 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques aux consultants ou ingénieurs-conseils qui exercent leurs activités dans les secteurs du conseil pour les affaires et la gestion et de la sélection et mise à disposition de personnel ;
2°) condamne l'Etat à lui verser la somme de 5 000 F au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu 2°), sous le n° 230825, la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 28 février 2001, présentée par l'ORDRE DES AVOCATS A LA COUR DE PARIS, dont le siège est 11, place Dauphine, à Paris (75053) représenté par le bâtonnier en exercice ; l'ORDRE DES AVOCATS A LA COUR DE PARIS demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 décembre 2000 pris par le garde des sceaux, ministre de la justice, conférant l'agrément prévu par le 1° de l'article 54 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques aux consultants ou ingénieurs-conseils qui exercent leurs activités dans les secteurs du conseil pour les affaires et la gestion et de la sélection et mise à disposition de personnel ;
2°) condamne l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'éducation ;
Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ;
Vu le décret n° 97-875 du 24 septembre 1997 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Vialettes, Auditeur-;
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes de l'ORDRE DES AVOCATS A LA COUR DE PARIS et du CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX sont dirigées contre le même arrêté ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant que la confédération nationale des avocats a intérêt à l'annulation de l'arrêté attaqué ; que son intervention est, par suite, recevable ;
Considérant qu'aux termes de l'article 54 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques : "Nul ne peut, directement ou par personne interposée, à titre habituel et rémunéré, donner des consultations juridiques ou rédiger des actes sous seing privé, pour autrui", notamment, "s'il n'est titulaire d'une licence en droit ou s'il ne justifie, à défaut, d'une compétence juridique appropriée à la consultation et la rédaction d'actes en matière juridique ( ...)" ; qu'en vertu du même texte, cette "compétence juridique appropriée" résulte, pour les activités non réglementées visées à l'article 60 de la même loi, d'un agrément pour la pratique du droit à titre accessoire de cette activité donné "par un arrêté pris après avis d'une commission qui fixe, le cas échéant, les conditions de qualification ou d'expérience juridique exigées" ;
Considérant que, par l'arrêté attaqué, le garde des sceaux, ministre de la justice, a accordé l'agrément aux consultants ou ingénieurs-conseils qui exercent leurs activités dans les secteurs du conseil pour les affaires et la gestion et pour la sélection et mise à disposition de personnel, titulaires d'une qualification accordée par l'organisme professionnel de qualification des conseils de l'ingénierie qui, soit possèdent un diplôme de maîtrise ou de troisième cycle en droit, soit possèdent des diplômes de droit d'un niveau inférieur mais justifient d'une expérience professionnelle d'une durée au moins égale à 7 ans, soit, enfin, justifient seulement d'une expérience professionnelle de 10 ans et, à compter du 1er janvier 2002, justifient avoir suivi un cycle de formation juridique de 250 heures ;
Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'ensemble des dispositions de l'article 54 de la loi du 31 décembre 1971 que la décision d'habiliter sous conditions les personnes exerçant une des activités non réglementées visées à l'article 60 à pratiquer le droit à titre accessoire de cette activité, relève de la compétence du garde des sceaux, ministre de la justice, et non de la compétence conjointe de ce dernier et du ministre chargé de l'éducation ;
Considérant, d'autre part, que Mme X..., directeur des affaires civiles et du sceau, signataire de l'arrêté, avait reçu, par arrêté du 24 octobre 2000, publié au Journal officiel du 27 octobre suivant, délégation pour signer au nom du garde des sceaux, ministre de la justice, "tous arrêtés, actes et décisions ressortissant à ses attributions, à l'exclusion des décrets" ;

Considérant, enfin, qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué a été pris après avis, rendu le 8 juin 2000, de la commission prévue par l'article 54 de la loi ; que la circonstance que, contrairement à ce qui est prévu au 6ème alinéa du 1° du même article 54, cet avis n'a pas été émis dans les trois mois de la saisine de la commission par la fédération des syndicats des sociétés d'ingénierie, de services informatiques, d'études et de conseil, de formation professionnelle et de la chambre des ingénieurs-conseils de France, est sans incidence sur la régularité de la procédure d'élaboration de cet arrêté ; que la commission a été régulièrement saisie pour avis de la situation, au regard de l'article 54, des personnes qui exercent l'activité non réglementée précitée ; que les autres moyens avancés pour critiquer cette procédure ne sont assortis d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :
Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué n'a pas pour objet de définir les obligations professionnelles qui incombent aux consultants et ingénieurs-conseils à qui l'agrément est accordé, et que son auteur ne tenait de l'article 54 de la loi aucune habilitation à cet effet ; qu'ainsi ne peut qu'être écarté le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait illégal en ce qu'il n'assujettit pas les intéressés à l'obligation d'assurance, à l'interdiction du démarchage et de la publicité et au secret professionnel ; que, d'ailleurs, ces obligations s'imposent aux personnes habilitées à donner des consultations juridiques ou à rédiger des actes sous seing privé, pour autrui, de manière habituelle et rémunérée, en vertu des articles 55 et 66-4 de la loi qui rappellent notamment l'obligation de respecter le secret professionnel conformément aux dispositions des articles 226-13 et 226-14 du code pénal ;
Considérant, en second lieu, que l'ORDRE DES AVOCATS A LA COUR DE PARIS et le CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX soutiennent que les conditions mises par l'arrêté attaqué à la pratique de la consultation juridique et de la rédaction d'actes par les consultants et ingénieurs-conseils exerçant dans les secteurs du conseil pour les affaires et la gestion et de la sélection et mise à disposition de personnel ne permettraient pas de garantir qu'ils possèdent la compétence juridique appropriée exigée par l'article 54 de la loi ; qu'il est soutenu, en particulier, que les diplômes prévus seraient insuffisants, que l'expérience professionnelle exigée serait trop limitée et que, compte tenu de la nature des activités de ces professionnels, les risques d'exercice illégal de la profession d'avocat sont accrus ;

Considérant qu'en estimant que les titulaires d'un diplôme d'études approfondies ou d'un diplôme d'études supérieures spécialisées en droit ou d'une maîtrise en droit, disposent de la compétence juridique appropriée pour la consultation juridique relevant directement de l'activité de conseil pour les affaires et la gestion et pour la sélection et mise à disposition de personnel et pour la rédaction d'actes sous seing privé qui en constituent l'accessoire nécessaire, selon les termes de l'article 60 de la loi, le garde des sceaux, ministre de la justice, n'a pas entaché son arrêté d'une erreur d'appréciation ; qu'il en va de même des personnes qui justifient d'une expérience professionnelle de 10 ans et, à partir du 1er janvier 2002, d'une formation juridique de 250 heures, ou justifient d'une expérience professionnelle réduite à 7 ans lorsqu'elles sont titulaires d'un diplôme de droit ou du secteur juridique ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ORDRE DES AVOCATS A LA COUR DE PARIS et le CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté du 19 décembre 2000 pris par le garde des sceaux, ministre de la justice, conférant l'agrément prévu à l'article 54 de la loi du 31 décembre 1971 aux consultants ou aux ingénieurs-conseils qui exercent leurs activités dans les secteurs du conseil pour les affaires et la gestion et de la sélection et mise à disposition de personnel ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à l'ORDRE DES AVOCATS A LA COUR DE PARIS et au CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX les sommes que ceux-ci demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; que la Confédération nationale des avocats, intervenante en demande, n'étant pas partie à la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font également obstacle à ce que l'Etat soit condammé à lui verser une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'intervention de la Confédération nationale des avocats est admise.
Article 2 : Les requêtes de l'ORDRE DES AVOCATS A LA COUR DE PARIS et du CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la Confédération nationale des avocats tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'ORDRE DES AVOCATS A LA COUR DE PARIS, au CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX, au garde des sceaux, ministre de la justice, et à la Confédération nationale des avocats.


Synthèse
Formation : 6 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 230823
Date de la décision : 03/06/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

55-02 PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - ACCES AUX PROFESSIONS


Références :

Arrêté du 24 octobre 2000
Arrêté du 19 décembre 2000 justice décision attaquée confirmation
Arrêté du 01 janvier 2002
Code de justice administrative L761-1
Code pénal 226-13, 226-14
Loi 71-1130 du 31 décembre 1971 art. 54, art. 60, art. 55, art. 66-4


Publications
Proposition de citation : CE, 03 jui. 2002, n° 230823
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mlle Vialettes
Rapporteur public ?: M. Lamy

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:230823.20020603
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