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03/06/2002 | FRANCE | N°232532

France | France, Conseil d'État, 6 / 4 ssr, 03 juin 2002, 232532


Vu 1°), sous le numéro 232532, la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 12 avril 2001, présentée par le CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX, dont le siège est 23, rue de la Paix, à Paris (75002), représenté par son président en exercice ; le CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule pour excès de pouvoir l'arrêté du 6 février 2001 du garde des sceaux, ministre de la justice, conférant aux auditeurs et consultants en assurances, l'agrément prévu par le 1° de l'article 54 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971

portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ;
2°...

Vu 1°), sous le numéro 232532, la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 12 avril 2001, présentée par le CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX, dont le siège est 23, rue de la Paix, à Paris (75002), représenté par son président en exercice ; le CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule pour excès de pouvoir l'arrêté du 6 février 2001 du garde des sceaux, ministre de la justice, conférant aux auditeurs et consultants en assurances, l'agrément prévu par le 1° de l'article 54 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ;
2°) condamne l'Etat à lui verser la somme de 5 000 F au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu 2°), sous le numéro 232571, la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 13 avril 2001, présentée par l'ORDRE DES AVOCATS A LA COUR DE PARIS, dont le siège est 11, place Dauphine, à Paris (75053) représenté par le bâtonnier en exercice ; l'ORDRE DES AVOCATS A LA COUR DE PARIS demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule pour excès de pouvoir l'arrêté du 6 février 2001 pris par le garde des sceaux, ministre de la justice, conférant aux auditeurs et consultants en assurances, l'agrément prévu par le 1° de l'article 54 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ;
2°) condamne l'Etat à lui verser la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'éducation ;
Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ;
Vu le décret n° 97-875 du 24 septembre 1997 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Vialettes, Auditeur ;
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes du CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX et de l'ORDRE DES AVOCATS A LA COUR DE PARIS sont dirigées contre le même arrêté ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant que la Confédération nationale des avocats a intérêt à l'annulation de l'arrêté attaqué ; que son intervention est, par suite, recevable ;
Considérant qu'aux termes de l'article 54 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques : "Nul ne peut, directement ou par personne interposée, à titre habituel et rémunéré, donner des consultations juridiques ou rédiger des actes sous seing privé, pour autrui", notamment, "s'il n'est titulaire d'une licence en droit ou s'il ne justifie, à défaut, d'une compétence juridique appropriée à la consultation et la rédaction d'actes en matière juridique ( ...)" ; qu'en vertu du même texte, cette "compétence juridique appropriée" résulte, pour les activités non réglementées visées à l'article 60 de la même loi, d'un agrément pour la pratique du droit à titre accessoire de cette activité donné "par un arrêté pris après avis d'une commission qui fixe, le cas échéant, les conditions de qualification ou d'expérience juridique exigées" ;
Considérant que, par l'arrêté attaqué, le garde des sceaux, ministre de la justice, a accordé l'agrément ainsi prévu aux auditeurs et consultants en assurances titulaires d'un diplôme dans le domaine des assurances de niveau au moins égal au premier cycle qui, soit possèdent un diplôme de maîtrise ou de troisième cycle en droit ou un diplôme délivré par les instituts des assurances des universités, soit possèdent des diplômes de droit d'un niveau inférieur mais justifient d'une expérience professionnelle d'une durée au moins égale à 3 ans, soit justifient seulement d'une expérience professionnelle de 5 ans ;
Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'ensemble des dispositions de l'article 54 de la loi du 31 décembre 1971 que la décision d'habiliter sous conditions les personnes exerçant une des activités non réglementées visées à l'article 60 à pratiquer le droit à titre accessoire de cette activité, relève de la compétence du garde des sceaux, ministre de la justice, et non de la compétence conjointe de ce dernier et du ministre chargé de l'éducation ;
Considérant, d'autre part, que Mme X..., directeur des affaires civiles et du sceau, signataire de l'arrêté, avait reçu, par arrêté du 24 octobre 2000, publié au Journal officiel du 27 octobre suivant, délégation pour signer au nom du garde des sceaux, ministre de la justice, "tous arrêtés, actes et décisions ressortissant à ses attributions, à l'exclusion des décrets" ;

Considérant, enfin, qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué a été pris après avis, rendu le 19 octobre 2000, de la commission prévue par l'article 54 de la loi ; que la circonstance que, contrairement à ce qui est prévu au 6ème alinéa du 1° du même article 54, cet avis n'a pas été émis dans les trois mois de la saisine de la commission par le syndicat national professionnel des consultants et experts en analyse et gestion des risques et des assurances et par le syndicat national des auditeurs d'assurances, puis par le syndicat des auditeurs et consultants en risques et assurances, issu de la fusion des précédents, est sans incidence sur la régularité de la procédure d'élaboration de cet arrêté ; que la commission a été régulièrement saisie pour avis de la situation, au regard de l'article 54, des personnes qui exercent l'activité non réglementée précitée ; que les autres moyens avancés pour critiquer cette procédure ne sont assortis d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :
Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué n'a pas pour objet de définir les obligations professionnelles qui incombent aux auditeurs et consultants en assurances à qui l'agrément est accordé, et que son auteur ne tenait de l'article 54 de la loi aucune habilitation à cet effet ; qu'ainsi ne peut qu'être écarté le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait illégal en ce qu'il n'assujettit pas les intéressés à l'obligation d'assurance, à l'interdiction du démarchage et de la publicité et au secret professionnel ; que, d'ailleurs, ces obligations s'imposent aux personnes habilitées à donner des consultations juridiques ou à rédiger des actes sous seing privé, pour autrui, de manière habituelle et rémunérée, en vertu des articles 55 et 66-4 de la loi qui rappellent notamment l'obligation de respecter le secret professionnel conformément aux dispositions des articles 226-13 et 226-14 du code pénal ;
Considérant, en second lieu, que le CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX et l'ORDRE DES AVOCATS A LA COUR DE PARIS soutiennent que les conditions mises par l'arrêté attaqué à la pratique de la consultation juridique et de la rédaction d'actes par les auditeurs et consultants en assurances ne permettraient pas de garantir qu'ils possèdent la compétence juridique appropriée exigée par l'article 54 de la loi ; qu'il est soutenu, en particulier, que les diplômes prévus seraient insuffisants, que l'expérience professionnelle exigée serait trop limitée et que, compte tenu de la nature des activités des auditeurs et consultants en assurances, les risques d'exercice illégal de la profession d'avocat sont accrus ;
Considérant qu'en estimant que les titulaires d'un diplôme d'études approfondies ou d'un diplôme d'études supérieures spécialisées en droit, ou d'une maîtrise en droit, ou d'un diplôme délivré par les instituts des assurances des universités, disposent de la compétence juridique appropriée pour la consultation juridique relevant directement de l'activité de conseil en assurances et pour la rédaction d'actes sous seing privé qui en constituent l'accessoire nécessaire, selon les termes de l'article 66 de la loi, le garde des sceaux, ministre de la justice, n'a pas entaché son arrêté d'une erreur d'appréciation ;

Considérant, en revanche, qu'en donnant la possibilité, de donner des consultations et de rédiger des actes dans le domaine du conseil en assurances, à des personnes justifiant seulement de 5 ans d'expérience professionnelle ou à celles justifiant de 3 ans et titulaires de diplômes inférieurs à celui d'un premier cycle en droit, alors que la commission prévue au 1° de l'article 54 de la loi avait retenu, dans ces deux cas, une durée d'expérience professionnelle de 10 et 7 ans respectivement, le garde des sceaux, ministre de la justice, ne peut être regardé comme ayant respecté l'exigence, posée par la loi, que ces personnes justifient d'une compétence juridique appropriée ; que l'arrêté attaqué doit donc, dans cette mesure, être annulé ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser au CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX et à l'ORDRE DES AVOCATS A LA COUR DE PARIS les sommes de 750 et 3000 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; que la Confédération nationale des avocats, intervenante en demande, n'étant pas partie à la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat soit condamné à lui payer une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'intervention de la Confédération nationale des avocats de France est admise.
Article 2 : L'arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, du 6 février 2001 est annulé en tant qu'il accorde l'agrément prévu par le 1° de l'article 54 de la loi du 31 décembre 1971 aux auditeurs et consultants en assurances justifiant de 5 ans d'expérience ou, s'ils sont titulaires d'une capacité en droit, de 3 ans d'expérience.
Article 3 : L'Etat versera au CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX la somme de 750 euros et à l'ORDRE DES AVOCATS A LA COUR DE PARIS celle de 3000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes de l'ORDRE DES AVOCATS A LA COUR DE PARIS et du CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de la Confédération nationale des avocats tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à l'ORDRE DES AVOCATS A LA COUR DE PARIS, au CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX, au garde des sceaux, ministre de la justice, et à la confédération nationale des avocats.


Synthèse
Formation : 6 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 232532
Date de la décision : 03/06/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

55-02 PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - ACCES AUX PROFESSIONS


Références :

Arrêté du 24 octobre 2000
Arrêté du 06 février 2001 justice décision attaquée annulation
Code de justice administrative L761-1
Code pénal 226-13, 226-14
Loi 71-1130 du 31 décembre 1971 art. 54, art. 60, art. 55, art. 66-4, art. 66


Publications
Proposition de citation : CE, 03 jui. 2002, n° 232532
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mlle Vialettes
Rapporteur public ?: M. Lamy

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:232532.20020603
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