Vu la requête, enregistrée le 3 août 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 22 mai 2000 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 11 février 1999 décidant la reconduite à la frontière de M. Ali X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Lambron, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Olson, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, qu'il s'agisse d'un arrêté d'expulsion pris selon la procédure normale ou d'un arrêté de reconduite à la frontière, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail en date du 17 mars 1988 : "Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord" ; que les articles 1er à 10 de cet accord fixent les conditions dans lesquelles il est délivré aux ressortissants tunisiens une carte de résident de plein droit ; que ces stipulations ne font toutefois pas obstacle à l'application aux ressortissants tunisiens des dispositions de l'article 12 bis de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945, qui n'ont pas le même objet ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dans sa rédaction issue de la loi du 11 mai 1998 : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit ( ...) 3° à l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date du 11 février 1999 où le PREFET DE POLICE a, par la décision attaquée, décidé la reconduite à la frontière de M. X..., de nationalité tunisienne, ce dernier justifiait résider habituellement en France depuis plus de dix ans ; que, dès lors, il remplissait à cette date les conditions prévues par les dispositions ci-dessus rappelées et ne pouvait donc faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 11 février 1999 décidant la reconduite à la frontière de M. X... ;
Article 1er : La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Ali X... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.