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29/07/2002 | FRANCE | N°231158

France | France, Conseil d'État, 2 / 1 ssr, 29 juillet 2002, 231158


Vu la requête, enregistrée le 9 mars 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES (GISTI), dont le siège est ..., représenté par son président en exercice, la LIGUE DES DROITS DE L'HOMME, dont le siège est ... et l'ASSOCIATION "FEMMES DE LA TERRE", dont le siège est ... ; le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES et autres demandent au Conseil d'Etat d'annuler la circulaire du ministre de l'intérieur en date du 10 décembre 1999 concernant l'application de l'article 12 bis 7° de l'ordonnance du 2 n

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Vu la requête, enregistrée le 9 mars 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES (GISTI), dont le siège est ..., représenté par son président en exercice, la LIGUE DES DROITS DE L'HOMME, dont le siège est ... et l'ASSOCIATION "FEMMES DE LA TERRE", dont le siège est ... ; le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES et autres demandent au Conseil d'Etat d'annuler la circulaire du ministre de l'intérieur en date du 10 décembre 1999 concernant l'application de l'article 12 bis 7° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 aux partenaires ayant conclu un pacte civil de solidarité (PACS) ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment son article 12 ;
Vu la loi n° 99-994 du 15 novembre 1999, notamment son article 12 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Imbert-Quaretta, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat du GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES et du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples,
- les conclusions de Mme X... Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples a intérêt à l'annulation de la circulaire attaquée ; qu'ainsi, son intervention est recevable ;
Considérant que les dispositions du 7° de l'article 12 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 prévoient que la carte de séjour temporaire "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit, "sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public ... à l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus" ; qu'aux termes de l'article 12 de la loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité : "La conclusion d'un pacte civil de solidarité constitue l'un des éléments d'appréciation des liens personnels en France, au sens du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, pour l'obtention d'un titre de séjour" ;
Considérant qu'en indiquant que la stabilité du lien personnel dont se prévaut l'étranger à l'appui d'une demande de titre de séjour s'apprécie au regard de la vie commune en France, la circulaire attaquée se borne à rappeler les règles qui découlent des dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945 et de la loi du 15 novembre 1999 ; que cette dernière loi n'a pas assimilé, pour l'appréciation du droit au séjour en France, le pacte de solidarité au mariage ; que la circulaire attaquée ne méconnaît donc pas la portée des dispositions législatives qu'elle commente en indiquant que les étrangers mariés ne sont pas dans la même situation que ceux qui sont liés par un pacte civil de solidarité ; qu'enfin, la circulaire attaquée ne contient aucune mention concernant le cas des ressortissants algériens et marocains ; que, sur ces divers points, les conclusions des associations requérantes ne sont donc pas recevables ;
Considérant, en revanche, que la circulaire attaquée indique que la stabilité du lien personnel dont se prévaut le demandeur d'un titre de séjour doit notamment être regardée comme établie lorsque celui-ci justifie d'une ancienneté de vie commune avec son partenaire de trois ans si ce dernier a la nationalité française ou la nationalité de l'un des Etats membres de l'Union européenne et de cinq ans dans les autres cas ; que l'article 12 de la loi du 15 novembre 1999 n'introduit aucune distinction entre les demandeurs de carte de séjour selon la nationalité de leur partenaire ; qu'ainsi, le ministre de l'intérieur a ajouté aux termes de la loi en prévoyant une telle distinction ; que les associations requérantes sont, dès lors, recevables et fondées à demander l'annulation des paragraphes a) et b) ainsi que des deux premiers alinéas du c) du I de la circulaire attaquée, dont les dispositions sont indivisibles ;

Considérant, enfin, que le troisième alinéa du c) du I de la circulaire attaquée prévoit que les dispositions du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ne s'appliquent pas aux étrangers ayant conclu un pacte civil de solidarité avec le titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention "étudiant" ; que, si la qualité d'étudiant du partenaire étranger lié par un pacte civil de solidarité avec l'étranger qui demande un titre de séjour peut être l'un des éléments d'appréciation des liens de ce dernier en France, la loi du 15 novembre 1999 n'exclut pas, par principe, du champ d'application des dispositions de son article 12 les étrangers qui ont conclu un pacte civil de solidarité avec le titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention "étudiant" ; qu'en prévoyant une telle exclusion, la circulaire attaquée ajoute à la loi ; que les associations requérantes sont, par suite, recevables et fondées à demander l'annulation du troisième alinéa c) du I de cette circulaire ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les associations requérantes sont recevables et fondées à demander l'annulation des paragraphes a), b) et c) du I de la circulaire attaquée ;
Article 1er : L'intervention du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples est admise.
Article 2 : Les paragraphes a), b) et c) du I de la circulaire du ministre de l'intérieur en date du 10 décembre 1999 relative à l'application de l'article 12 bis 7° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée sont annulés.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES, à la LIGUE DES DROITS DE L'HOMME, à l'ASSOCIATION "FEMMES DE LA TERRE", au Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 2 / 1 ssr
Numéro d'arrêt : 231158
Date de la décision : 29/07/2002
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - DIFFERENTES CATEGORIES D'ACTES - ACTES ADMINISTRATIFS - NOTION - CARACTERE REGLEMENTAIRE DES INSTRUCTIONS ET CIRCULAIRES - PRESENTE CE CARACTERE - Circulaire concernant la délivrance aux partenaires ayant conclu un pacte civil de solidarité d'une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" (7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945) - Dispositions illégales - Existence - a) Définition d'une durée de vie commune distincte selon la nationalité du partenaire - b) Exclusion des étrangers ayant conclu un tel pacte avec le titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention "étudiant".

01-01-05-03-01, 335-01-02-02-01 L'article 12 de la loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité fait de la conclusion d'un tel pacte l'un des éléments d'appréciation des liens personnels en France, au sens du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, pour l'obtention d'un titre de séjour. a) En indiquant, dans une circulaire, que la stabilité du lien personnel dont se prévaut le demandeur d'un titre de séjour doit notamment être regardée comme établie lorsque celui-ci justifie d'une ancienneté de vie commune avec son partenaire de trois ans si ce dernier a la nationalité française ou la nationalité de l'un des Etats membres de l'Union européenne et de cinq ans dans les autres cas, alors que l'article 12 de la loi du 15 novembre 1999 n'introduit aucune distinction entre les demandeurs de carte de séjour selon la nationalité de leur partenaire, le ministre de l'intérieur a illégalement ajouté aux termes de la loi. b) En prévoyant, dans une circulaire, que les dispositions du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ne s'appliquent pas aux étrangers ayant conclu un pacte civil de solidarité avec le titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention "étudiant", alors que si la qualité d'étudiant du partenaire étranger lié par un pacte civil de solidarité avec l'étranger qui demande un titre de séjour peut être l'un des éléments d'appréciation des liens de ce dernier en France, la loi du 15 novembre 1999 n'exclut pas, par principe, du champ d'application des dispositions de son article 12 les étrangers qui ont conclu un tel pacte avec le titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention "étudiant", le ministre de l'intérieur a illégalement ajouté à la loi.

ETRANGERS - SEJOUR DES ETRANGERS - AUTORISATION DE SEJOUR - OCTROI DU TITRE DE SEJOUR - DELIVRANCE DE PLEIN DROIT - Délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" (7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945) - Demandeur se prévalant de ses liens avec un co-signataire d'un pacte civil de solidarité - Dispositions illégales d'une circulaire - Existence - a) Définition d'une durée de vie commune distincte selon la nationalité du partenaire - b) Exclusion des étrangers ayant conclu un tel pacte avec le titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention "étudiant".


Références :

Circulaire du 10 décembre 1999 intérieur décision attaquée annulation partielle
Loi 99-994 du 15 novembre 1999 art. 12
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 12, art. 12 bis


Publications
Proposition de citation : CE, 29 jui. 2002, n° 231158
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: Mme Imbert-Quaretta
Rapporteur public ?: Mme Prada-Bordenave

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:231158.20020729
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