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29/07/2002 | FRANCE | N°234837

France | France, Conseil d'État, 8 / 3 ssr, 29 juillet 2002, 234837


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 juin et 18 juillet 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Ramon X..., ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 15 mai 2001 par lequel le tribunal administratif de Cayenne a rejeté sa protestation dirigée contre les opérations électorales qui se sont déroulées le 11 mars 2001 pour l'élection des conseillers municipaux de la commune de Macouria (Guyane) ;
2°) d'annuler lesdites opérations électorales ;
3°) de condamner M. Serge Y

... à lui verser une somme de 20 000 F au titre de l'article L. 761-1 du co...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 juin et 18 juillet 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Ramon X..., ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 15 mai 2001 par lequel le tribunal administratif de Cayenne a rejeté sa protestation dirigée contre les opérations électorales qui se sont déroulées le 11 mars 2001 pour l'élection des conseillers municipaux de la commune de Macouria (Guyane) ;
2°) d'annuler lesdites opérations électorales ;
3°) de condamner M. Serge Y... à lui verser une somme de 20 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Sauron, Maître des Requêtes ;
- les observations de Me Hemery, avocat de M. Y...,
- les conclusions de M. Collin, Commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité des interventions de MM. Z..., B... et A... :
Considérant que MM. Z..., B... et A..., électeurs dans la commune de Macouria, ont intérêt à l'annulation du jugement attaqué ; que leur intervention est, dès lors, recevable ; que, toutefois, celle de M. A... n'est recevable qu'en tant qu'elle reprend les griefs de la requête ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que, dans sa protestation, M. X... avait soulevé un grief relatif à l'utilisation au bénéfice de M. Y..., maire sortant candidat, des moyens de la commune de Macouria lors des distributions de tracts, qui seraient de nature injurieuse et diffamatoire à son encontre, les 8 et 23 février 2001, en violation des dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral ; qu'en se bornant à relever "que M. X... a ainsi disposé du temps nécessaire pour réfuter les accusations contenues dans ces tracts, qui n'étaient pas d'une nature ou d'une gravité telle qu'il fût impossible d'y répondre utilement", le tribunal administratif de Cayenne a omis de répondre au grief tiré de la violation par M. Y... des dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral relatif au financement des dépenses électorales par des personnes morales ; que, par suite, M. X... est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté sa protestation ;
Considérant que le délai imparti au tribunal administratif par l'article R. 120 du code électoral pour statuer sur la protestation de M. X... est expiré ; que, dès lors, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de statuer sur cette protestation ;
Sur les griefs tirés des irrégularités commises dans l'établissement de la liste électorale :
Considérant que, si la juridiction administrative n'est pas compétente pour statuer sur les irrégularités des inscriptions sur la liste électorale, il lui appartient en revanche d'apprécier tous les faits résultant des manoeuvres ou des irrégularités qui ont pu altérer la sincérité du scrutin ;
Considérant, en premier lieu, que si M. X... soutient que l'accroissement du nombre des électeurs inscrits sur les listes électorales de la commune de Macouria entre mars et décembre 2000 est anormalement élevé par rapport au nombre des habitants de cette commune, il ne résulte pas de l'instruction qu'il y aurait eu, à l'occasion de l'élaboration de ces listes, des inscriptions irrégulières systématiques de nature à altérer la sincérité des opérations électorales litigieuses ;

Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions des articles L. 28 et R. 10 du code électoral ouvrent au profit des électeurs, des candidats et des groupements et partis politiques un droit à la communication de la liste électorale et des rectifications qui lui sont apportées chaque année par la commission administrative ; qu'il résulte de l'instruction que, si des difficultés ont pu se produire dans la consultation desdites listes, le maire de Macouria ne s'est pas opposé à ce que, par application des dispositions susvisées, les électeurs prennent communication et copie de la liste électorale ; que, dès lors, les griefs tirés de l'existence de manoeuvres dans l'établissement de la liste électorale ne peuvent qu'être écartés ;
Sur les griefs tirés des irrégularités commises durant la campagne électorale :
Considérant que, présenté après l'expiration du délai de protestation, est tardif et, par suite irrecevable le grief tiré de ce que M. Y..., maire sortant, candidat, aurait utilisé la fête communale, l'inauguration de l'école de Soula, et la fête du 9 décembre 2000 au profit de l'association des parents d'élèves de cette même école pour la promotion publicitaire des réalisations de la municipalité de Macouria, dans des conditions qui méconnaîtraient les dispositions de l'article L. 52-1 du code électoral ;
Considérant que si M. X... soutient que des tracts, de nature injurieuse et diffamatoire à son encontre, ont été diffusés les 8 et 23 février 2001, les termes employés dans ces tracts n'excédaient pas les limites de la polémique électorale, et M. X... a disposé du temps nécessaire pour y répondre utilement ; que la distribution de ces tracts n'a pu, dès lors, altérer la sincérité du scrutin ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 50 du code électoral : "Il est interdit à tout agent de l'autorité publique ou municipale de distribuer des bulletins de vote, professions de foi et circulaires des candidats" ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que des employés de la commune aient participé à la distribution des tracts litigieux ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance de l'article L. 50 précité doit être écarté ;
Considérant que si M. X... soutient que la direction de Radio Pagani lui a refusé un droit de réponse à l'émission diffusée le 8 mars 2001 durant laquelle M. Y... l'aurait mis en cause, il ne résulte pas de l'instruction que cette unique émission ait porté atteinte à l'égalité des candidats en matière de propagande électorale, M. X... ayant pu s'exprimer, pour sa part, sur les ondes de Radio Jam les 25 février et 4 mars 2001, ni à la sincérité du scrutin, compte tenu de l'importance de l'écart de voix et de la possibilité qu'avait M. X... de répondre aux allégations de M. Y... avant la clôture de la campagne électorale ;

Considérant que le grief tiré de la violation par M. Y... des dispositions de l'article L. 52-4 du code électoral est inopérant, dès lors que les obligations de transparence et de plafonnement des dépenses électorales qu'il prévoit ne sont pas applicables à l'élection des conseillers municipaux dans les communes de moins de 9 000 habitants ;
Sur les griefs tirés des irrégularités commises pendant le déroulement des opérations électorales :
Considérant que, présentés après l'expiration du délai de protestation, sont tardifs et, par suite, irrecevables les griefs tirés de ce que l'urne aurait échappé à la surveillance des scrutateurs, de ce que des électeurs auraient voté sans passer par l'isoloir, et de ce que le nombre des isoloirs aurait été insuffisant au regard des dispositions de l'article L. 60 du code électoral ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 57 du code électoral : "(.) Un électeur ayant pénétré dans la salle de vote avant l'heure de clôture du scrutin peut déposer son bulletin dans l'urne (.) après cette heure" ; qu'en vertu de ces dispositions, les électeurs qui s'étaient présentés pour voter avant 18 heures au bureau de votre n° 2 de la commune de Macouria étaient en droit de participer au scrutin même s'ils n'avaient pu pénétrer dans la salle en raison de l'affluence ; que la prolongation du scrutin au-delà de l'heure limite dans ledit bureau de vote n'a donc pas constitué une irrégularité, dès lors qu'il n'est pas établi que les électeurs présents à 18 heures n'aient pas eu la possibilité de voter, ni que des électeurs arrivés après 18 heures aient été admis à voter ;
Considérant que si un certain nombre de cartes d'électeurs n'ont pas été envoyées à leur titulaire avant le jour du scrutin et si l'afflux des électeurs a pu rendre difficile leur remise en mains propres ce jour-là, il ne résulte pas de l'instruction que ces circonstances aient privé certains électeurs de l'usage de leur droit de vote et aient pu vicier les résultats du scrutin ;
Considérant que si M. X... soutient que l'installation du bureau de vote pour les élections cantonales et municipales dans le même local a entraîné des perturbations dans le vote de certains électeurs, la disposition des lieux ne peut être regardée comme ayant, dans les circonstances de l'espèce, porté atteinte à la sincérité du scrutin ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de procéder à une enquête, que M. X... n'est fondé à demander ni l'annulation des élections municipales du 11 mars 2001 à Macouria, ni la réformation des résultats desdites élections ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. Y... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des mêmes dispositions et de condamner M. X... à payer à M. Y... la somme qu'il demande au même titre ;
Article 1er : Les interventions de MM. Z... et B... sont admises. L'intervention de M. A... est admise en tant qu'elle reprend les griefs de la requête.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Cayenne en date du 15 mai 2001 est annulé.
Article 3 : La protestation de M. X... et le surplus de ses conclusions devant le Conseil d'Etat sont rejetés.
Article 4 : Les conclusions de M. Y... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Ramon X..., à M. Serge Y... et au ministre de l'outre-mer.


Synthèse
Formation : 8 / 3 ssr
Numéro d'arrêt : 234837
Date de la décision : 29/07/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

ELECTIONS - ELECTIONS MUNICIPALES - CAMPAGNE ET PROPAGANDE ELECTORALES - PROPAGANDE ELECTORALE.

ELECTIONS - ELECTIONS MUNICIPALES - OPERATIONS ELECTORALES - DEROULEMENT DU SCRUTIN.


Références :

Code de justice administrative L761-1
Code électoral L52-8, R120, L28, R10, L52-1, L50, L52-4, L60, R57


Publications
Proposition de citation : CE, 29 jui. 2002, n° 234837
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Sauron
Rapporteur public ?: M. Collin

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:234837.20020729
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