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29/07/2002 | FRANCE | N°235271

France | France, Conseil d'État, 5 ss, 29 juillet 2002, 235271


Vu la requête, enregistrée le 28 juin 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat présentée par le PREFET DE LA GIRONDE ; le PREFET DE LA GIRONDE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 8 juin 2001 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il a annulé son arrêté du 28 mai 2001 décidant la reconduite à la frontière de M. Erdal X... en tant que ledit arrêté fixait la Turquie comme pays de destination et a condamné l'Etat à verser une somme de 5 000 F au titre des frais exposés par M. X... et non compr

is dans les dépens ;
2°) de rejeter la demande de M. X... en tant qu'e...

Vu la requête, enregistrée le 28 juin 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat présentée par le PREFET DE LA GIRONDE ; le PREFET DE LA GIRONDE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 8 juin 2001 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il a annulé son arrêté du 28 mai 2001 décidant la reconduite à la frontière de M. Erdal X... en tant que ledit arrêté fixait la Turquie comme pays de destination et a condamné l'Etat à verser une somme de 5 000 F au titre des frais exposés par M. X... et non compris dans les dépens ;
2°) de rejeter la demande de M. X... en tant qu'elle concernait le pays de destination de la mesure de reconduite ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée ;
Vu le décret n° 98-503 du 23 juin 1998 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Lambron, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Bouthors, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Olson, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté les conclusions de M. X... dirigées contre l'arrêté du 28 mai 2001 du PREFET DE LA GIRONDE en tant qu'il ordonnait sa reconduite à la frontière mais a annulé cet arrêté en tant qu'il fixait la Turquie comme pays de destination de la reconduite ; que le PREFET DE LA GIRONDE demande l'annulation dudit jugement en tant qu'il a accueilli les conclusions de M. X... relatives au pays de destination de la reconduite ; que, par la voie du recours incident, M. X... en demande l'annulation en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la mesure de reconduite ;
Sur l'appel du PREFET DE LA GIRONDE :
Considérant que si M. X... soutient que des membres de sa famille ont fait l'objet en Turquie de procédures judiciaires et de condamnations pour des motifs politiques dues à leur appartenance à la communauté kurde, les justifications qu'il produit n'établissent pas la réalité des risques auxquels il dit être personnellement exposé en cas de retour en Turquie ; qu'il en résulte que le PREFET DE LA GIRONDE est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a annulé son arrêté du 28 mai 2001 en tant qu'il fixe la Turquie comme pays de destination de la reconduite à la frontière ;
Sur l'appel incident de M. X... :
En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la décision de refus d'asile territorial :
Considérant que, par décision du 12 février 2001, le PREFET DE LA GIRONDE, après avoir notifié dès réception à M. X..., en application des dispositions de l'article 4 du décret n° 98-503 du 23 juin 1998 pris pour l'application de la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile et relatif à l'asile territorial, la décision du même jour du ministre de l'intérieur rejetant la demande d'asile territorial formée par l'intéressé, a invité M. X... à quitter le territoire français dans le délai d'un mois à compter de la notification de cette décision ; que, ce faisant, le préfet n'a pas commis d'irrégularité de procédure ;
Considérant que si M. X... soutient que la décision du ministre de l'intérieur lui refusant l'asile territorial serait entachée d'une erreur de droit dans l'application de l'article 13 de la loi du 25 juillet 1952, il ne ressort pas des pièces du dossier que le ministre n'aurait pas examiné l'ensemble des risques invoqués par le requérant à l'appui de sa demande d'asile territorial ;
Considérant que M. X... ne saurait utilement invoquer, à l'encontre de ladite décision, la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lesquelles sont relatives au droit des personnes au respect de leur vie privée et familiale ;
En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la décision de refus de séjour :

Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ; que si M. X... fait valoir qu'il a créé des liens pendant trois ans et demi de séjour ininterrompu en France, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions de séjour de l'intéressé en France, la décision du PREFET DE LA GIRONDE lui refusant un titre de séjour n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, par suite, que l'exception d'illégalité invoquée par M. X... tant à l'encontre de la décision du ministre de l'intérieur de refus d'asile territorial qu'envers la décision de refus de séjour prise par le PREFET DE LA GIRONDE doit être écartée ;
En ce qui concerne les autres moyens :
Considérant que si M. X... soutient être dans l'impossibilité de revenir en Turquie eu égard aux risques auxquels il y serait exposé, un tel moyen est, en tout état de cause, inopérant à l'encontre de l'arrêté attaqué en tant qu'il a décidé sa reconduite à la frontière ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre la mesure de reconduite ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas la partie perdante soit condamné à verser à M. X... la somme qu'il a demandée devant le tribunal administratif au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que le jugement doit être réformé en tant qu'il a condamné l'Etat à verser une somme de 5 000 F à M. X... en application de ces dispositions ;
Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Bordeaux en date du 8 juin 2001 est annulé en tant qu'il annule la décision distincte contenue dans l'arrêté du PREFET DE LA GIRONDE en date du 28 mai 2001 et fixant la Turquie comme pays à destination duquel M. X... sera reconduit et en tant qu'il condamne l'Etat à payer la somme de 5 000 F à M. X... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
Article 2 : Les conclusions de la demande de M. X... tendant à l'annulation de l'arrêté du PREFET DE LA GIRONDE en date du 28 mai 2001 en tant qu'il fixe la Turquie comme pays de destination de la reconduite et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 5 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens, ensemble ses conclusions incidentes présentées devant le Conseil d'Etat sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA GIRONDE, à M. Erdal X... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 5 ss
Numéro d'arrêt : 235271
Date de la décision : 29/07/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 28 mai 2001
Code de justice administrative L761-1
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8
Décret 98-503 du 23 juin 1998 art. 4
Loi 52-893 du 25 juillet 1952 art. 13


Publications
Proposition de citation : CE, 29 jui. 2002, n° 235271
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Lambron
Rapporteur public ?: M. Olson

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:235271.20020729
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