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29/07/2002 | FRANCE | N°236671

France | France, Conseil d'État, 8 ss, 29 juillet 2002, 236671


Vu la requête, enregistrée le 27 juillet 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA SAVOIE ; le PREFET DE LA SAVOIE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 29 juin 2001 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 18 juin 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Maamar Ali X..., ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Ali X... devant le tribunal administratif de Grenoble ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la conventi

on européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale...

Vu la requête, enregistrée le 27 juillet 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA SAVOIE ; le PREFET DE LA SAVOIE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 29 juin 2001 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 18 juin 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Maamar Ali X..., ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Ali X... devant le tribunal administratif de Grenoble ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Morellet-Steiner, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Collin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par le jugement attaqué du 29 juin 2001, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté litigieux au motif qu'il méconnaissait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée ; que, toutefois et en tout état de cause, les pièces produites par M. Ali X..., notamment la lettre de menaces qui lui aurait été adressée le 23 décembre 1999 par les groupes islamiques armés (GIA), ne permettent pas d'établir la réalité des risques qu'il courrait en cas de retour en Algérie ;
Considérant que le premier juge s'est en outre fondé sur ce que l'arrêté litigieux méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée ; que M. Ali X..., célibataire et sans enfant, a fait valoir, à cet égard, qu'il était sur le point d'épouser une ressortissante française, avec laquelle il vivait en concubinage depuis plusieurs mois ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier que cette dernière chez laquelle il n'est qu'hébergé est la concubine de son frère ; que, s'il allègue être, à nouveau, sur le point d'épouser une autre ressortissante française, il ne l'établit pas, en tout état de cause ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, alors qu'une grande partie de la famille de M. Ali X... vit en Algérie, et compte tenu de la brièveté de son séjour en France, l'arrêté du PREFET DE LA SAVOIE ordonnant la reconduite à la frontière de M. Ali X... n'a pas porté aux droits de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que c'est, dès lors, à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur une méconnaissance des stipulations des articles 3 et 8 la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler l'arrêté litigieux ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par M. Ali X... devant le tribunal administratif de Grenoble ;
Sur l'exception d'illégalité de la décision du ministre de l'intérieur rejetant la demande d'asile territorial :
Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la loi du 25 juillet 1952 susvisée : "Dans les conditions compatibles avec les intérêts du pays, l'asile territorial peut être accordé par le ministre de l'intérieur après consultation du ministre des affaires étrangères à un étranger si celui-ci établit que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les décisions du ministre n'ont pas à être motivées" ;

Considérant, en premier lieu, que Mme Dominique Y..., secrétaire de la Chancellerie, a reçu du ministre des affaires étrangères, en vertu du décret du 9 novembre 1999, publié au Journal officiel du 10 novembre 1999, une délégation pour signer, en cas d'empêchement ou d'absence du directeur des Français à l'étranger, notamment, les avis rendus, sur consultation du ministre de l'intérieur, à l'occasion de l'examen des demandes d'asile territorial ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'avis du ministre des affaires étrangères aurait été signé par une autorité incompétente doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 13 de la loi du 25 juillet 1952 que la décision par laquelle le ministre de l'intérieur se prononce sur une demande d'asile territorial n'a pas à être motivée ; que si cette décision doit être prise après consultation du ministre des affaires étrangères, il ne résulte pas de ces dispositions que l'avis ainsi rendu doive être motivé ; qu'il suit de là qu'est inopérant le moyen tiré de ce que le ministre des affaires étrangères, consulté par le ministre de l'intérieur sur la demande d'asile territorial que M. Ali X... avait formée, n'aurait pas motivé l'avis défavorable qu'il a émis sur cette demande ;
Considérant, en troisième lieu, que, pour les raisons indiquées ci-dessus, il ne ressort pas des pièces du dossier que le ministre de l'intérieur ait commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que M. Ali X... ne pouvait se voir accorder l'asile territorial en application de l'article 13 précité de la loi du 25 juillet 1952 ;
Sur l'exception d'illégalité de la décision du PREFET DE LA SAVOIE refusant à M. Ali X... la délivrance d'un titre de séjour :
Considérant que l'arrêté du 27 avril 2001 par lequel le PREFET DE LA SAVOIE a refusé la délivrance d'un titre de séjour à M. Ali X... a été signé par M. Pierre Z..., directeur de l'administration générale et de la réglementation de ce département, qui disposait, en vertu de l'arrêté préfectoral du 15 novembre 1999 modifié, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département le 15 novembre 1999, d'une délégation de signature à cet effet ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été signé par une autorité incompétente doit être écarté ;
Considérant, ainsi qu'il est dit ci-dessus, que, compte tenu des circonstances de l'espèce, le refus du PREFET DE LA SAVOIE n'a pas porté aux droits de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et, par suite, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que M. Ali X... n'étant pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit, sur le fondement du 3° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, un titre de séjour, le préfet n'était pas tenu, en application de l'article 12 quater de la même ordonnance, de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;

Sur les autres moyens relatifs à l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant que l'arrêté du 18 juin 2001 par lequel le PREFET DE LA SAVOIE a décidé la reconduite à la frontière de M. Ali X... a été également signé par M. Z... ; qu'ainsi, pour les raisons sus-énoncées, le moyen tiré de ce que ledit arrêté aurait été signé par une autorité incompétente n'est pas fondé ;
Considérant que, pour les raisons déjà indiquées et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté litigieux n'a pas porté au droit de M. Ali X... au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, il ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le PREFET DE LA SAVOIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté décidant de reconduite à la frontière M. Ali X... ;
Article 1er : Le jugement du 29 juin 2001 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le même tribunal par M. Ali X... est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA SAVOIE, à M. Maamar Ali X... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 8 ss
Numéro d'arrêt : 236671
Date de la décision : 29/07/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 15 novembre 1999
Arrêté du 27 avril 2001
Arrêté du 18 juin 2001
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 3, art. 8
Décret du 09 novembre 1999
Loi du 25 juillet 1952 art. 13
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 12 bis


Publications
Proposition de citation : CE, 29 jui. 2002, n° 236671
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Morellet-Steiner
Rapporteur public ?: M. Collin

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:236671.20020729
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