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06/09/2002 | FRANCE | N°226665

France | France, Conseil d'État, 3 ss, 06 septembre 2002, 226665


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 octobre 2000 et 28 février 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Hervé X..., ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 12 juillet 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, d'une part, annulé le jugement du 9 décembre 1997 du tribunal administratif de Paris condamnant la société entrepositaire parisienne à lui verser la somme de 282 600 F, augmentée des intérêts légaux, et a, d'autre part, rejeté ses conclusions indemnitaires d

irigées contre la société entrepositaire parisienne et la ville de Pari...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 octobre 2000 et 28 février 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Hervé X..., ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 12 juillet 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, d'une part, annulé le jugement du 9 décembre 1997 du tribunal administratif de Paris condamnant la société entrepositaire parisienne à lui verser la somme de 282 600 F, augmentée des intérêts légaux, et a, d'autre part, rejeté ses conclusions indemnitaires dirigées contre la société entrepositaire parisienne et la ville de Paris ;
2°) statuant au fond, d'annuler le jugement susmentionné du tribunal administratif de Paris et de condamner la ville de Paris à lui payer la somme de 1 167 610 F, assortie des intérêts légaux à compter du 19 février 1993 ainsi que des intérêts capitalisés ;
3°) de condamner la ville de Paris à lui payer la somme de 119 860 F en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret du 17 juin 1938 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Burguburu, Conseiller d'Etat ;
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. Hervé X... et de Me Foussard, avocat de la ville de Paris,
- les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'il ressort des pièces soumises aux juges du fond que par une convention conclue le 26 octobre 1977, modifiée en dernier lieu le 31 décembre 1985, la ville de Paris a autorisé l'occupation par la société entrepositaire parisienne (SEP) d'un entrepôt sis 68, quai de Seine à Paris dépendant du domaine public ; qu'un avenant du 31 décembre 1985 a prévu, d'abord, que la SEP ferait cesser toute activité d'entreposage dans les locaux pour en rendre l'utilisation "conforme aux nouveaux objectifs de la ville", ensuite, que les nouvelles activités menées dans les locaux devraient "impérativement participer à l'animation du secteur dans les domaines de la culture et des loisirs", enfin, que le rez-de-chaussée de l'immeuble serait aménagé pour recevoir du public dans le cadre d'activités "d'exposition, de réunion, de spectacle, ou de toute autre pratique ouverte à la fréquentation des habitants, à l'exclusion d'activités de négoce n'ayant pas une fonction d'animation spécifique", cependant que les étages seraient loués en contrepartie de redevances d'un montant modéré à des personnes exerçant des activités "artisanales et professionnelles, sans que puissent y être exercés des actes de commerce" ; qu'il résulte de ces stipulations, comme des autres stipulations faisant apparaître le droit de regard de la ville sur l'exécution de la convention par la SEP, que cette société était chargée, par la ville de Paris et sous son contrôle, de gérer cette dépendance du domaine public dans le cadre d'une mission d'intérêt général d'animation culturelle et d'accueil d'activités artistiques et artisanales et pouvait user à cette fin des prérogatives nécessaires à la gestion du domaine public; que la rémunération de la SEP était assurée par les redevances payées par les locataires usagers du service ; que, par suite, en jugeant que la SEP ne pouvait être regardée comme un concessionnaire de service public, la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit ; que c'est à tort qu'elle a, par voie de conséquence, écarté les conclusions des requérants dirigées contre la SEP comme étant portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ; que l'arrêt attaqué doit, pour ces motifs, être annulé ; Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Considérant que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a condamné la SEP à payer au requérant la somme de 282 600 F, augmentée des intérêts légaux en réparation des préjudices consécutifs à l'incendie du bâtiment dont s'agit ; que le requérant demande l'annulation de ce jugement en tant, d'une part, qu'il a refusé de faire droit à ses conclusions indemnitaires dirigées contre la ville de Paris et, d'autre part, qu'il a fixé à un niveau insuffisant les indemnités qui lui ont été allouées ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SEP a été mise en liquidation par un jugement du 16 mai 1995 du tribunal de commerce de Paris et que cette liquidation a été close pour insuffisance d'actif par un jugement du 20 juillet 1999 du tribunal de commerce de Paris sans qu'aucun dividende ait pu être versé aux créanciers ; que la responsabilité de la ville de Paris en tant qu'autorité concédante est, dès lors, engagée à titre subsidiaire en raison de l'insolvabilité de la SEP ; qu'il suit de là, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a refusé de faire droit à ses conclusions indemnitaires dirigées contre la ville de Paris ;
Considérant que la convention d'occupation qui liait le requérant à la société entrepositaire parisienne a perdu son objet à la suite de la destruction du bâtiment en cause par l'incendie survenu le 10 février 1990, lequel ne présente pas un caractère de force majeure mais est dû à une faute lourde de la SEP qui a fait réaliser dans ce bâtiment des travaux de protection contre l'incendie manifestement insuffisants et ne respectant pas les règles de l'art ; que M. X... est, par suite, fondé à demander réparation du préjudice résultant de cette résiliation ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le préjudice subi à ce titre s'élève à une valeur de 609,80 euros (4 000 F) par mètre carré représentative de la valeur de cession des droits d'occupation pour la durée d'occupation restante ; qu'il y a lieu toutefois de déduire de cette somme l'indemnité de 18 934,17 euros (124 200 F) allouée à ce même titre à Mme Y... à laquelle M. X... avait consenti un droit d'occupation des locaux jusqu'au 19 octobre 1993 ; que le préjudice subi à ce titre par M. X... doit donc être évalué à 115 220,97 euros (755 800 F) ;
Considérant, en outre, qu'il y a lieu d'indemniser M. X... des travaux effectués dans les locaux et de condamner la ville de Paris à lui rembourser le montant de la caution qu'il a versée à son entrée dans les lieux ;
Considérant, au vu des conclusions du rapport d'expertise, lesquelles ne sont pas utilement critiquées par la ville de Paris, qu'il sera fait une juste appréciation des préjudices subis par M. X... en condamnant la ville de Paris à lui payer la somme de 159 066,83 euros (1 043 410 F) ;
Considérant qu'il y a lieu de réformer le jugement attaqué en tant qu'il retient, pour l'évaluation du préjudice subi, un montant différent de celui indiqué ci-dessus ;
Sur les intérêts :

Considérant que M. X... a droit aux intérêts sur la somme due à compter du 19 février 1993, date de la présentation de sa demande à la ville de Paris ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que M. X... a demandé les 17 mai 1999, 17 mai 2000, 13 juin 2001 et 4 juillet 2002, la capitalisation des intérêts sur les sommes qui lui sont dues ; qu'à chacune de ces dates, il était dû au moins une nouvelle année d'intérêts ; qu'il y a lieu, par suite, de faire droit à ces conclusions ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que M. X..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à la ville de Paris la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner la ville de Paris à payer à M. X... la somme de 1 000 euros à ce titre ;
Article 1er : L'arrêt du 12 juillet 2000 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.
Article 2 : La ville de Paris est condamnée à payer à M. X... la somme de 159 066,83 euros (1 043 410 F), avec intérêts au taux légal à compter du 19 février 1993. Les intérêts dus au 17 mai 1999, au 17 mai 2000, au 13 juin 2001 et au 4 juillet 2002 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le jugement du 9 décembre 1997 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : La ville de Paris est condamnée à payer à M. X... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de la ville de Paris tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées, ainsi que le surplus des conclusions de M. X....
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Hervé X..., à la Société Entrepositaire Parisienne, à la ville de Paris et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 3 ss
Numéro d'arrêt : 226665
Date de la décision : 06/09/2002
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

DOMAINE - DOMAINE PUBLIC - REGIME - OCCUPATION - UTILISATIONS PRIVATIVES DU DOMAINE - CONTRATS ET CONCESSIONS.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - FIN DES CONTRATS - FIN DES CONCESSIONS - RESILIATION - EFFETS.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - PROBLEMES D'IMPUTABILITE - PERSONNES RESPONSABLES.


Références :

Code de justice administrative L821-2, L761-1


Publications
Proposition de citation : CE, 06 sep. 2002, n° 226665
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Burguburu
Rapporteur public ?: M. Austry

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:226665.20020906
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