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02/10/2002 | FRANCE | N°236523

France | France, Conseil d'État, 1 ss, 02 octobre 2002, 236523


Vu la requête, enregistrée le 24 juillet 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 2 mai 2001 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 9 octobre 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle Elifa X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mlle X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de s

auvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnanc...

Vu la requête, enregistrée le 24 juillet 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 2 mai 2001 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 9 octobre 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle Elifa X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mlle X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Eoche-Duval, Maître des Requêtes ;
- les conclusions de Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : " Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (.) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (.) " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle X..., de nationalité yougoslave, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois à compter de la décision du 14 juin 2000 notifiée le jour même par laquelle le PREFET DE POLICE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'elle se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant que si Mlle X... fait valoir que ses attaches familiales sont en France, où résident ses parents qui l'hébergent ainsi qu'un frère, il ressort des pièces du dossier qu'elle est célibataire et sans enfant, qu'elle n'a pas vécu son enfance et son adolescence avec ses parents et que la continuité de son séjour en France depuis 1989 n'est pas établie ; qu'elle conserve, en outre, des attaches familiales en Yougoslavie ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du PREFET DE POLICE en date du 9 octobre 2000 n'a pas porté aux droits de l'intéressée au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, c'est à tort que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé pour ce motif l'arrêté du 9 octobre 2000 ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mlle X... devant le tribunal administratif de Paris et devant le Conseil d'Etat ;
Sur le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant que l'arrêté par lequel le PREFET DE POLICE a décidé la reconduite à la frontière de Mlle X..., en relevant que l'intéressée s'est maintenue plus d'un mois après la notification, le 14 juin 2000, du refus du titre de séjour et en visant le 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée, comporte l'exposé des faits et des considérations de droit sur lequel il se fonde et est ainsi suffisamment motivé ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation n'est pas fondé ;
Sur l'exception d'illégalité de la décision de refus de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée modifié par la loi du 11 mai 1998 : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (.) la commission est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article 12 bis ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné à l'article 15 " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles 12 bis et 15 auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ;
Considérant que Mlle X..., célibataire et sans charge de famille, n'était pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit une carte de séjour " vie privée et familiale " en application du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance précitée ; que, par suite, le PREFET DE POLICE n'était pas tenu, en application de l'article 12 quater, de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ; que le moyen tiré de ce que l'absence de consultation de cette commission entacherait d'irrégularité la procédure qui a précédé le refus de séjour doit, par suite, être écarté ;
Considérant que la circulaire du 12 mai 1998, relative à l'application de la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile, étant dépourvue de valeur réglementaire, les moyens tirés de sa méconnaissance sont inopérants ;
Considérant que si Mlle X... soutient que la décision lui refusant un titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ce moyen ne peut, compte tenu des circonstances rappelées ci-dessus, qu'être écarté ; que ces circonstances ne suffisent pas pour établir que le préfet aurait, en refusant le titre de séjour demandé par l'intéressée, commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur sa situation personnelle ;
Considérant, enfin, que le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'une décision de refus de séjour ;
Sur les conclusions de Mlle X... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à Mlle X... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du 2 mai 2001 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Paris par Mlle X... est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de Mlle X... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE et à Mlle Elifa X... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 09 octobre 2000
Circulaire du 12 mai 1998
Code de justice administrative L761-1
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 3, art. 8
Loi 98-349 du 11 mai 1998
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 12 quater, art. 12 bis


Publications
Proposition de citation: CE, 02 oct. 2002, n° 236523
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Eoche-Duval
Rapporteur public ?: Mlle Fombeur

Origine de la décision
Formation : 1 ss
Date de la décision : 02/10/2002
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 236523
Numéro NOR : CETATEXT000008144218 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2002-10-02;236523 ?
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