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09/10/2002 | FRANCE | N°240242

France | France, Conseil d'État, 6 / 4 ssr, 09 octobre 2002, 240242


Vu 1°), sous le n° 240242, la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés les 19 novembre, 5 et 11 décembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Michelle X... , ; Mme X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Basse-Terre, en date du 21 septembre 2001, qui, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, l'a déclarée inéligible aux fonctions de conseiller municipal pendant un an à compter de la date à laquelle sa décision deviendra définitive

, l'a déclarée démissionnaire d'office de ses fonctions de conseille...

Vu 1°), sous le n° 240242, la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés les 19 novembre, 5 et 11 décembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Michelle X... , ; Mme X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Basse-Terre, en date du 21 septembre 2001, qui, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, l'a déclarée inéligible aux fonctions de conseiller municipal pendant un an à compter de la date à laquelle sa décision deviendra définitive, l'a déclarée démissionnaire d'office de ses fonctions de conseiller municipal de la commune de Morne-à-l'eau, à compter de cette même date, et a proclamé Mme Muriel Y... , élue conseiller municipal de la commune de Morne-à-l'eau, à compter de cette même date ;
2°) de la relever de l'inéligibilité prononcée ;
3°) de condamner solidairement les défendeurs à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu, 2°) sous le n° 240628, la requête et les mémoires complémentaires enregistrés les 30 novembre, 5 et 11 décembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Michelle X... , ; Mme X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement susvisé du tribunal administratif de Basse-Terre du 21 septembre 2001 ;
2°) de la relever de l'inéligibilité prononcée ;
3°) de condamner solidairement les défendeurs à lui verser une somme de 3000 euros, au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son protocole ;
Vu le pacte des Nations Unies relatif aux droits civils et politiques ;
Vu le code électoral ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Fanachi, Conseiller d'Etat ;
- les observations de la SCP Le Bret-Desaché, Laugier, avocat de Mme X... ,
- les conclusions de M. Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Sur la jonction :
Considérant que les requêtes susvisées de Mme X... sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la régularité de la procédure suivie devant le tribunal administratif :
Considérant, en premier lieu, qu'eu égard à l'obligation qui incombe aux tribunaux administratifs de statuer, en cas de renouvellement général des conseils municipaux, dans le délai de trois mois à compter de leur saisine, le délai de cinq jours imparti, conformément aux dispositions de l'article R. 119 du code électoral, par le tribunal administratif de Basse-Terre à Mme X... pour produire sa défense, a été suffisant ;
Considérant, en second lieu, que Mme X... ne peut utilement soutenir que ce délai de cinq jours méconnaît les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que les stipulations de cet article ne sont applicables aux opérations électorales ;
Considérant, en troisième lieu, que les mentions du jugement attaqué, qui font foi jusqu'à preuve contraire, indiquent que le tribunal administratif a entendu les conclusions du commissaire du gouvernement mais ne font pas état de la participation du commissaire du gouvernement au délibéré ; que Mme X... n'apporte aucun élément de nature à établir que cette mention serait inexacte ;
Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction que Mme X... a été informée par lettre recommandée avec accusé réception, qu'elle a reçue le 12 septembre 2001, de la date de l'audience du tribunal administratif et que les mentions du jugement attaqué établissent qu'elle n'a pas assisté à cette audience ; que, par suite, le grief tiré de ce que ledit jugement ne mentionne pas que Mme X... a eu la parole en dernier est en tout état de cause inopérant ;
Sur le bien-fondé du rejet du compte de campagne :
Sur la régularité de la procédure suivie devant la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques :
Considérant, d'une part, qu'eu égard à l'obligation qui incombe à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques de vérifier dans un délai de six mois les comptes de campagne de l'ensemble des candidats ou candidats tête de liste présents au premier tour de scrutin des élections municipales, le délai de huit jours imparti à Mme X... par ladite Commission a été suffisant pour lui permettre de répondre utilement aux observations formulées sur son compte de campagne ;

Considérant, d'autre part, que le formulaire adressé le 14 juin 2001 par la Commission à Mme X... faisait expressément référence au montant de 69 336 F des dépenses qu'elle avait payées directement, sans recourir au mandataire financier qu'elle avait désigné, et l'informait que cette circonstance était de nature à entraîner le rejet de son compte de campagne ; que, dès lors, la requérante, qui a ainsi été mise à même de répondre utilement au grief formulé à l'encontre de son compte de campagne, n'est pas fondée à soutenir que, faute de mention expresse dans ledit formulaire des textes interdisant à un candidat ayant désigné un mandataire financier de régler directement les dépenses de sa campagne électorale, la procédure suivie devant ladite Commission n'aurait pas été contradictoire ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 52-4 du code électoral : "Pendant l'année précédant le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour de scrutin où l'élection est acquise, un candidat à cette élection ne peut avoir recueilli des fonds en vue de sa campagne que par l'intermédiaire d'un mandataire nommément désigné par lui, qui est soit une association de financement électorale soit une personne physique dénommée "le mandataire financier" (.)" ; qu'aux termes du deuxième alinéa de ce même article : "Lorsque le candidat a décidé de recourir à une association de financement électorale ou à un mandataire financier, il ne peut régler les dépenses occasionnées par sa campagne électorale que par leur intermédiaire, à l'exception du montant du cautionnement éventuel et des dépenses prises en charge par un parti ou un groupement politique" ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-6 du même code : "Le mandataire financier est tenu d'ouvrir un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ses opérations financières" ; qu'aux termes de l'article L. 52-11 du même code : "Pour les élections auxquelles l'article L. 52-4 est applicable, il est institué un plafond des dépenses électorales, autres que les dépenses de propagande directement prises en charge par l'Etat, exposées par chaque candidat ou liste de candidats, ou pour leur compte au cours de la période mentionnée au même article (.) ; qu'aux termes de l'article L. 52-12 du même code : "chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors de celles de la campagne officielle, par lui-même ou pour son compte au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4 (.)" ; qu'aux termes de l'article L. 52-15 du même code : "La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne (.). Lorsque la Commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la Commission saisit le juge de l'élection (.), et qu'aux termes de l'article L. 234 du même code : "Peut être déclaré inéligible pendant un an celui qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrit à l'article L. 52-12 et celui dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit" ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction qu'alors qu'elle avait désigné un mandataire financier, Mme X... a réglé directement des dépenses de sa campagne électorale pour un montant total de 69 336 F ; que si, pour des raisons pratiques, le règlement direct par le candidat de menues dépenses peut être toléré,
ce n'est que dans la mesure où leur montant global est faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne et négligeable au regard du plafond des dépenses autorisées fixé par l'article L. 52-11 du code électoral ; qu'en l'espèce, les dépenses en cause, constituées pour l'essentiel de frais de publications, de location de matériels et de réception, représentent 72 % du total des dépenses de campagne, dont le montant s'élève à 96 746 F et plus de 40 % du plafond des dépenses autorisées fixé à 145 869 F, en application des dispositions de l'article L. 52-11 du code électoral, pour l'élection considérée ; que le règlement direct de telles dépenses méconnaît les dispositions du 2ème alinéa de l'article L. 52-4 du code électoral ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte des termes mêmes des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 52-4 du code électoral qu'elles n'ont pas pour objet d'interdire aux candidats de financer leurs dépenses de campagne par des apports personnels et de fixer le montant maximum de ces apports, mais seulement de faire obstacle au paiement direct par les candidats de telles dépenses ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ces dispositions législatives seraient incompatibles avec les stipulations, garantissant le droit de propriété, de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est inopérant ; qu'est également inopérant le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 25 du pacte des Nations Unies, relatif aux droits civils et politiques, dès lors que les dispositions de l'article L. 52-4 du code électoral n'ont ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à la liberté de candidature et à la libre expression de la volonté des électeurs ;
Considérant, enfin, que les circonstances que le compte du mandataire a été ouvert tardivement, et que les recettes proviennent en majorité de la candidate et de ses colistiers, ne sont pas de nature à justifier une dérogation à la règle posée par l'article L. 52-4 du code électoral, qui n'est pas incompatible, sur ce point, avec les stipulations de l'article 3 du protocole additionnel n° 1 à la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a jugé que son compte de campagne avait pu à bon droit être rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ;
Sur les conclusions tendant à ce que la candidate soit relevée de son inéligibilité :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 118-3 du code électoral : "Saisi par la Commission instituée par l'article L. 52-14, le juge de l'élection peut déclarer inéligible, pendant un an, le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond électoral.

Dans les autres cas, le juge de l'élection peut ne pas prononcer l'inéligibilité du candidat dont la bonne foi est établie, ou relever le candidat de cette inéligibilité. Si le juge de l'élection a déclaré inéligible un candidat proclamé élu, il annule son élection, ou si l'élection n'a pas été contestée, le déclare démissionnaire d'office." ; Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le juge de l'élection peut déclarer un candidat inéligible pour un autre motif que le dépassement du plafond des dépenses électorales fixé par l'article L. 52-11 du code électoral ; que, dès lors, le moyen tiré de ce qu'en l'absence, en l'espèce, d'un tel dépassement constaté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, le tribunal administratif a méconnu les dispositions de l'article L. 118-3 du code électoral ainsi que les stipulations combinées de l'article 3 du protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 14 de cette convention doit être écarté ;
Considérant que le tribunal administratif de Basse-Terre s'est uniquement fondé sur la méconnaissance par Mme X... des dispositions de l'article L. 52-4 du code électoral et n'a pas entendu la sanctionner pour avoir financé sa campagne par des apports personnels ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif, en réservant, de fait, le droit de solliciter les suffrages aux seuls candidats soutenus par un parti politique, aurait méconnu les articles 3 et 4 de la Constitution du 4 octobre 1958, les stipulations du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du pacte des Nations-Unies relatif aux droits civils et politiques, ainsi que les dispositions du code électoral, doit être écarté ;
Considérant que compte tenu, d'une part, du caractère substantiel des dispositions législatives ne présentant pas de difficultés d'interprétation qui ont, en l'espèce, été méconnues et, d'autre part, de l'importance des dépenses qu'elle a personnellement réglées, Mme X... n'était pas fondée à se prévaloir des dispositions de l'article L. 118-3 du code électoral qui permettent de ne pas prononcer d'inéligibilité à l'égard des candidats dont la bonne foi est établie et dont le tribunal administratif a, implicitement, écarté l'application dès lors que ces dispositions n'étaient pas invoquées devant lui ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 270 du code électoral : "Le candidat venant sur la liste immédiatement après le dernier élu est appelé à remplacer le conseiller municipal élu sur cette liste, dont le siège devient vacant pour quelque cause que ce soit. La constatation par la juridiction administrative de l'inéligibilité d'un ou plusieurs candidats n'entraîne l'annulation de l'élection que du ou des candidats inéligibles. La juridiction saisie proclame, en conséquence, l'élection du ou des suivants de liste." ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que Mme Muriel Y... figurait sur la même liste que Mme X... , immédiatement après le dernier élu de cette liste et était éligible ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les articles 1er et 2 de son jugement du 21 septembre 2001, le tribunal administratif de Basse-Terre l'a déclarée inéligible pour un an à compter de la date à laquelle sa décision deviendra définitive en qualité de conseiller municipal, l'a déclarée démissionnaire d'office de ses fonctions de conseiller municipal de la commune de Morne à l'eau et a proclamé Mme Muriel Y... en qualité de conseiller municipal de la commune de Morne-à-l'eau, à compter de cette même date ;
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à Mme X... la somme que demande celle-ci au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de Mme X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Michelle X... , à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, à Mme Y... , au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales et au ministre de l'outre-mer.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

ELECTIONS - DISPOSITIONS GENERALES APPLICABLES AUX ELECTIONS POLITIQUES - FINANCEMENT ET PLAFONNEMENT DES DEPENSES ELECTORALES - PORTEE DE L'INELIGIBILITE.

ELECTIONS - ELECTIONS MUNICIPALES.


Références :

Code de justice administrative L761-1
Code électoral R119, L52-4, L52-6, L52-11, L234, L118-3, L270
Constitution du 04 octobre 1958
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 6
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales 1er protocole additionnel du 20 mars 1952 art. 1er


Publications
Proposition de citation: CE, 09 oct. 2002, n° 240242
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Fanachi
Rapporteur public ?: M. Guyomar

Origine de la décision
Formation : 6 / 4 ssr
Date de la décision : 09/10/2002
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 240242
Numéro NOR : CETATEXT000008146535 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2002-10-09;240242 ?
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