Vu la requête, enregistrée le 7 décembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE HAUTE-GARONNE ; le PREFET DE HAUTE-GARONNE demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 23 octobre 2000 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 3 octobre 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Sahin X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Toulouse ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée le 4 novembre 1950 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991
; Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- les observations de la SCP Parmentier, Didier, avocat de M. X...,
- les conclusions de Mme de Silva, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (.) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou de retrait (.)" ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que M.Yalcin, de nationalité turque, s'est maintenu sur territoire français plus d'un mois après la notification, le 18 avril 2000, de la décision du PREFET DE HAUTE-GARONNE du 14 mars 2000 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il était ainsi dans le cas visé au 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant que le jugement attaqué a été notifié au PREFET DE HAUTE-GARONNE le 7 novembre 2000 ; que la requête présentée par le PREFET DE HAUTE- GARONNE a été enregistrée au secrétariat du contentieux de Conseil d'Etat le 7 décembre 2000, soit dans le délai d'un mois imparti pour faire appel des arrêtés de reconduite à la frontière par l'article 22 bis de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945 ; que dès lors la fin de non recevoir opposée par M. X... et tirée de la tardiveté de la requête ne saurait être accueillie ;
Considérant que si M. X..., entré en France en juillet 1999, fait valoir qu'il a épousé le 15 janvier 2000 une compatriote titulaire d'une carte de résident en qualité de réfugiée politique, que son épouse est enceinte, il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce et compte tenu notamment des conditions de séjour de l'intéressé, du caractère récent de son mariage, de ce qu'il n'est pas dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine, de l'absence de justifications de ce que sa qualité de conjoint de réfugié politique lui ferait courir des risques pour sa vie et sa liberté en cas de retour dans son pays et eu égard, tant aux effets d'une décision de reconduite à la frontière, qu'à la faculté dont dispose son épouse de solliciter à son bénéfice le regroupement familial, l'arrêté attaqué n'a pas porté au respect dû à sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant ainsi que le PREFET DE HAUTE-GARONNE est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 23 octobre 2000 le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur la méconnaissance desdites stipulations pour annuler l'arrêté du 3 octobre 2000 ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif de Toulouse ;
Considérant que l'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'il est par suite suffisamment motivé ;
Considérant qu'aux termes de l'article 27 bis de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945, l'étranger "qui doit être reconduit à la frontière est éloigné : 1° A destination du pays dont il possède la nationalité sauf si l'office français de protection des réfugiés et apatrides ou la commission des recours des réfugiés lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950" ; que l'article 27 ter de la même ordonnance dispose que la "décision fixant le pays de renvoi constitue une décision distincte de la mesure d'éloignement elle-même. Le recours contentieux contre cette décision n'est suspensif d'exécution, dans les conditions prévues au II de l'article 22 bis, que s'il est présenté au président du tribunal administratif en même temps que le recours contre l'arrêté de reconduite à la frontière que la décision fixant le pays de renvoi vise à exécuter" ; qu'il ne résulte ni de ces dispositions ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire que le préfet doive prendre concomitamment à l'arrêté de reconduite à la frontière la décision fixant le pays de destination assigné à la personne reconduite ; qu'il suit de là que la circonstance qu'un arrêté de reconduite à la frontière ne soit pas accompagné d'une décision fixant le pays de destination est sans incidence sur la légalité de cet arrêté ;
Considérant que si le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales peut être utilement invoqué à l'appui de conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination de l'étranger reconduit à la frontière, il ne peut l'être, en revanche, lorsque, comme en l'espèce, ni l'arrêté attaqué ni aucune autre décision ne fixe le pays de renvoi de l'intéressé ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 3 octobre 2000 ordonnant sa reconduite à la frontière ;
Sur les conclusions de M. X... tendant au remboursement des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu de condamner l'Etat qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, à payer la somme que la SCP Parmentier, Didier demande, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, pour les frais que M.Yalcin aurait exposés s'il n'avait pas bénéficié de l'aide juridictionnelle ;
Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse du 23 octobre 2000 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée.
Article 3° : La présente décision sera notifiée au PREFET DE HAUTE-GARONNE, à M. Sahin X... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.