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23/10/2002 | FRANCE | N°237933

France | France, Conseil d'État, 23 octobre 2002, 237933


Vu la requête, enregistrée le 5 septembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU VAL-DE-MARNE ; le PREFET DU VAL-DE-MARNE demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 24 juillet 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 18 juillet 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Mérouane X... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée le 4 novembre 1950 ;> Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié relatif à la cir...

Vu la requête, enregistrée le 5 septembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU VAL-DE-MARNE ; le PREFET DU VAL-DE-MARNE demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 24 juillet 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 18 juillet 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Mérouane X... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée le 4 novembre 1950 ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leur famille ;
Vu la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- les conclusions de Mme de Silva Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 5° Si l'étranger a fait l'objet d'une condamnation définitive pour contrefaçon, falsification, établissement sous un autre nom que le sien ou défaut de titre de séjour" ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;
Considérant que si M. X..., ressortissant algérien, fait valoir qu'il vit en France depuis de nombreuses années, que ses deux frères, dont l'un possède la nationalité française, y résident également, qu'il a épousé en 1994 une ressortissante française dont il est divorcé depuis 1997, qu'il a eu, en 1999, un enfant avec une concubine qui lui a refusé le droit de visite, qu'il vit désormais avec une nouvelle concubine qui attend un enfant qu'il a reconnu par anticipation, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des faits délictueux et des troubles répétés à l'ordre public dont l'intéressé s'est rendu coupable, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. X... le 18 juillet 2001 n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, le PREFET DU VAL-DE-MARNE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Melun s'est fondé sur ce motif pour annuler son arrêté de reconduite à la frontière ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. X... à l'appui de sa demande ;
Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, l'arrêté du 18 juillet 2001 n'a pas porté une atteinte excessive à la vie privée et familiale de M. X... ;

Considérant que les stipulations de l'article 9 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés, et ne peuvent donc être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre une mesure de reconduite à la frontière ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les mesures litigieuses aient méconnu, dans les circonstances de l'espèce, les stipulations de l'article 3-1 de la convention précitée, aux termes duquel "Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale" ;
Considérant qu'aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié par l'avenant du 22 décembre 1985 : "Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit : a) au conjoint algérien d'un ressortissant français (.) e) aux ressortissants algériens qui justifient résider habituellement en France depuis qu'ils ont atteint au plus l'âge de 10 ans" ; qu'à la date de la décision attaquée M. X... était divorcé de son conjoint français et ne pouvait justifier résider habituellement en France depuis qu'il avait atteint au plus l'âge de 10 ans ;
Considérant que M. X... soutient que la décision attaquée serait illégale au motif que le PREFET DU VAL DE MARNE a refusé de faire application à son bénéfice des dispositions du 3° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 alors qu'il remplit toutes les conditions fixées par ces dispositions ;
Considérant qu'aux termes de l'article 2 du l'ordonnance de 2 novembre 1945 : "Les étrangers sont, en ce qui concerne leur séjour en France, soumis aux dispositions de la présente ordonnance, sous réserve des conventions internationales" ; que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, publié au Journal officiel du 22 mars 1969 en vertu du décret du 18 mars 1969, régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, leur durée de validité et les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'établir en France ; qu'il suit de là que les dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945 qui sont relatives aux différents titres de séjours qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens qui relèvent à cet égard des règles fixées par l'accord précité sous la seule réserve des dispositions du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance précitée qui tirent les conséquences nécessaires de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel s'applique à toute personne relevant de la juridiction de la France ; que dès lors, les moyens soulevés par M. X... et tirés de la violation des dispositions du 3° de l'article 12 bis de cette ordonnance, sont inopérants ;

Considérant que le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 18 juillet 2001 ordonnant sa reconduite à la frontière ;
Article 1er : Le jugement du 24 juillet 2001 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Melun est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Mérouane X..., au PREFET DU VAL-DE-MARNE et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 237933
Date de la décision : 23/10/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Accord du 27 décembre 1968 France Algérie art. 7 bis
Arrêté du 18 juillet 2001
Avenant du 22 décembre 1985 France Algérie
Convention du 26 janvier 1990 New-York droits de l'enfant art. 3-1, art. 9
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 3, art. 8
Décret du 18 mars 1969
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 12 bis


Publications
Proposition de citation : CE, 23 oct. 2002, n° 237933
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur public ?: Mme de Silva

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:237933.20021023
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