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08/11/2002 | FRANCE | N°250813

France | France, Conseil d'État, Juge des referes, 08 novembre 2002, 250813


Vu 1°) sous le n° 250813, la requête, enregistrée le 4 octobre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour LA SOCIÉTÉ TISCALI TÉLÉCOM, dont le siège est ... (75934) et tendant à ce que le juge des référés du Conseil d'Etat :

1/ prononce sur le fondement de l'article L.521-1 du code de justice administrative la suspension de l'arrêté du 11 juillet 2002 par lequel le ministre délégué à l'industrie a fixé le montant des contributions prévisionnelles des opérateurs qui contribuent au financement du service universel au titre de l'année 2002

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2/ condamne l'Etat à lui payer une somme de 3000 euros au titre de l'articl...

Vu 1°) sous le n° 250813, la requête, enregistrée le 4 octobre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour LA SOCIÉTÉ TISCALI TÉLÉCOM, dont le siège est ... (75934) et tendant à ce que le juge des référés du Conseil d'Etat :

1/ prononce sur le fondement de l'article L.521-1 du code de justice administrative la suspension de l'arrêté du 11 juillet 2002 par lequel le ministre délégué à l'industrie a fixé le montant des contributions prévisionnelles des opérateurs qui contribuent au financement du service universel au titre de l'année 2002 ;

2/ condamne l'Etat à lui payer une somme de 3000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

La société requérante soutient que plusieurs moyens sont de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté du 11 juillet 2002 ; que celui-ci a été pris au terme d'une procédure irrégulière au regard de l'article L.35-3-III du code des postes et télécommunications, et sans que soit intervenu au préalable le décret en Conseil d'Etat prévu par les dispositions de l'article L.35-3-IV du même code ; que l'arrêté du 11 juillet 2002 n'a pas pris en compte dans leur intégralité les avantages immatériels dont bénéficie France TELECOM ; qu'il est intervenu en méconnaissance du principe de transparence prévu par la directive n° 97-33 du 30 juin 1997 ; que les modalités d'évaluation des coûts nets du service universel, assises sur la base du volume du trafic, sont devenues incompatibles avec le principe de non discrimination et de proportionnalité prévu par la même directive ; que l'arrêté du 11 juillet 2002 crée à son égard une situation d'urgence ; que l'exécution de l'arrêté du 11 juillet 2002 serait de nature à lui causer un préjudice grave et immédiat, en raison de l'importance des montants demandés, de la fragilité de sa situation financière et du caractère précipité avec lequel la demande de paiement, assortie de délais de paiement très courts, intervient ; qu'au surplus la décision attaquée est de nature à porter gravement préjudice au fonctionnement du marché des fournisseurs d'accès à Internet et au fonctionnement du service universel, entraînant ainsi une atteinte à l'intérêt public ;

Vu l'arrêté du 11 juillet 2002 ;

Vu, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 21 octobre 2002, le mémoire présenté par le ministre de l'économie des finances et de l'industrie qui tend au rejet de la requête ; le ministre s'en remet à la sagesse du juge des référés pour l'appréciation de la compétence en premier ressort du Conseil d'Etat ; il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie ; que notamment l'intérêt public commande que la décision attaquée soit rapidement exécutée ; que l'opérateur chargé du service universel tient de la loi le droit de voir les charges du service universel compensées par les contributions financières des opérateurs concurrents ; que la société requérante ne peut invoquer le caractère imprévisible de la somme qui lui est demandée ; qu'un tel arrêté est en effet pris chaque année ; qu'il fait application de la décision de l'Autorité de régulation des télécommunications du 23 avril 2002 ; qu'il appartenait à la société requérante de provisionner cette dépense ; qu'au demeurant sa contribution a été réduite par rapport aux années précédentes ; que le principe de transparence n'a pas été méconnu ; qu'il n'existe pas de moyen propre à créer en l'état de l'instruction un doute sérieux quant à la légalité de la décision ; qu'à la suite de l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes, et compte tenu de l'obligation de procéder dans les meilleurs délais, il n'était ni nécessaire ni possible d'attendre l'intervention d'un décret réglementaire ; que l'arrêté du 11 juillet 2002 a pris en compte les avantages immatériels que France TELECOM retire du service universel ; que cet arrêt satisfait au principe de transparence ; que la référence au volume de trafic n'est pas discriminatoire ;

Vu, enregistré le 28 octobre 2002 le mémoire en réplique présenté par la Société TISCALI TELECOM qui tend aux mêmes fins que la requête ; la société soutient que le Conseil d'Etat est compétent en premier et dernier ressort dès lors, d'une part, que l'arrêté du 11 juillet 2002 présente le caractère d'un acte réglementaire en ce qu'il fixe le montant total du coût prévisionnel du service universel et le répartit entre les opérateurs, et, d'autre part, qu'il existe un lien de connexité entre l'arrêté du 11 juillet 2002 et la décision du 26 juillet 2002 qui a été prise par une autorité collégiale à compétence nationale ; que la condition d'urgence est satisfaite ; que, contrairement à ce que soutient le ministre, il n'y a pas de risque sérieux de déséquilibre de financement du service universel ; que la requérante ne pouvait raisonnablement prévoir ni la date d'exigibilité, ni le montant de la contribution qui lui est demandée ; qu'il existe plusieurs raisons d'éprouver un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué ;

Vu, enregistré le 31 octobre 2002 le nouveau mémoire présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui tend au rejet de la requête ; le ministre soutient que l'arrêté du 11 juillet 2002 ne présente aucun caractère réglementaire ; que la suspension de l'arrêté créerait une situation pénalisante pour les autres opérateurs, qui se sont acquittés de leur contribution prévisionnelle ; que les contributions relatives aux années 1998 à 2000 ont donné lieu à une régularisation ; que la contribution relative à 2001 sera régularisée en 2003 ; que la prise en compte immédiate de l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes entraîne pour la requérante une réduction de l'ordre de 30 % de sa contribution prévisionnelle pour 2002 ; que la non publication de l'arrêté du 11 juillet 2002 est sans influence sur sa légalité ; que l'évaluation des avantages immatériels ne donne lieu à une divergence d'appréciation qu'en ce qui concerne la possession de données sur l'utilisation du téléphone dans les zones non rentables ;

Vu 2°) sous le n° 250814, enregistrée le 4 octobre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat la requête présentée pour LA SOCIÉTÉ TISCALI TÉLÉCOM, dont le siège est ... (75934) et tendant à ce que le juge des référés du Conseil d'Etat :

1/ prononce sur le fondement de l'article L.521-1 du code de justice administrative la suspension de la décision du 26 juillet 2002 par laquelle l'Autorité de régulation des télécommunications lui a notifié l'obligation de payer au titre de la contribution prévisionnelle au fonds de service universel pour l'année 2002, une somme de 3 670 000 euros, en deux échéances fixées au 20 août et au 20 septembre 2002 ;

2/ condamne l'Etat à lui payer une somme de 3000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

la société requérante soutient par les mêmes moyens que ceux présentés sous le n° 250813 que la condition d'urgence posée par l'article L.521-1 du code de justice administrative est remplie et que l'un au moins des moyens invoqués est de nature à faire un naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision du 16 juillet 2002 ;

Vu la lettre du 26 juillet 2002 de l'Autorité de régulation des télécommunications ;

Vu, enregistré le 21 octobre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le mémoire par lequel le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie déclare s'en rapporter au mémoire de l'arrêté de l'Autorité de régulation des télécommunications ;

Vu, enregistré le 21 octobre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le mémoire présenté par l'Autorité de régulation des télécommunications qui tend, d'une part, au rejet de la requête et, d'autre part, à ce que la SOCIETE TISCALI TELECOM soit condamnée à lui payer une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article L.741-1 du code de justice administrative ; l'Autorité de régulation des télécommunications soutient que la requête est irrecevable dès lors, d'une part, qu'elle est dirigée contre une simple notification qui ne constitue pas une décision faisant grief et, d'autre part, que la requérante n'a aucun intérêt à en solliciter la suspension ; que les moyens invoqués visent seulement l'arrêté du 11 juillet 2002 et non la lettre du 26 juillet 2002 ; qu'il appartenait à l'Etat d'exécuter dans les meilleurs délais l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes ; que cette exécution dans les délais requis n'aurait pas été assurée s'il avait fallu respecter à la lettre les dispositions de l'article L.35-3-III du code des postes et télécommunications ; que le délai d'un an prévu par cet article était inapplicable ; que la méconnaissance d'une formalité qui ne peut être respectée, n'entraîne pas l'illégalité de l'acte correspondant ; que la requérante ne justifie pas d'un intérêt pour invoquer un moyen tiré de l'article R.20-39 du code des postes et télécommunications ; que la situation créée par l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes n'entrait pas dans les prévisions de cet article ; que la lettre du 26 juillet 2002 avait pour objet de notifier la décision ministérielle ; que le mode de calcul retenu respecte les règles rappelées par l'arrêt du 6 décembre 2001 ; que les avantages immatériels dont bénéficie l'opérateur qui assure le service universel ont été exactement pris en compte ; que la condition d'urgence posée par l'article L.521-1 du code de justice administrative n'est pas caractérisée ; que le service universel répond à un intérêt général particulièrement impérieux ; que la société requérante était en mesure de déterminer au moins approximativement le montant de sa contribution et qu'elle ne peut ainsi invoquer le fait d'avoir été surprise par les actes qu'elle conteste, qui n'ont, dès lors, pas créé une situation d'urgence ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive n° 97/33/CE du 30 juin 1997, ensemble l'arrêt du 6 décembre 2001 de la Cour de justice des communautés européennes ;

Vu le code des postes et télécommunications ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la société TISCALI TELECOM, d'autre part, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et l'Autorité de régulation des télécommunications (ART) ;

Vu le procès verbal de l'audience publique du 4 novembre 2002 à 15 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la société TISCALI TELECOM,

- Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'Autorité de régulation des télécommunications ;

- les représentants de la société TISCALI TELECOM,

- les représentants de l'Autorité de régulation des télécommunications,

- les représentants du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

Sur la compétence en premier ressort du Conseil d'Etat :

Considérant, d'une part, que la lettre du 26 juillet 2002 par laquelle l'Autorité de régulation des télécommunications a fait connaître à la société requérante, en application de l'article R.20-39 du code des postes et télécommunications, le montant de la contribution provisionnelle qu'elle était invitée à payer au titre de l'année 2002, prescrit que cette contribution devra être acquittée en deux fractions égales, le 20 août et le 20 septembre 2002, ces deux échéances étant ainsi substituées par cette décision à celles prévues par les dispositions du même article R.20-39 ;

Considérant, d'autre part, qu'il n'est pas contesté que la lettre du 26 juillet 2002 émane au sens du 4° de l'article R.311-1 du code de justice administrative d'un organisme collégial à compétence nationale ;

Considérant dès lors, que le juge des référés du Conseil d'Etat n'est pas manifestement incompétent pour connaître de la demande de suspension présentée sous le n° 250814, ni, eu égard à la connexité de ces deux requêtes, de celle présentée sous le n° 250813 ;

Sur les conclusions de suspension :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Sur la condition relative à l'existence d'un moyen propre à créer un doute sérieux :

Considérant qu'aux termes de l'article L.35 du code des postes et télécommunications : Le service public des télécommunications est assuré dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité. Il comprend : a) Le service universel des télécommunications défini, fourni et financé dans les conditions fixées aux articles L.35-1 à L.35-4 ; (...) ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L.35-1 : Le service universel des télécommunications fournit à tous un service téléphonique de qualité à un prix abordable. Il assure l'acheminement des communications téléphoniques en provenance ou à destination des points d'abonnement, ainsi que l'acheminement gratuit des appels d'urgence, la fourniture d'un service de renseignements et d'un annuaire d'abonnés, sous formes imprimée et électronique, et la desserte du territoire national en cabines téléphoniques installées sur le domaine public. ; qu'aux termes du II de l'article L.35-3 : Le financement des coûts imputables aux obligations de service universel est assuré par les exploitants de réseaux ouverts au public et par les fournisseurs de services téléphoniques au public... ; qu'aux termes enfin des III et IV du même article : III - Les méthodes d'évaluation, de compensation et de partage des coûts nets liés aux obligations de service universel sont rendues publiques un an au moins avant leur mise en application./ IV - Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications, précise les modalités d'application du présent article. Il établit notamment les méthodes de l'évaluation, de la compensation et du partage des coûts nets du service universel, ainsi que les modalités de gestion du fonds de service universel des télécommunications. ; que les décisions qui chaque année arrêtent le montant du coût du service universel et en répartissent la charge entre les opérateurs sont prises dans les conditions et selon les modalités fixées par les dispositions réglementaires prévues aux III et IV de l'article L.35-3 du code des postes et télécommunications ;

Considérant que l'incompatibilité avec le droit communautaire de certaines des dispositions réglementaires du code des postes et télécommunications relatives au financement du service universel, relevée par l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes du 6 décembre 2001, faisait obstacle à l'application de ces dispositions par les autorités nationales ;

Considérant néanmoins que ces autorités avaient également l'obligation d'assurer, conformément aux dispositions des articles L.35 et suivants du code des postes et télécommunications, la continuité du fonctionnement du service universel et de son financement annuel par les opérateurs ;

Considérant d'une part, qu'à la date d'intervention de l'arrêté du 11 juillet 2002 les autorités nationales n'avaient pas dans la forme, prévue par la loi, du décret en Conseil d'Etat, modifié les dispositions réglementaires du code des postes et télécommunications qui, ainsi qu'il vient d'être dit, étaient contraires au droit communautaire ;

Considérant d'autre part, qu'à défaut de l'intervention d'un tel décret, et alors que le délai raisonnable pour le prendre n'était pas expiré, ces autorités n'avaient pas davantage publié sous une forme propre à assurer une clarté et une cohérence suffisantes aux décisions procédant au calcul du coût du service universel et à la répartition de sa charge entre les opérateurs les méthodes et les critères selon lesquels elles entendaient se livrer à ces calculs ;

Considérant qu'il suit de là que le moyen tiré par la société requérante de ce que les décisions contestées par elle ont été prises sans fondement légal présente, en l'état de l'instruction, un caractère de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de ces décisions ;

Sur la condition relative à l'urgence :

Considérant qu'alors surtout que la société TISCALI TELECOM se trouvait dans une situation financière difficile, l'obligation qui lui a été notifiée par la lettre du 26 juillet 2002 d'avoir à payer, en deux échéances fixées respectivement au 20 août et au 20 septembre 2002, une somme de 3 670 000 euros préjudiciait de façon grave et immédiate à ses intérêts ; que si le fonctionnement normal -et donc le financement- du service universel est d'intérêt général, ce fonctionnement n'est pas compromis par la demande de suspension présentée par la société TISCALI TELECOM dès lors notamment que les sommes mises à la charge de celle-ci représentent moins de 2 % du coût du service universel pour 2002 ;

Considérant toutefois, que si les décisions dont la suspension est demandée ont arrêté le montant des sommes mises à la charge de la société TISCALI TELECOM, le principe de l'obligation qu'a cette dernière de contribuer au financement du service universel découle directement des dispositions de l'article L.35-3 du code des postes et télécommunications et de la qualité d'opérateur de la requérante ; qu'ainsi cette dernière ne pouvait, dans sa gestion, ni faire abstraction de ce qu'elle devrait assumer cette charge, ni s'abstenir de prendre à cet égard toutes dispositions utiles telles que la constitution d'une provision ; que la condition d'urgence posée par l'article L.521-1 ne peut, dès lors, être tenue pour remplie que si et dans la mesure où la somme qui lui est demandée excède celle que, dans le cadre d'une gestion normale, elle devait normalement prévoir en fonction, notamment, de son activité, du montant mis à sa charge en 2001 et des conséquences qui pouvaient être tirées de l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes du 6 décembre 2001 ;

Considérant qu'il n'est contesté ni, que le montant des contributions mises à la charge de la société TISCALI TELECOM au titre de 2000 et de 2001 excédait ce qui pouvait découler d'une exacte application du droit communautaire, ni que la société requérante avait dès lors droit au remboursement de cet excédent ; que la société TISCALI TELECOM pouvait ainsi tenir cette créance comme devant venir en compensation avec le montant de la contribution qu'elle devrait payer au titre de 2002 ; qu'en l'état de l'instruction et compte tenu notamment des informations recueillies au cours de l'audience publique cette créance peut être provisoirement évaluée à une somme comprise entre 1 300 000 et 1 400 000 euros ;

Considérant, par ailleurs, qu'en l'absence, postérieurement à l'intervention de l'arrêt de la Cour de justice européenne, de précisions fournies par les autorités nationales sur les méthodes de calcul qui seraient appliquées pour la fixation de la contribution provisionnelle de 2002, et compte tenu notamment de ce qu'une étude établie au début de l'année 2002 à la demande de divers opérateurs de télécommunications pour apprécier les conséquences à tirer de l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes avait abouti, à des évaluations des contributions des opérateurs moins élevées que celles retenues par l'arrêté ministériel du 11 juillet 2002, la société TISCALI TELECOM pouvait raisonnablement penser que sa contribution provisionnelle pour 2002 serait inférieure d'environ 500 000 euros au montant fixé par la décision contestée ;

Considérant que le rapprochement de cette différence de 500 000 euros et du montant de la créance de 1 300 000 à 1 400 000 euros détenue par la société TISCALI TELECOM conduit à admettre que cette société pouvait raisonnablement prévoir que la somme dont elle devrait assurer le financement en 2002 -à des dates qui ne pouvaient être déterminées de façon certaine dès lors qu'il était constant que le calendrier prévu par l'article R. 20-39 du code des postes et télécommunications avait été rendu inapplicable par la novation résultant de l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes - serait inférieure d'au moins 1 800 000 euros à celle mise à sa charge par les décisions contestées ; que, dans cette mesure, la condition d'urgence doit être regardée comme remplie ;

Considérant que de tout ce qui précède, il résulte qu'il y a lieu d'ordonner la suspension de la lettre de l'Autorité de régulation des télécommunications du 26 juillet 2002 en tant qu'elle prescrit à la société TISCALI TELECOM le paiement d'une échéance de 1 835 000 euros à la date du 20 août 2002 ; que le surplus des conclusions à fins de suspension de la requérante doit par contre être rejeté ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que la société TISCALI TELECOM, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à payer à l'Etat les sommes demandées à ce titre tant par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie que par l'Autorité de régulation des télécommunications ;

Considérant, en revanche, qu'il y a lieu de condamner l'Etat à payer à la société TISCALI TELECOM une somme de 3000 euros au titre des frais supportés par elle et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La lettre du 26 juillet 2002 de l'Autorité de régulation des télécommunications est suspendue en tant qu'elle enjoint à la société TISCALI TELECOM de verser 1 835 000 euros à la date du 20 août 2002.

Article 2 : L'Etat versera à la société TISCALI TELECOM une somme de 3000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la société TISCALI TELECOM est rejeté.

Article 4 : Les conclusions du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et de l'Autorité de régulation des télécommunications tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la SOCIÉTÉ TISCALI TÉLÉCOM, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à l'Autorité de régulation des télécommunications.


Synthèse
Formation : Juge des referes
Numéro d'arrêt : 250813
Date de la décision : 08/11/2002
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

PROCÉDURE - PROCÉDURES INSTITUÉES PAR LA LOI DU 30 JUIN 2000 - RÉFÉRÉ SUSPENSION (ARTICLE L 521-1 DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE) - CONDITIONS D'OCTROI DE LA SUSPENSION DEMANDÉE - MOYEN PROPRE À CRÉER UN DOUTE SÉRIEUX SUR LA LÉGALITÉ DE LA DÉCISION - EXISTENCE - MOYEN TIRÉ DE CE QUE LES DÉCISIONS DU MINISTRE CHARGÉ DES TÉLÉCOMMUNICATIONS FIXANT LE MONTANT DES CONTRIBUTIONS PRÉVISIONNELLES DES OPÉRATEURS AU FINANCEMENT DU SERVICE UNIVERSEL SONT DÉPOURVUES DE BASE LÉGALE.

54-035-02-03-01 Est propre à créer un doute sérieux sur la légalité des décisions du ministre chargé des télécommunications fixant le montant des contributions prévisionnelles des opérateurs au financement du service universel des télécommunications le moyen tiré de ce que ces décisions ont été prises sans fondement légal. En effet, l'incompatibilité avec le droit communautaire de certaines dispositions réglementaires du code des postes et télécommunications relatives au financement du service universel faisait obstacle à leur application. Par ailleurs, à la date des décisions attaquées, les autorités publiques n'avaient pris aucune nouvelle disposition réglementaire. En outre, à défaut de l'intervention de ces mesures, alors que le délai raisonnable pour les prendre n'était pas expiré, les autorités publiques n'avaient pas davantage publié sous une forme propre à assurer une clarté et une cohérence suffisantes aux décisions procédant au calcul du coût du service universel et à la répartition de sa charge entre les opérateurs les méthodes et les critères selon lesquels elles entendaient se livrer à ces calculs.

PROCÉDURE - PROCÉDURES INSTITUÉES PAR LA LOI DU 30 JUIN 2000 - RÉFÉRÉ SUSPENSION (ARTICLE L 521-1 DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE) - CONDITIONS D'OCTROI DE LA SUSPENSION DEMANDÉE - URGENCE - SOMME EXIGÉE D'UN OPÉRATEUR DE TÉLÉCOMMUNICATIONS AU TITRE DU SERVICE UNIVERSEL DES TÉLÉCOMMUNICATIONS - MONTANT EXCÉDANT CE QU'IL DEVAIT PRÉVOIR DANS LE CADRE D'UNE GESTION NORMALE.

54-035-02-03-02 L'obligation qu'a un opérateur de télécommunications de contribuer au financement du service universel des télécommunications découle directement de l'article L. 35-3 du code des postes et télécommunications. Ainsi, alors même que certaines dispositions réglementaires de ce code relatives au financement du service universel ont été déclarées incompatibles avec le droit communautaire par un arrêt de la cour de justice des communautés européennes, un opérateur ne pouvait, dans sa gestion, ni faire abstraction de ce qu'il devait assumer cette charge, ni s'abstenir de prendre à cet égard toutes dispositions utiles telles que la constitution d'une provision. La condition d'urgence posée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut être tenue pour remplie que si et dans la mesure où la somme qui est demandée à l'opérateur excède celle que, dans le cadre d'une gestion normale, elle devait normalement prévoir en fonction, notamment, de son activité, du montant mis à sa charge l'année précédente et des conséquences qui pouvaient être tirées de l'arrêt de la cour de justice des communautés européennes. Condition d'urgence remplie en l'espèce pour une partie de la somme exigée.


Références :



Publications
Proposition de citation : CE, 08 nov. 2002, n° 250813
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Labetoulle
Rapporteur ?: M. Daniel Labetoulle
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:250813.20021108
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