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13/11/2002 | FRANCE | N°237110

France | France, Conseil d'État, 1 / 2 ssr, 13 novembre 2002, 237110


Vu la requête, enregistrée le 9 août 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Christian X... et Mme Martine Y..., ; M. X... et Mme Y... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Premier ministre sur leur demande en date du 11 avril 2001 tendant à l'abrogation, à l'antépénultième alinéa de l'article R. 673-5-11 du code de la santé publique, de la dernière partie de la phrase : " et les embryons issus des ovocytes cédés ne peuvent être transférés " ainsi qu'à l'abrogation

de l'obligation préalable afférente, contenue à l'article R. 673-5-13, der...

Vu la requête, enregistrée le 9 août 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Christian X... et Mme Martine Y..., ; M. X... et Mme Y... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Premier ministre sur leur demande en date du 11 avril 2001 tendant à l'abrogation, à l'antépénultième alinéa de l'article R. 673-5-11 du code de la santé publique, de la dernière partie de la phrase : " et les embryons issus des ovocytes cédés ne peuvent être transférés " ainsi qu'à l'abrogation de l'obligation préalable afférente, contenue à l'article R. 673-5-13, dernier alinéa, de s'assurer qu'en ce qui concerne les dons d'ovocytes, les résultats des analyses sont négatifs ;
2°) d'enjoindre au Premier ministre d'abroger lesdites dispositions sous astreinte de 100 000 euros par jour de retard ;
3°) de condamner l'Etat à leur verser à chacun la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme de Salins, Maître des Requêtes ;
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'emploi et de la solidarité :
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 1211-6 du code de la santé publique : " Le prélèvement d'éléments et la collecte de produits du corps humain à des fins thérapeutiques sont soumis à des règles de sécurité sanitaire qui comprennent notamment des tests de dépistage de maladies transmissibles " ; que l'article L. 1221-8 du même code renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de déterminer ces règles de sécurité sanitaire ; que, pour l'application de ces dispositions au don de gamètes, qui, en vertu de l'article L. 1244-1 du code de la santé publique, consiste en l'apport par un tiers de spermatozoïdes ou d'ovocytes en vue d'une assistance médicale à la procréation, le décret n° 96-933 du 16 novembre 1996 a inséré dans la partie réglementaire du code de la santé publique un article R. 673-5-10 qui, d'une part, prévoit que le praticien agréé doit s'assurer que les résultats des analyses de biologie médicale pratiquées chez le donneur de gamète sont négatifs en ce qui concerne les marqueurs biologiques d'infection et, lorsque cela est techniquement possible, d'infectivité, pour l'infection par les virus VIH 1 et 2, HTLV 1 et 2, par les virus des hépatites B et C et la syphilis, ainsi que par le cytomégalovirus, et, d'autre part, interdit la cession du sperme ou le transfert de l'embryon dans le cas où l'un ou plusieurs de ces résultats sont positifs ; que l'article R. 673-5-11, issu du même décret, impose au praticien, dans le cas où le test se révèle négatif, de faire, au terme d'un délai de six mois, une deuxième recherche pour trois des affections mentionnées ci-dessus, à savoir le VIH 1 et 2, les hépatites B et C et le cytomégalovirus, et prolonge pendant ce délai l'interdiction de cession du sperme ou de transfert de l'embryon ; qu'enfin, l'article R. 673-5-13 du même code, également issu du décret du 12 novembre 1996, prévoit que " le praticien mettant en .uvre l'assistance médicale à la procréation, qu'il s'agisse d'insémination artificielle ou de fécondation in vitro avec gamètes d'un donneur, ou de transfert d'embryons issus des ovocytes cédés, est tenu au préalable de (à) s'assurer que les résultats des analyses de biologie médicale prévues au 1° de l'article R. 673-5-10 et à l'article R. 673-5-11 sont négatifs " ;
Considérant que M. X... et Mme Y... ont, par lettre du 11 avril 2001, demandé au Premier ministre l'abrogation, d'une part, du dernier membre de phrase de l'antépénultième alinéa de l'article R. 673-5-11 du code de la santé publique selon lequel " les embryons issus des ovocytes cédés ne peuvent être transférés " dans le délai de six mois mentionné plus haut, d'autre part, de la disposition de l'article R. 673-5-13, en tant qu'elle concerne les embryons issus des ovocytes cédés, qui impose au praticien chargé de mettre en oeuvre l'assistance médicale à la procréation, de s'assurer que les résultats des analyses de biologie médicale pratiquées au terme de ce délai de six mois sont négatifs ; qu'ils contestent la légalité de la décision implicite née du silence gardé pendant plus de deux mois par le Premier ministre sur cette demande ;

Considérant que l'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal, est tenue d'y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l'illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date ;
Considérant qu'en l'état des données scientifiques disponibles à la date à laquelle a été pris le décret du 12 novembre 1996 dont sont issues les dispositions réglementaires contestées du code de la santé publique, les auteurs de ce décret n'ont pas, lors de l'édiction du texte, commis d'erreur manifeste dans l'appréciation à la fois des risques et du choix des mesures de sécurité sanitaires nécessaires pour éviter ces risques en exigeant, afin de vérifier que la donneuse n'était pas en phase de séroconversion au moment du premier test de dépistage, une deuxième série de tests six mois plus tard et en prévoyant que les ovocytes ne pourraient être transférés pendant ce délai ;
Considérant que si, postérieurement au décret dont l'abrogation partielle est demandée, le code de la santé publique a été modifié par le décret n° 97-928 du 9 octobre 1997 relatif aux règles de sécurité sanitaire qui a introduit un article R. 665-80-8 dont les dispositions permettent au médecin, en cas d'urgence vitale et si le risque de transmission d'infection encouru par le receveur est hors de proportion avec le bénéfice escompté pour celui-ci, de procéder à une greffe ou à une transplantation d'organes normalement interdite, ces dispositions, qui ne s'appliquent pas au don de gamètes, expressément exclu de leur champ par l'article R. 665-80-1 du même code, n'ont, en tout état de cause, ni pour objet ni pour effet d'imposer au pouvoir réglementaire de vérifier, à tout moment, et en l'absence de circonstances de fait nouvelles, la proportion entre risques prévisibles et bénéfices escomptés d'une technique thérapeutique ; qu'une telle obligation ne résulte pas davantage des dispositions précitées de l'article L. 1211-6 du code de la santé publique ; que M. X... et Mme Y... ne peuvent donc utilement soutenir que ces dispositions constitueraient des changements dans la situation de droit qui auraient rendu illégales, du seul fait de leur intervention, celles dont l'abrogation est demandée ;

Considérant que M. X... et Mme Y... font état, en s'appuyant sur les travaux scientifiques menés depuis 1996 et sur l'avis rendu en 2001 par le comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie, de nouvelles données de nature, d'une part, à mettre en doute les risques de transmission du VIH 1 et 2 au travers d'un don d'ovocytes et, d'autre part, à mettre en évidence les inconvénients de la congélation des embryons issus de ces dons qui diminue sensiblement les chances de succès de la procréation assistée ; que s'il appartient au gouvernement de prendre en compte ces nouvelles données et cet avis pour rechercher un meilleur équilibre entre, d'une part, les risques sanitaires tels qu'ils peuvent être appréciés compte tenu des connaissances scientifiques les plus récentes, risques qui concernent non seulement l'infection par les virus VIH 1 et 2, mais aussi celle par les virus des hépatites B et C et le cytomégalovirus, et, d'autre part, les avantages qui peuvent être retirés par les patients des techniques de procréation médicalement assistée, les données scientifiques ou les prises de position du comité consultatif national d'éthique invoquées par les requérants ne constituent pas à elles seules des circonstances de fait nouvelles faisant apparaître entre risques et avantages une disproportion telle que la réglementation critiquée serait devenue illégale ; que le Premier ministre, - qui ne pouvait d'ailleurs se borner à abroger les dispositions litigieuses sans définir un nouveau dispositif permettant, comme l'a recommandé le comité consultatif national d'éthique, d'informer pleinement les patientes des risques en tout état de cause encourus, - n'a donc pas commis d'excès de pouvoir en rejetant la demande d'abrogation présentée par M. X... et Mme Y... ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... et Mme Y... ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision qu'ils attaquent ;
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
Considérant que la présente décision n'impliquant pas d'abroger les dispositions attaquées du code de la santé publique, les conclusions des requérants tendant à ce que l'Etat soit condamné au paiement d'une astreinte s'il tardait à procéder à cette abrogation ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de la santé publique font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à M. X... et à Mme Y... la somme que demandent ceux-ci au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. X... et de Mme Y... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Christian X..., à Mme Martine Y... et au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.


Synthèse
Formation : 1 / 2 ssr
Numéro d'arrêt : 237110
Date de la décision : 13/11/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

SANTE PUBLIQUE - PROTECTION GENERALE DE LA SANTE PUBLIQUE - POLICE ET REGLEMENTATION SANITAIRE.

SANTE PUBLIQUE - PROTECTION SANITAIRE DE LA FAMILLE ET DE L'ENFANCE - PROTECTION MATERNELLE ET INFANTILE - PROCREATION MEDICALEMENT ASSISTEE.


Références :

Code de justice administrative L761-1
Code de la santé publique L1211-6, L1221-8, L1244-1, R673-5-10, R673-5-11, R673-5-13, R665-80-1, R665-80-8, L761-1
Décret du 12 novembre 1996
Décret 96-933 du 16 novembre 1996
Décret 97-928 du 09 octobre 1997


Publications
Proposition de citation : CE, 13 nov. 2002, n° 237110
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme de Salins
Rapporteur public ?: M. Stahl

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:237110.20021113
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