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20/11/2002 | FRANCE | N°234600

France | France, Conseil d'État, 9 / 10 ssr, 20 novembre 2002, 234600


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 juin et 10 octobre 2001 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Simone LE X..., ; Mme LE X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 10 avril 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a 1) rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 8 décembre 1997 du tribunal administratif de Rouen rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1987 à 1991

, 2) sur le recours du ministre de l'économie, des finances et de l'in...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 juin et 10 octobre 2001 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Simone LE X..., ; Mme LE X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 10 avril 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a 1) rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 8 décembre 1997 du tribunal administratif de Rouen rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1987 à 1991, 2) sur le recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, d'une part, annulé ledit jugement en tant qu'il a accordé à la requérante la décharge des pénalités de mauvaise foi dont ont été assorties les cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 1989 à 1991, et d'autre part, remis intégralement à sa charge lesdites pénalités ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ainsi que des pénalités dont elles ont été assorties ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 35 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Glaser, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de Mme LE X... ,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Sur les impositions :
Considérant qu'aux termes de l'article 44 quater du code général des impôts alors applicable : "Les entreprises créées du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1986, soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et répondant aux conditions prévues aux 2° et 3° du II et au III de l'article 44 bis sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices industriels et commerciaux qu'elles réalisent à compter de la date de leur création jusqu'au terme du trente cinquième mois suivant celui au cours duquel cette création est intervenue" ; qu'aux termes du III de l'article 44 bis du même code : "Les entreprises créées dans le cadre d'une concentration ou d'une restructuration d'activités préexistantes, ou pour la reprise de telles activités, ne peuvent bénéficier de l'abattement ci-dessus" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme LE X... , qui avait été jusqu'en 1984 salariée et associée de la SARL "Dominique Conseil Immobilier", dirigée par son fils, M. Dominique Y..., a exercé à compter du 2 juillet 1986, une activité de marchand de biens consistant principalement en l'achat d'immeubles par voie d'adjudication ; qu'à partir de ce moment, M. Y... a progressivement cessé cette activité ; qu'il a consenti à Mme LE X... , au moment où celle-ci débutait son activité, d'importants prêts sous seing privé sans intérêts ni échéancier de remboursement, destinés exclusivement à financer sa nouvelle activité professionnelle ; qu'un tiers des immeubles vendus par Mme LE X... l'ont été par l'intermédiaire de l'agence immobilière de M. Y... ;
Considérant qu'après avoir constaté, par une appréciation souveraine des faits qui n'est pas entachée de dénaturation, que Mme LE X... exerçait une activité partiellement identique à celle de la SARL "Dominique Conseil Immobilier", la cour a pu légalement déduire que l'entreprise de Mme LE X... avait été créée en vue de la reprise d'activités préexistantes et ne pouvait, dès lors, prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 44 quater précité du code général des impôts ;
Considérant que l'absence de remise en cause par l'administration du caractère nouveau de son activité au regard des dispositions de l'article 44 quater précité du code à l'issue de la vérification approfondie de sa situation fiscale d'ensemble pour les années 1984, 1985 et 1986 ne constitue pas une interprétation de la loi fiscale ou une prise de position formelle dont le contribuable puisse se prévaloir sur le fondement des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales ; qu'ainsi, la cour n'a pas méconnu ces dispositions ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme LE X... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'article 3 de l'arrêt attaqué par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1987, 1988, 1989, 1990 et 1991 ;
Sur les pénalités :
Considérant qu'en estimant que la mauvaise foi de Mme LE X... était établie du seul fait que, dans le cadre de ses déclarations, elle avait continué à se placer sous le régime d'exonération d'imposition de ses bénéfices prévu à l'article 44 quater du code général des impôts après que l'administration l'eut avisée, par deux notifications de redressements en date des 12 décembre 1989 et 12 juin 1990, qu'elle ne pouvait prétendre à ce régime, la cour administrative d'appel de Douai a commis une erreur de droit ; que Mme LE X... est, dès lors, fondée à demander l'annulation de l'article 2 de l'arrêt attaqué par lequel la cour a remis à la charge de Mme LE X... les pénalités pour absence de bonne foi dont ont été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1989, 1990 et 1991 ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en ce qui concerne les pénalités en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui se fonde exclusivement sur la persistance de Mme LE X... à se placer sous le régime d'exonération prévu par l'article 44 quater du code général des impôts, n'établit pas l'absence de bonne foi de l'intéressée ; qu'il y a lieu, par suite, d'accorder à Mme LE X... la décharge des pénalités pour absence de bonne foi auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1989, 1990 et 1991 ;
Sur les conclusions de Mme LE X... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à payer à Mme LE X... la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai en date du 10 avril 2001 est annulé.
Article 2 : Mme LE X... est déchargée des pénalités pour absence de bonne foi dont ont été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1989, 1990 et 1991.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme LE X... et le recours incident du ministre devant la cour administrative d'appel sont rejetés.
Article 4 : L'Etat versera à Mme LE X... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Simone LE X... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 9 / 10 ssr
Numéro d'arrêt : 234600
Date de la décision : 20/11/2002
Sens de l'arrêt : Annulation partielle décharge
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - AMENDES - PENALITES - MAJORATIONS - PENALITES POUR MAUVAISE FOI - Applicabilité à un contribuable persistant à se placer - dans ses déclarations - sous un régime d'exonération - en dépit des indications contraires données par l'administration - Absence.

19-01-04-03 Le fait, pour un contribuable, de continuer à se placer, dans le cadre de ses déclarations, sous un régime d'exonération d'imposition de ses bénéfices après que l'administration l'eût avisé qu'il ne pouvait prétendre à ce régime ne suffit pas à caractériser la mauvaise foi au sens de l'article 1729 du code général des impôts.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - PERSONNES ET ACTIVITES IMPOSABLES - EXONERATION DE CERTAINES ENTREPRISES NOUVELLES (ART - 44 BIS ET SUIVANTS DU CGI) - Exclusion des entreprises créées dans le cadre d'une reprise ou d'une restructuration d'activités préexistantes (article 44 sexies du CGI) - Notion de reprise d'activités préexistantes - Existence - Reprise d'une activité de marchand de biens par l'ancienne associée et salariée d'une agence immobilière lui ayant abandonné cette activité et ayant facilité son démarrage.

19-04-02-01-01-03 Une contribuable, qui était salariée et associée de la société dirigée par son fils, a développé une activité de marchand de biens consistant principalement en l'achat d'immeubles par voie d'adjudication alors que son fils cessait progressivement cette activité. Ce dernier a consenti à sa mère, au moment où elle débutait son activité, d'importants prêts sous seing privé sans intérêts ni échéancier de remboursement, destinés exclusivement à financer sa nouvelle activité professionnelle. Un tiers des immeubles vendus par la contribuable l'ont été par l'intermédiaire de l'agence immobilière de son fils. Par suite, l'entreprise de cette contribuable doit être regardée comme créée en vue de la reprise d'activités préexistantes de l'entreprise de son fils.


Références :

CGI 44 quater, 44 bis
CGI Livre des procédures fiscales L80 A, L80 B
Code de justice administrative L821-2, L761-1


Publications
Proposition de citation : CE, 20 nov. 2002, n° 234600
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Robineau
Rapporteur ?: M. Glaser
Rapporteur public ?: M. Goulard

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:234600.20021120
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