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22/11/2002 | FRANCE | N°200294

France | France, Conseil d'État, 5 / 7 ssr, 22 novembre 2002, 200294


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 octobre 1998 et 27 janvier 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le COMITE FEDERATIF POUR LA MISE A DEUX FOIS DEUX VOIES DE LA NATIONALE 60, dont le siège est ... ; le COMITE FEDERATIF POUR LA MISE A DEUX FOIS DEUX VOIES DE LA NATIONALE 60 demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret en date du 21 août 1998 déclarant d'utilité publique les travaux de construction de l'autoroute A. 19 Artenay-Courtenay et portant mise en compatibilité des plans d'occupation des sols des co

mmunes y énumérées dans le département du Loiret ;
Vu les au...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 octobre 1998 et 27 janvier 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le COMITE FEDERATIF POUR LA MISE A DEUX FOIS DEUX VOIES DE LA NATIONALE 60, dont le siège est ... ; le COMITE FEDERATIF POUR LA MISE A DEUX FOIS DEUX VOIES DE LA NATIONALE 60 demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret en date du 21 août 1998 déclarant d'utilité publique les travaux de construction de l'autoroute A. 19 Artenay-Courtenay et portant mise en compatibilité des plans d'occupation des sols des communes y énumérées dans le département du Loiret ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de la voirie routière ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 modifiée ;
Vu la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs, et notamment son article 14 ;
Vu la loi du 3 janvier 1992 ;
Vu le décret n° 84-617 du 17 juillet 1984 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Le Bihan-Graf, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Pradon, avocat du COMITE FEDERATIF POUR LA MISE A DEUX FOIS DEUX VOIES DE LA NATIONALE 60,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité externe du décret attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-8 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la date du décret attaqué : "La déclaration d'utilité publique d'une opération qui n'est pas compatible avec les dispositions d'un plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé ne peut intervenir que si : - l'enquête publique concernant cette opération ouverte par le représentant de l'Etat dans le département, a porté à la fois sur l'utilité publique de l'opération et sur la mise en compatibilité du plan qui en est la conséquence ; - l'acte déclaratif d'utilité publique est pris après que les dispositions proposées par l'Etat pour assurer la mise en compatibilité du plan ont fait l'objet d'un examen conjoint de l'Etat, de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale, de la région, du département et des organismes mentionnés aux articles L. 121-6 et L. 121-7, et après avis du conseil municipal ou de l'organe délibératif de l'établissement public compétent en la matière. La déclaration d'utilité publique emporte approbation des nouvelles dispositions du plan" ; que l'article R. 123-35-3 du code de l'urbanisme qui fixe la procédure applicable aux enquêtes publiques diligentées en application de l'article L. 123-8 précité du même code, dans sa rédaction alors en vigueur, dispose que cet examen conjoint s'effectue à partir du dossier de mise en compatibilité du plan d'occupation des sols ; qu'en vertu des articles R. 123-16 et R. 123-17, alors en vigueur, du code de l'urbanisme applicables à la fois à la procédure d'élaboration, mais aussi à l'ensemble des procédures de modification, de révision et de mise à jour du plan d'occupation des sols prévues aux articles R. 123-34 à R. 123-36 du code de l'urbanisme, le plan d'occupation des sols est accompagné d'un rapport de présentation ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le dossier de mise en compatibilité des plans d'occupation des sols soumis à enquête publique comportait une notice explicative pour chaque commune précisant l'impact du projet autoroutier envisagé sur les plans d'occupation des sols des communes concernées et les adaptations qu'il était nécessaire d'y apporter ; que, dans ces conditions, les notices explicatives peuvent être regardées comme tenant lieu de rapport de présentation et satisfont ainsi aux obligations prévues par les articles R. 123-16 et R. 123-17 du code de l'urbanisme ;

Considérant que, si le dossier d'enquête doit mettre le public en mesure de connaître le coût réel de l'opération tel qu'il peut être raisonnablement apprécié à la date de l'enquête, cela n'implique pas que l'estimation précise le coût de chaque ouvrage ; que l'appréciation sommaire des dépenses aux conditions économiques de mars 1996 figurant au dossier comporte le coût des acquisitions foncières, pour un montant global de 108 millions de francs établi après consultation du service des domaines, et celui des travaux principaux et annexes et des études, pour un montant global de 3 549 millions de francs ; qu'ainsi l'appréciation sommaire des dépenses, qui comprend notamment, contrairement à ce que soutient le comité requérant, les dépenses entraînées par les projets de raccordement au réseau routier, figurait au dossier, conformément aux dispositions du 5° de l'article R. 11-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Considérant que le projet dont s'agit ayant le caractère de grand projet d'infrastructure de transport au sens du décret susvisé du 17 juillet 1984, le dossier d'enquête préalable devait comprendre le dossier d'évaluation prévu à l'article 4 dudit décret ; que la partie "F" du dossier contient l'évaluation prévue par ledit article 4 et comporte une analyse de la situation actuelle dans la zone concernée, notamment en matière de démographie, d'emploi, d'activités dominantes, de logements et de transports ; qu'après avoir présenté de manière détaillée le projet, elle étudie ses effets sur les conditions de transports et le milieu socio-économique, dresse un bilan économique du projet pour la collectivité et étudie sa rentabilité, les conditions de réalisation de l'exploitation et le bilan financier pour le concessionnaire ; qu'enfin, elle expose les motifs pour lesquels le projet a été retenu ; que cette évaluation, complète et détaillée, comporte ainsi l'ensemble des informations requises par les dispositions de l'article 4 du décret du 17 juillet 1984 ;
Considérant que la circonstance que le dossier de modification des plans d'occupation des sols n'ait pas été déposé pour consultation au siège du district de Montargis est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie dès lors que ledit dossier a été déposé dans les mairies des trois communes membres du district de Montargis ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 11-4 du code de l'expropriation : "Le préfet désigne par arrêté un commissaire-enquêteur ... Le même arrêté précise : - 1°) L'objet de l'enquête, la date à laquelle celle-ci sera ouverte et sa durée qui ne peut être inférieure à quinze jours ..." ; que l'arrêté inter-préfectoral des préfets du Loiret et de l'Yonne en date du 2 janvier 1997 prescrivant l'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique prévoyait que le dossier serait déposé dans les mairies des dix-huit communes concernées par l'opération projetée et que l'enquête se déroulerait du lundi 27 janvier 1997 au vendredi 28 février 1997 ; que la circonstance que la mairie de La Selle-sur-le-Bied n'ait été ouverte qu'une heure par jour pendant six jours consécutifs au cours de cette période n'est pas de nature à affecter la régularité de l'enquête, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette fermeture ait empêché les personnes intéressées par l'enquête de présenter leurs observations pendant au moins quinze jours ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article R. 11-10 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique que, si la commission d'enquête doit examiner les observations consignées au registre, elle n'est pas tenue de répondre à chacune des observations qui lui sont soumises ;
Considérant qu'en faisant valoir les raisons qui lui paraissent justifier l'utilité publique de la déviation projetée, après avoir précisément analysé les observations recueillies, sans ignorer les oppositions au projet, et, chaque fois que nécessaire, explicité dans son rapport les raisons de ses choix, la commission d'enquête a suffisamment motivé ses conclusions conformément aux prescriptions de l'article R. 11-11 dudit code ;
Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait que le projet de construction d'une autoroute fût soumis à un débat préalable à l'enquête d'utilité publique ;
Considérant qu'un tel projet, qui ne constitue pas une action ou une opération d'aménagement au sens des dispositions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, n'avait pas à être soumis à la procédure de concertation prévue à l'article L. 300-2 du même code ; qu'au demeurant, l'utilité comparée du projet d'autoroute et du projet de la mise à deux fois deux voies de la RN 60 a pu être débattue dans le cadre de l'enquête publique ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'aucune solution alternative au projet autoroutier n'aurait été soumise à une concertation publique ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les services chargés des sites ainsi que ceux chargés du domaine, les commissions départementales des structures agricoles et les chambres d'agriculture des départements du Loiret et de l'Yonne ont été régulièrement consultés ; qu'ainsi le moyen tiré du défaut desdites consultations manque en fait ;
Considérant que l'association requérante ne saurait utilement invoquer la méconnaissance des dispositions des articles L. 123-2 et R. 123-1 du code de la voirie routière relatifs au déclassement d'une route, aucun déclassement de la partie de la voie publique empruntée par la future autoroute n'étant prévu ;

Considérant d'une part que la procédure d'autorisation des "installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter atteinte gravement à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique", prévue au III de l'article 10 de la loi susvisée du 3 janvier 1992 et la déclaration d'utilité publique résultent de la mise en oeuvre de procédures indépendantes, et que la déclaration d'utilité publique ne vaut pas autorisation au titre de l'article 10 de la loi du 3 janvier 1992, lorsqu'une telle autorisation est requise ; que, d'autre part, aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit que l'intervention de la déclaration d'utilité publique est subordonnée à la réalisation de l'enquête hydraulique prévue au IV de l'article 10 de la loi du 3 janvier 1992, lorsqu'une telle autorisation est requise ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait irrégulier faute d'avoir été précédé de ladite enquête ne peut qu'être écarté ;
Sur la légalité interne du décret attaqué :
Considérant que si le comité requérant soutient que les dispositions de l'article 14 de la loi du 30 décembre 1982 susvisée ont été méconnues, il ne ressort pas des pièces du dossier que le gouvernement ait commis, en prenant le décret attaqué, une erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne le respect, par le projet en cause, de l'objectif, fixé par l'article 14 de cette loi, d'assurer le service public des transports dans les conditions économiques et sociales les plus avantageuses pour la collectivité ;
Considérant qu'une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;
Considérant que le projet de construction de l'autoroute A 19 entre Courtenay et Artenay a pour objet d'établir une liaison Est-Ouest continue entre l'A 5, l'A 6 et l'A 10 permettant des relations directes entre l'Ouest et le Sud-Ouest de la France, d'une part, et l'Allemagne, la Belgique, le Luxembourg et le Nord-Est de la France d'autre part dans de meilleures conditions de circulation que celles qui résulteraient de la mise à deux fois deux voies de la RN 60 ; que cette opération, qui s'intègre également dans un projet de grand contournement par le Sud du Bassin parisien revêt un caractère d'utilité publique ; que si elle comporte certains inconvénients, notamment pour les riverains de l'ouvrage et pour l'environnement, ils ont pu être limités, par des mesures visant à réduire les nuisances sonores et par divers aménagements ; qu'ainsi, eu égard tant à l'objectif de l'opération qu'aux précautions prises, ni les inconvénients du projet ni son coût, quelles que soient les conditions financières de la réalisation et de l'exploitation de l'ouvrage, ne sont d'une importance telle qu'ils aient pour effet de retirer à l'opération son caractère d'utilité publique ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association requérante n'est pas fondée à demander l'annulation du décret du 21 août 1998 déclarant d'utilité publique les travaux de construction de l'autoroute A 19 Artenay-Courtenay et portant mise en compatibilité des plans d'occupation des sols de communes du département du Loiret ;
Article 1er : La requête du COMITE FEDERATIF POUR LA MISE A DEUX FOIS DEUX VOIES DE LA NATIONALE 60 est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au COMITE FEDERATIF POUR LA MISE A DEUX FOIS DEUX VOIES DE LA NATIONALE 60 et au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.


Synthèse
Formation : 5 / 7 ssr
Numéro d'arrêt : 200294
Date de la décision : 22/11/2002
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

68-01-01-01-02 URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PLANS D'AMENAGEMENT ET D'URBANISME - PLANS D'OCCUPATION DES SOLS - LEGALITE DES PLANS - MODIFICATION ET REVISION DES PLANS - Rapport de présentation du plan d'occupation des sols - Présence obligatoire dans le dossier de mise en compatibilité du plan d'occupation des sols constitué à l'occasion d'une déclaration d'utilité publique portant mise en compatibilité - Existence.

68-01-01-01-02 Les dispositions alors en vigueur des articles R. 123-16 et R. 123-17 du code de l'urbanisme selon lesquelles le plan d'occupation des sols est accompagné d'un rapport de présentation, sont applicables à la fois à la procédure d'élaboration, mais aussi à l'ensemble des procédures de modification, de révision et de mise à jour du plan d'occupation des sols prévues aux articles R. 123-34 à R. 123-36 du code de l'urbanisme. Un tel rapport doit donc figurer dans le dossier de mise en compatibilité des plans d'occupation des sols soumis à enquête publique dans le cadre d'une déclaration d'utilité publique portant mise en compatibilité des plans d'occupation des sols.


Références :

Arrêté du 02 janvier 1997
Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique R11-5, R11-4, R11-10, R11-11
Code de l'urbanisme L123-8, R123-35-3, R123-34 à R123-36, R123-16, R123-17, L300-1, L300-2
Code de la voirie routière L123-2, R123-1
Décret du 21 août 1998 décision attaquée confirmation
Décret 84-617 du 17 juillet 1984 art. 4
Loi du 03 janvier 1992 art. 10
Loi 82-1153 du 30 décembre 1982 art. 14


Publications
Proposition de citation : CE, 22 nov. 2002, n° 200294
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Lasserre
Rapporteur ?: Mme Le Bihan-Graf
Rapporteur public ?: M. Chauvaux

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:200294.20021122
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