Vu la requête, enregistrée le 17 mai 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 12 mars 2001 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 6 juin 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle Muy Ly X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mlle X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Landais, Auditeur,
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : " Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (.) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (.) " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle X..., de nationalité cambodgienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 11 août 1999, de la décision du 10 août 1999 par laquelle le PREFET DE POLICE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'elle se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier que, si Mlle X..., âgée de quarante-trois ans, est célibataire et sans enfant, elle est entrée en France en septembre 1997 pour rejoindre sa mère, qui y a obtenu le statut de réfugiée et chez qui elle demeure, ainsi que son frère, de nationalité française, et sa soeur, qui a elle-même acquis la nationalité française après avoir bénéficié avec son mari et ses enfants du statut de réfugiés ; qu'il n'est pas sérieusement contesté que le père et les deux autres soeurs de Mlle X... ont disparu lors des persécutions organisées par les Khmers rouges ; que, dès lors, dans les circonstances de l'espèce et eu égard notamment à l'absence d'attaches familiales conservées dans son pays d'origine, l'arrêté du 6 juin 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle X... a porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise et méconnaît, par suite, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 6 juin 2000 ;
Article 1er : La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à Mlle Muy Ly X... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.