La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/11/2002 | FRANCE | N°241113

France | France, Conseil d'État, 1 ss, 29 novembre 2002, 241113


Vu la requête, enregistrée le 17 décembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE ; le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 27 septembre 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 19 juin 2001 décidant la reconduite à la frontière de M. Djilali X... ainsi que la décision du même jour fixant le pays de destination ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces deux décisions ;
Vu les autres pièc

es du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homm...

Vu la requête, enregistrée le 17 décembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE ; le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 27 septembre 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 19 juin 2001 décidant la reconduite à la frontière de M. Djilali X... ainsi que la décision du même jour fixant le pays de destination ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces deux décisions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée ;
Vu le décret n° 98-503 du 23 juin 1998 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Landais, Auditeur ;
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : " Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (.) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (.) " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 23 février 2001, de la décision du 20 février 2001 du PREFET DES HAUTS-DE-SEINE lui refusant, en conséquence de la décision en date du 12 décembre 2000 du ministre de l'intérieur rejetant sa demande d'asile territorial, la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas visé au 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'il ressort de l'acte de notification de l'arrêté du 19 juin 2001 du PREFET DES HAUTS-DE-SEINE ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... que ce dernier pourra être reconduit dans son pays d'origine ; que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé, pour annuler l'arrêté litigieux, sur le moyen tiré par M. X... des risques pour sa vie et sa sécurité qu'il courrait en cas de retour dans son pays d'origine ; que, toutefois, un tel moyen est inopérant à l'encontre d'une mesure de reconduite à la frontière ; que, par suite, c'est à tort que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce moyen pour annuler l'arrêté attaqué, en tant qu'il ordonne la reconduite à la frontière de M. X... ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... ;
Sur l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière :
En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté
Considérant que M. Pierre-André Y..., signataire de la décision attaquée, avait été habilité, par un arrêté du 30 octobre 2000 régulièrement publié, à signer notamment les arrêtés de reconduite à la frontière ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté litigieux doit être écarté ;
Considérant que l'arrêté du 19 juin 2001, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision de reconduite à la frontière, est suffisamment motivé ;
En ce qui concerne l'exception d'illégalité du refus d'asile territorial :

Considérant que si, à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté prononçant sa reconduite à la frontière, M. X... invoque l'illégalité de la décision du 12 décembre 2000 du ministre de l'intérieur lui refusant l'asile territorial, il doit être regardé comme excipant également de la décision préfectorale lui refusant un titre de séjour, fondée notamment sur le refus d'asile territorial, qui n'est pas devenue définitive ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Pierre Z..., qui a signé le refus d'asile territorial contesté, bénéficiait, par un arrêté du 20 octobre 2000 régulièrement publié, d'une délégation de signature à l'effet de signer notamment les décisions relatives à l'asile territorial ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision litigieuse ne peut donc être accueilli ;
Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la loi du 25 juillet 1952 : " Dans des conditions compatibles avec les intérêts du pays, l'asile territorial peut être accordé par le ministre de l'intérieur après consultation du ministre des affaires étrangères à un étranger si celui-ci établit que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales " ; qu'aux termes de l'article 2 du décret du 23 juin 1998 pris pour l'application de cette disposition : " L'étranger est entendu en préfecture au jour que lui a fixé la convocation. (.) L'audition donne lieu à un compte-rendu écrit " ; qu'aux termes de l'article 3 du même décret : " Le préfet transmet au ministre de l'intérieur le dossier de la demande, comportant (.) son avis motivé. Avant de statuer, le ministre de l'intérieur transmet la copie (à) du compte-rendu mentionné à l'article 2 au ministre des affaires étrangères, qui lui communique son avis dans les meilleurs délais " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... a été reçu le 25 février 2000 à la préfecture des Hauts-de-Seine où il a été procédé à son audition ; que le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE et le ministre des affaires étrangères ont communiqué au ministre de l'intérieur leur avis sur la demande d'asile territorial formée par l'intéressé ; qu'ainsi, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que la décision du 12 décembre 2000 rejetant cette demande serait intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière ;

Considérant que M. X... soutient que ses activités militantes au sein du rassemblement pour la culture et la démocratie et pour la défense des droits culturels de la communauté berbère l'ont exposé à des menaces de mort du groupe islamique armé ; qu'il fait valoir qu'étant ami du chanteur Matoub Lounès, il a activement participé à l'organisation des manifestations qui ont suivi en Algérie l'assassinat de celui-ci et qu'il s'est impliqué dans la construction du monument à la mémoire du chanteur ; qu'il soutient qu'il a dû quitter son emploi et fuir son pays compte tenu des menaces pesant sur sa vie ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard, notamment, au caractère peu circonstancié des attestations produites et au fait que l'intéressé est retourné plusieurs fois en Algérie depuis sa première entrée en France en octobre 1999, que le ministre de l'intérieur ait commis une erreur manifeste d'appréciation en lui refusant l'asile territorial ;
En ce qui concerne l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour :
Considérant que, par un arrêté du 30 octobre 2000, régulièrement publié, le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE a donné à Mme Nathalie A... délégation pour signer notamment les décisions de refus de séjour des étrangers ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que Mme A... n'aurait pas été compétente pour signer la décision litigieuse doit être écarté ;
Considérant que la décision du 20 février 2001 refusant un certificat de résidence à M. X... comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en sont le fondement ; qu'elle est, ainsi, suffisamment motivée ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 ter de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : " (.) la carte de séjour temporaire prévue à l'article 12 bis est délivrée de plein droit à l'étranger qui a obtenu l'asile territorial en application de l'article 13 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 (.) " ; que, contrairement à ce que soutient M. X... et pour les motifs indiqués précédemment, le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE n'a pas méconnu ces dispositions en refusant la délivrance d'un titre de séjour à l'intéressé ;
Considérant que si M. X..., qui est célibataire et sans enfant, fait valoir qu'il a un frère en France, il ressort des pièces du dossier que ses parents et le reste de sa fratrie résident en Algérie ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions du séjour de l'intéressé en France, la décision de refus de titre de séjour n'a pas porté atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale, tel qu'il est garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que cette décision n'a pas davantage méconnu les dispositions du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
En ce qui concerne les autres moyens :

Considérant que, contrairement à ce que soutient M. X..., le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE n'était pas tenu de prendre, concomitamment à l'arrêté de reconduite à la frontière, la décision fixant le pays de destination ; qu'en tout état de cause, l'existence d'une décision concomitante résulte des mentions figurant dans l'acte de notification dudit arrêté ;
Considérant que, pour les motifs ci-dessus énoncés, le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE n'a pas, en ordonnant le 19 juin 2001 la reconduite de M. X... à la frontière, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans son appréciation des conséquences de la mesure sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du PREFET DES HAUTS-DE-SEINE du 19 juin 2001 ordonnant sa reconduite à la frontière ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que M. X... n'est pas fondé à soutenir qu'en prévoyant qu'il pourra être reconduit dans son pays d'origine, la décision contestée aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 19 juin 2001 fixant l'Algérie comme pays de renvoi ;
Sur les conclusions incidentes à fin d'injonction :
Considérant que la présente décision, qui rejette la demande de première instance de M. X..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer sous astreinte un titre de séjour, doivent, dès lors, être rejetées ;
Sur les conclusions de M. X... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à M. X... la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du 27 septembre 2001 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DES HAUTS-DE-SEINE, à M. Djilali X... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 1 ss
Numéro d'arrêt : 241113
Date de la décision : 29/11/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 20 octobre 2000
Arrêté du 30 octobre 2000
Arrêté du 12 décembre 2000
Arrêté du 19 juin 2001
Code de justice administrative L761-1
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 3, art. 8
Décret 98-503 du 23 juin 1998 art. 2, art. 3, art. 12 bis
Loi 52-893 du 25 juillet 1952 art. 13
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 12 ter, art. 12 bis


Publications
Proposition de citation : CE, 29 nov. 2002, n° 241113
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mlle Landais
Rapporteur public ?: M. Stahl

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:241113.20021129
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award