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04/12/2002 | FRANCE | N°241042

France | France, Conseil d'État, 1ere et 2eme sous-sections reunies, 04 décembre 2002, 241042


Vu la requête, enregistrée le 14 décembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Norbert X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 9 août 2001 de la commission centrale d'aide sociale rejetant pour irrecevabilité sa demande tendant à l'annulation des décisions du 24 septembre 1998 de la commission départementale d'aide sociale du Var et du 24 mars 1998 de la commission d'admission à l'aide sociale du Luc décidant à son encontre d'une récupération sur donation de 364 000 F ;

2°) de condamner

le département du Var à lui verser une somme de 10 000 F (1 524,49 euros) en ...

Vu la requête, enregistrée le 14 décembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Norbert X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 9 août 2001 de la commission centrale d'aide sociale rejetant pour irrecevabilité sa demande tendant à l'annulation des décisions du 24 septembre 1998 de la commission départementale d'aide sociale du Var et du 24 mars 1998 de la commission d'admission à l'aide sociale du Luc décidant à son encontre d'une récupération sur donation de 364 000 F ;

2°) de condamner le département du Var à lui verser une somme de 10 000 F (1 524,49 euros) en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la famille et de l'aide sociale ;

Vu la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 ;

Vu le décret n° 61-495 du 15 mai 1961 modifiant certaines dispositions des titres III et IV du code de la famille et de l'aide sociale et du décret n° 59-143 du 7 janvier 1959 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Landais, Auditeur,

- les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat de M. X,

- les conclusions de Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de cassation ;

Considérant que l'appel formé par un requérant devant la commission centrale d'aide sociale, juridiction administrative devant laquelle la procédure revêt un caractère essentiellement écrit, doit, sous peine d'irrecevabilité, être assorti d'un exposé écrit des moyens invoqués ; que la commission centrale peut, dès lors, rejeter pour défaut de motivation un appel lorsque le requérant, invité préalablement à régulariser sa requête, s'est abstenu de le faire ; qu'en revanche, en l'absence de texte précisant les modalités de saisine de la commission centrale d'aide sociale, la motivation écrite peut être régulièrement exposée après l'expiration du délai de recours ; que, par suite, en jugeant que l'appel de M. Norbert X n'avait pu être régularisé par le mémoire motivé enregistré après l'expiration du délai d'appel, la commission centrale d'aide sociale a commis une erreur de droit ; que, dès lors, sa décision du 9 août 2001 doit être annulée ;

Considérant qu'il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant que, d'après le premier alinéa de l'article 146 du code de la famille et de l'aide sociale relatif à la récupération des allocations d'aide sociale, alors applicable, des recours peuvent être exercés par le département dans les hypothèses suivantes : a) Contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire ; b) Contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d'aide sociale ou dans les cinq ans qui ont précédé cette demande ; c) Contre le légataire (...) ;

Considérant que, pour l'application de ces dispositions, il appartient aux juridictions de l'aide sociale, eu égard tant à la finalité de leur intervention qu'à leur qualité de juges de plein contentieux, de se prononcer elles-mêmes sur le bien-fondé de l'action engagée par la collectivité publique d'après l'ensemble des circonstances de fait dont il est justifié par les parties à la date à laquelle elles statuent ; qu'elles ont la faculté, en fonction des circonstances particulières de chaque espèce, d'aménager les modalités de cette récupération et, le cas échéant, d'en reporter les effets dans le temps ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par acte notarié du 11 février 1991, M. Raymond La Rosa, qui était bénéficiaire de l'allocation compensatrice pour tierce personne depuis le mois d'avril 1979, a consenti à son fils, M. Norbert X, une donation de la moitié de la nue-propriété d'une maison située à Luc en Provence ;

Considérant, en premier lieu, que le seuil de 250 000 F fixé à l'article 4-1 du décret du 15 mai 1961 s'applique aux seuls cas de récupération sur succession des sommes versées au titre de l'aide sociale ; qu'ainsi, il est sans incidence en matière de récupération sur donation ;

Considérant, en deuxième lieu, que les actions en récupération des avances versées au titre de l'aide sociale ne figurent pas au nombre de celles pour lesquelles l'article 2277 du code civil prévoit une prescription de cinq ans ; que, par suite, l'action en récupération de ces sommes se prescrit par trente ans, conformément aux dispositions de l'article 2262 du code civil ; qu'ainsi, le département n'était pas tenu de limiter la récupération aux sommes versées après le 1er février 1993 ;

Considérant, enfin, que l'article L. 146 précité du code de la famille et de l'aide sociale autorisait le département du Var à procéder à la récupération des prestations sociales versées à M. Raymond La Rosa auprès de son fils donataire ; que ce dernier ne fournit aucun élément sur sa situation financière et n'allègue d'aucune circonstance particulière qui justifierait une réduction du montant de la récupération ; que, toutefois, la donation litigieuse, d'un montant de 360 000 F (54 881,65 euros) représentait un avancement d'hoirie, était assortie d'une clause d'inaliénabilité et ne prévoyait l'entrée en jouissance du bien qu'à compter du décès du dernier parent survivant de M. Norbert X ; que, par suite, et dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de maintenir la récupération décidée par le département du Var tout en en reportant les effets à la date du décès du dernier survivant des deux parents du requérant et de réformer dans cette mesure la décision de la commission départementale d'aide sociale ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions précitées et de condamner le département du Var à verser à M. Norbert X la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 9 août 2001 de la commission centrale d'aide sociale est annulée.

Article 2 : Le département du Var est autorisé à procéder à la récupération des sommes exposées au titre de l'aide sociale attribuée à M. Raymond La Rosa sur la donation consentie à M. Norbert X à hauteur de 54 881,65 euros.

Article 3 : La récupération autorisée par l'article précédent est reportée jusqu'au décès du dernier parent vivant de M. Norbert X.

Article 4 : La décision de la commission départementale d'aide sociale du Var en date du 24 septembre 1998 statuant sur le litige opposant M. Norbert X au département du Var est réformée en ce qu'elle a de contraire aux articles 2 et 3 de la présente décision.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Norbert X devant le Conseil d'Etat et devant la commission centrale d'aide sociale est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Norbert X, au département du Var et au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.


Synthèse
Formation : 1ere et 2eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 241042
Date de la décision : 04/12/2002
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

AIDE SOCIALE - CONTENTIEUX DE L'AIDE SOCIALE - CONTENTIEUX DE L'ADMISSION À L'AIDE SOCIALE - COMMISSION CENTRALE D'AIDE SOCIALE - NÉCESSITÉ POUR L'APPEL D'ÊTRE ASSORTI D'UN EXPOSÉ ÉCRIT DES MOYENS INVOQUÉS - POSSIBILITÉ DE RÉGULARISATION - EXISTENCE - Y COMPRIS APRÈS L'EXPIRATION DU DÉLAI DE RECOURS - EN L'ABSENCE DE TEXTE PRÉCISANT LES MODALITÉS DE SAISINE DE LA COMMISSION.

04-04-01-01 L'appel formé devant la commission centrale d'aide sociale, juridiction administrative devant laquelle la procédure revêt un caractère essentiellement écrit, doit, sous peine d'irrecevabilité, être assorti d'un exposé écrit des moyens invoqués. Si la commission peut, dès lors, rejeter pour défaut de motivation un appel lorsque le requérant, invité préalablement à régulariser sa requête, s'est abstenu de le faire, en revanche, la motivation écrite peut être, en l'absence de texte précisant les modalités de saisine de la commission, régulièrement exposée après l'expiration du délai de recours.

PROCÉDURE - VOIES DE RECOURS - APPEL - APPEL FORMÉ DEVANT LA COMMISSION CENTRALE D'AIDE SOCIALE - NÉCESSITÉ D'UN EXPOSÉ ÉCRIT DES MOYENS INVOQUÉS - POSSIBILITÉ DE RÉGULARISATION - EXISTENCE - Y COMPRIS APRÈS L'EXPIRATION DU DÉLAI DE RECOURS - EN L'ABSENCE DE TEXTE PRÉCISANT LES MODALITÉS DE SAISINE DE LA COMMISSION.

54-08-01 L'appel formé devant la commission centrale d'aide sociale, juridiction administrative devant laquelle la procédure revêt un caractère essentiellement écrit, doit, sous peine d'irrecevabilité, être assorti d'un exposé écrit des moyens invoqués. Si la commission peut, dès lors, rejeter pour défaut de motivation un appel lorsque le requérant, invité préalablement à régulariser sa requête, s'est abstenu de le faire, en revanche, la motivation écrite peut être, en l'absence de texte précisant les modalités de saisine de la commission, régulièrement exposée après l'expiration du délai de recours.


Références :



Publications
Proposition de citation : CE, 04 déc. 2002, n° 241042
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: Mme Claire Landais
Rapporteur public ?: Mlle Fombeur
Avocat(s) : SCP COUTARD, MAYER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:241042.20021204
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