La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/12/2002 | FRANCE | N°200991

France | France, Conseil d'État, 6 / 4 ssr, 06 décembre 2002, 200991


Vu la requête, enregistrée le 28 octobre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mlle Nzuzi X..., ayant élu domicile chez Maître Roques 9, rue du Général de Larminat à Créteil (94000) ; Mlle X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite du ministre des affaires étrangères confirmant le refus implicite du consul général de France à Kinshasa au Zaïre de lui délivrer un visa de long séjour ;
2°) d'enjoindre à l'administration de lui délivrer un visa dans le délai de huit jours à compter de

la décision à intervenir, sous astreinte de 1 000 F par jour de retard, en appli...

Vu la requête, enregistrée le 28 octobre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mlle Nzuzi X..., ayant élu domicile chez Maître Roques 9, rue du Général de Larminat à Créteil (94000) ; Mlle X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite du ministre des affaires étrangères confirmant le refus implicite du consul général de France à Kinshasa au Zaïre de lui délivrer un visa de long séjour ;
2°) d'enjoindre à l'administration de lui délivrer un visa dans le délai de huit jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 1 000 F par jour de retard, en application des articles L. 8-2 et L. 8-3 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 000 F en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 modifiée par la loi n° 95-125 du 8 février 1995 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Keller, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le ministre des affaires étrangères, saisi, le 27 avril 1998, d'un recours hiérarchique dirigé contre la décision du consul général de France à Kinshasa refusant un visa d'entrée en France à Mlle X..., a confirmé ce refus par une décision implicite de rejet ;
Considérant que l'article 5 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour en France dispose, dans sa rédaction issue de la loi du 11 mai 1998 : "1° ( ...) Par dérogation aux dispositions de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, les décisions de refus de visa d'entrée en France, prises par les autorités diplomatiques ou consulaires, ne sont pas motivées sauf dans le cas où le visa est refusé à un étranger appartenant à l'une des catégories suivantes et sous réserve de considérations tenant à la sûreté de l'Etat : ( ...) bénéficiaires d'une autorisation de regroupement familial" ;
Considérant que Mlle X... ayant obtenu le 4 juillet 1997 une autorisation de regroupement familial afin de rejoindre en France ses parents adoptifs, la décision de rejet opposée par le ministre des affaires étrangères à son recours hiérarchique, née après l'entrée en vigueur des dispositions précitées, était au nombre des décisions de refus de visa qui doivent être motivées en application des dispositions législatives précitées ;
Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979 : "Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués" ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mlle X... ait demandé que lui soient communiqués les motifs de la décision du ministre des affaires étrangères ; que, dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que le ministre aurait méconnu l'obligation de motivation qui s'imposait à lui en rejetant son recours par une décision implicite ;
Considérant que, pour refuser à Mlle X... le visa qu'elle demandait, le consul général de France à Kinshasa s'est fondé sur le caractère ténu de ses liens affectifs avec ses parents adoptifs et sur l'absence de validité de son certificat d'adoption ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que l'authenticité de cet acte est reconnue par un jugement du tribunal administratif de Melun du 12 mars 1997 et que Mlle X... n'avait plus d'attaches familiales au Zaïre depuis le décès de ses parents ; qu'il suit de là que le ministre des affaires étrangères a porté au droit de la requérante au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels sa décision a été prise ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle X... est fondée à demander l'annulation de la décision qu'elle attaque au motif que le ministre des affaires étrangères a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant que la présente décision implique nécessairement que le ministre des affaires étrangères accorde à la requérante le visa qu'elle a demandé ; qu'il ne ressort pas de l'instruction qu'à la date de la présente décision, des éléments de droit ou de fait nouveaux justifieraient que le ministre refuse ce visa ; qu'il y a lieu, dès lors, pour le Conseil d'Etat d'enjoindre au ministre d'accorder à Mlle X... le visa demandé dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision ;
Sur les conclusions tendant au remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à verser à Mlle X... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La décision du ministre des affaires étrangères confirmant le refus du consul général de France à Kinshasa de délivrer un visa à Mlle X... est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au ministre des affaires étrangères de délivrer un visa à Mlle X... dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 3 : L'Etat versera à Mlle X... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mlle Nzuzi X... et au ministre des affaires étrangères.


Synthèse
Formation : 6 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 200991
Date de la décision : 06/12/2002
Sens de l'arrêt : Annulation injonction
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

- RJ1 ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - FORME ET PROCEDURE - QUESTIONS GENERALES - MOTIVATION - MOTIVATION OBLIGATOIRE - Article 5 de la loi du 11 juillet 1979 - Champ d'application - Inclusion - Décision implicite de rejet opposée à une demande de visa formulée par une personne appartenant à l'une des catégories mentionnées à l'article 5 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 - dans sa rédaction issue de la loi du 11 mai 1998 (1) - Conséquence - Légalité de la décision dans le cas où l'intéressé n'a pas demandé communication de ses motifs à son auteur - Existence.

01-03-01-02-01, 335-005-01 Il ressort des dispositions de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979 que la décision de rejet née du silence gardé par les autorités consulaires sur une demande de visa formulée par une personne entrant dans une des catégories mentionnées à l'article 5 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dans sa rédaction issue de la loi du 11 mai 1998, n'est pas illégale du seul fait qu'elle est dépourvue de motivation. Par suite, si l'intéressé n'a pas demandé que lui soient communiqués les motifs de la décision du ministre des affaires étrangères, il n'est pas fondé à soutenir que le ministre aurait méconnu l'obligation de motivation qui s'imposait à lui en rejetant son recours par une décision implicite.

- RJ1 ETRANGERS - ENTREE EN FRANCE - VISAS - Article 5 de la loi du 11 juillet 1979 - Champ d'application - Inclusion - Décision implicite de rejet opposée à une demande de visa formulée par une personne appartenant à l'une des catégories mentionnées à l'article 5 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 - dans sa rédaction issue de la loi du 11 mai 1998 (1) - Conséquence - Légalité de la décision dans le cas où l'intéressé n'a pas demandé communication de ses motifs à son auteur - Existence.


Références :

Code de justice administrative L761-1
Loi 79-587 du 11 juillet 1979 art. 5
Loi 98-349 du 11 mai 1998
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 5

1.

Cf. 2002-11-27 M. Tarak, n° 216532, à mentionner aux Tables.


Publications
Proposition de citation : CE, 06 déc. 2002, n° 200991
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Lasserre
Rapporteur ?: M. Keller
Rapporteur public ?: M. Lamy

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:200991.20021206
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award