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06/12/2002 | FRANCE | N°235732

France | France, Conseil d'État, 1 ss, 06 décembre 2002, 235732


Vu la requête, enregistrée le 6 juillet 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 28 mars 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris, faisant droit à la demande de Mlle Djamila X..., a annulé l'arrêté en date du 11 juillet 2000 décidant la reconduite à la frontière de Mlle X... ;
2°) de rejeter la demande de Mlle X... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne

de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accor...

Vu la requête, enregistrée le 6 juillet 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 28 mars 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris, faisant droit à la demande de Mlle Djamila X..., a annulé l'arrêté en date du 11 juillet 2000 décidant la reconduite à la frontière de Mlle X... ;
2°) de rejeter la demande de Mlle X... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme de Salins, Maître des Requêtes-;
- les observations de la SCP Rouvière, Boutet, avocat de Mlle X...,
- les conclusions de Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : " Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (.) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (.) " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle X..., de nationalité algérienne, s'est maintenue plus d'un mois sur le territoire français après la notification, le 7 décembre 1999, de l'arrêté du même jour du PREFET DE POLICE lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire français ; qu'elle se trouvait ainsi dans le cas où, en application des dispositions précitées du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider de la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Considérant que si, à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, qui fixe l'Algérie comme pays de destination, Mlle X..., entrée sur le territoire national en décembre 1992 à l'âge de 28 ans sous couvert de son passeport muni d'un visa touristique, a fait valoir que, depuis son arrivée en France motivée par des menaces pour sa vie, elle vit de façon ininterrompue chez une tante handicapée, qu'elle aide dans sa vie de tous les jours, et est bien intégrée dans la société française et que la décision attaquée compromettrait sa vie privée et familiale, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions du séjour en France de Mlle X..., célibataire et sans enfant dont les parents, frères et soeurs résident toujours en Algérie et qui n'établit pas que sa présence auprès de sa tante serait indispensable à celle-ci, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, cet arrêté n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date de cet arrêté, l'intéressée avait toujours lieu de craindre les menaces pour sa vie liée à la profession d'infirmière qu'elle avait exercée à l'hôpital de Bab El Oued avant son arrivée en France et qui auraient motivé sa venue en France ; que c'est dès lors à tort que, pour annuler l'arrêté attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce qu'il méconnaissait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et était entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mlle X... ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mlle X... devant le tribunal administratif de Paris ;

Considérant, d'une part, qu'ainsi qu'il vient d'être dit, si Mlle X... invoque à l'encontre de la décision, distincte de la mesure d'éloignement et contenue également dans l'arrêté en date du 11 juillet 2000 du PREFET DE POLICE, fixant l'Algérie comme le pays à destination duquel elle sera reconduite, les risques importants qu'elle courrait si elle devait retourner dans son pays du fait de la profession d'infirmière qu'elle y exerçait avant son arrivée en France en 1992 et de la situation en Algérie qui n'aurait pas évolué depuis lors, l'intéressée ne produit à l'appui de ses allégations aucune justification probante sur les risques auxquels elle serait personnellement exposée à la date de l'arrêté et de nature à faire obstacle à sa reconduite à destination de son pays d'origine ; que le moyen tiré de ce que la décision méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut, dès lors, être accueilli ;
Considérant, d'autre part, que si Mlle X... soutient qu'étant médicalement suivie en France, son état de santé ne lui permettrait pas de rentrer en Algérie, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle se trouverait dans l'impossibilité de suivre un traitement approprié à cet état dans son pays, où elle a d'ailleurs été opérée à deux reprises pour la même affection ; qu'ainsi, la mesure de reconduite n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle X... ;
Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris en date du 28 mars 2001 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mlle X... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à Mlle Djamila X... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 11 juillet 2000
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 3, art. 8
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22


Publications
Proposition de citation: CE, 06 déc. 2002, n° 235732
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme de Salins
Rapporteur public ?: Mlle Fombeur

Origine de la décision
Formation : 1 ss
Date de la décision : 06/12/2002
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 235732
Numéro NOR : CETATEXT000008101568 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2002-12-06;235732 ?
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