Vu la requête, enregistrée le 24 janvier 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 22 novembre 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 21 août 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Ammar X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- les conclusions de M. Vallée, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ... 3°) Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., de nationalité tunisienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 24 avril 2001, d'une décision du PREFET DE POLICE en date du 18 avril 2001 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application des dispositions du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le PREFET DE POLICE peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que, lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;
Considérant toutefois qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, M. X... ne justifiait pas de manière probante résider en France depuis plus de dix ans ; que notamment certains des documents produits par M. X... pour apporter la preuve de sa résidence en France depuis plus de dix ans se révèlent être des faux ; que c'est dès lors à tort que le tribunal administratif s'est fondé, pour annuler l'arrêté attaqué, sur ce que le PREFET DE POLICE ne pouvait légalement prendre un arrêté de reconduite à la frontière à l'encontre de M. X... sans méconnaître les dispositions du 3° de l'article 12 bis de l'ordonnance précitée ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Considérant que l'arrêté attaqué énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'il est, par suite, suffisamment motivé ;
Considérant que M. X... n'étant pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement du 3° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, le PREFET DE POLICE n'était pas tenu, en application de l'article 12 quater de l'ordonnance précitée, de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;
Considérant que si, à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, M. X... fait valoir qu'il a créé des liens affectifs et sociaux en France, il ressort des pièces du dossier que son épouse et son enfant résident à l'étranger ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cet arrêté a été pris ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'il méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à demander l'annulation du jugement par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 21 août 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... ;
Article 1er : Le jugement du 22 novembre 2001 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Ammar X... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.