La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/12/2002 | FRANCE | N°244797

France | France, Conseil d'État, 11 décembre 2002, 244797


Vu la requête, enregistrée le 3 avril 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Slimane X..., ; M. X... demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 1er mars 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 janvier 2002 par lequel le préfet de Seine et Marne a décidé sa reconduite à la frontière et fixé le pays à destination duquel il doit être reconduit ;
2°) d'annuler pour excè

s de pouvoir cet arrêté et cette décision ;
3°) de condamner l'Etat à lui ver...

Vu la requête, enregistrée le 3 avril 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Slimane X..., ; M. X... demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 1er mars 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 janvier 2002 par lequel le préfet de Seine et Marne a décidé sa reconduite à la frontière et fixé le pays à destination duquel il doit être reconduit ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté et cette décision ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 F (762,25 euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 776-10 du code de justice administrative applicable aux contentieux des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière : "Les parties doivent être averties par tous moyens de la date, de l'heure et du lieu de l'audience" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté que la convocation à la séance du 1er mars 2002, au cours de laquelle le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Melun a statué sur la demande présentée par M. X... a été adressée non au requérant mais à l'association "Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples", par télécopie en date du 25 février 2002, à charge pour cette association de la transmettre au requérant, dont l'adresse avait pourtant été communiquée au tribunal ; que, contrairement à ce qu'indique le jugement attaqué, l'avis d'audience ne peut être regardé comme ayant été régulièrement notifié ; que M. X... est, dès lors, fondé à soutenir que le jugement attaqué a été pris en méconnaissance des dispositions précitées et à en demander, pour ce motif, l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Considérant qu'aux termes des dispositions du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 28 février 2000, de la décision du préfet de Seine et Marne du 21 février 2000, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Considérant que dans les termes où il est rédigé, l'arrêté de reconduite à la frontière doit être regardé comme comportant une décision distincte fixant l'Algérie comme pays de destination ;
Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ..." ; que ce dernier texte énonce que "Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants" ;

Considérant que si M. X... soutient qu'il a été agressé et menacé par des groupements islamistes armés, notamment en raison de son appartenance au "Groupe de Légitime défense", que les autorités algériennes l'ont, de ce fait, autorisé à porter une arme et que son épouse, venue en France avec leur fils, a elle aussi, déposé une demande d'asile territorial, les pièces qu'il produit ne sont pas suffisamment probantes pour permettre de tenir pour établi qu'il court personnellement des risques en cas de retour dans son pays ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du second alinéa de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'il suit de là que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté et de la décision qu'il attaque ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Melun du 1er mars 2002 est annulé.
Article 2 : La demande de M. X... dirigée contre l'arrêté du préfet de Seine et Marne du 24 janvier 2002 ordonnant sa reconduite à la frontière et la décision distincte du même jour fixant l'Algérie comme pays de destination de la reconduite ainsi que le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Slimane X..., au préfet de Seine-et-Marne et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Code de justice administrative R776-10, L761-1
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 3
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 27 bis


Publications
Proposition de citation: CE, 11 déc. 2002, n° 244797
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur public ?: M. Schwartz

Origine de la décision
Date de la décision : 11/12/2002
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 244797
Numéro NOR : CETATEXT000008131547 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2002-12-11;244797 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award