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11/12/2002 | FRANCE | N°245667

France | France, Conseil d'État, 11 décembre 2002, 245667


Vu la requête enregistrée le 26 avril 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Senada X... épouse Y..., ; Mme X... épouse Y... demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 10 avril 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Jura du 4 avril 2002 ordonnant sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant le pays à destination duquel elle doit être rec

onduite ;
2°) d'annuler ces décisions pour excès de pouvoir ;
Vu les autr...

Vu la requête enregistrée le 26 avril 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Senada X... épouse Y..., ; Mme X... épouse Y... demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 10 avril 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Jura du 4 avril 2002 ordonnant sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant le pays à destination duquel elle doit être reconduite ;
2°) d'annuler ces décisions pour excès de pouvoir ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ...3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)";
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X... épouse Y..., de nationalité yougoslave, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification de la décision du préfet du Jura du 1er mars 2002, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;
Considérant que si Mme X... épouse Y... fait valoir qu'elle est entrée en France en avril 2000 avec son époux et sa fille née en 1999, qu'elle avait précédemment vécu trois ans irrégulièrement en France, que toute sa famille réside régulièrement en France, son père depuis 1973, sa mère et ses frères et soeurs depuis 1991 et que son époux n'a plus de contact avec sa famille dispersée à travers divers pays, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de Mme X... épouse Y... en France, dont l'époux a d'ailleurs également fait l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière, le préfet du Jura, en décidant sa reconduite à la frontière par arrêté en date du 4 avril 2002, n'a pas porté au droit de celle-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'arrêté attaqué sur la situation personnelle de l'intéressée ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : "Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale" ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant que si Mme X... épouse Y... fait valoir que sa fille, née en 1999 dans son pays d'origine, est scolarisée en France, qu'elle a commencé à acquérir la langue et la culture française et qu'un retour dans son pays d'origine, serait susceptible de nuire à son épanouissement, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intérêt supérieur de l'enfant n'ait pas été pris en compte dans la décision du 4 avril 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de l'intéressée ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la violation de l'article 3-1 de la convention des droits de l'enfant sus-visée doit être écarté ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
Considérant qu'en fixant, dans l'arrêté de reconduite à la frontière, l'ex-Yougoslavie comme pays de renvoi, le préfet du Jura a entendu viser l'Etat de la République fédérale de Yougoslavie dont la requérante a la nationalité ; que si Mme X... épouse Y..., soutient, qu'appartenant à la communauté musulmane de Sandjak en Serbie, elle craint de faire l'objet de persécutions de la part des autorités de son pays d'origine, l'intéressée, dont la demande d'admission au statut de réfugié a d'ailleurs été rejetée par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 6 août 2001, confirmée par la commission des recours des réfugiés le 14 février 2002 ne fournit aucune précision ni justification à l'appui de ses allégations ; que par suite le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X... épouse Y... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ;
Article 1er : La requête de Mme X... épouse Y... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Senada X... épouse Y..., au préfet du Jura et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 04 avril 2002
Convention du 26 janvier 1990 New-York droits de l'enfant art. 3-1
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 3, art. 8
Décret 90-917 du 08 octobre 1990
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22


Publications
Proposition de citation: CE, 11 déc. 2002, n° 245667
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur public ?: M. Lamy

Origine de la décision
Date de la décision : 11/12/2002
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 245667
Numéro NOR : CETATEXT000008135518 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2002-12-11;245667 ?
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