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30/12/2002 | FRANCE | N°215459

France | France, Conseil d'État, 3 / 8 ssr, 30 décembre 2002, 215459


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 décembre 1999 et 12 avril 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Claudette X..., et pour Mme Françoise Y..., ; Mme X... et Mme Y... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 98LY01879 du 20 octobre 1999 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté leur demande tendant à la réformation du jugement du 1er juillet 1998 du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a rejeté la demande de la succession de M. et Mme Y... tendant à la décharg

e de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 décembre 1999 et 12 avril 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Claudette X..., et pour Mme Françoise Y..., ; Mme X... et Mme Y... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 98LY01879 du 20 octobre 1999 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté leur demande tendant à la réformation du jugement du 1er juillet 1998 du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a rejeté la demande de la succession de M. et Mme Y... tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle ceux-ci ont été assujettis au titre de l'année 1988 dans les rôles de la commune de Grenoble (Isère) ainsi que des pénalités dont elle a été assortie, et à la décharge du prélèvement social de 1 % afférent à cette imposition ;
2°) de condamner l'Etat à verser aux requérantes la somme de 30 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédure fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Verclytte, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Balat, avocat de Mme Claudette X... et Mme Françoise Y...,
- les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite de la décision de l'assemblée générale du 30 novembre 1988, par laquelle la SA Progim a transféré son siège social de Grenoble en Polynésie française, les services fiscaux ont, en application des dispositions du 2 de l'article 221 du code général des impôts, estimé qu'une telle opération constituait un transfert à l'étranger rendant les bénéfices de la période allant du 1er janvier au 30 novembre 1988 immédiatement imposables et que l'intégralité desdits bénéfices et des réserves devait être considérée comme un revenu réputé distribué aux associés en application de l'article 111 bis du même code, à concurrence de leur participation respective dans le capital de la société ; que M. et Mme Y... ont été imposés à raison de la détention de 1056 actions de la SA Progim ; que Mmes X... ET Y..., co-héritières de M. et Mme Y..., demandent l'annulation de l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle ceux-ci ont été assujettis au titre de l'année 1988 ainsi que les pénalités dont elle a été assortie, et à la décharge du prélèvement social de 1 % afférent à cette imposition ;
Sur le moyen relatif au bien-fondé de l'impôt :
Considérant qu'aux termes du 2 de l'article 221 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en 1988 : "En cas de dissolution, de transformation entraînant la création d'un être moral nouveau, d'apport en société, de fusion, de transfert du siège social ou d'un établissement à l'étranger, l'impôt sur les sociétés est établi dans les conditions prévues aux 1et 3 de l'article 201 ( ...)" ; qu'aux termes de l'article 201 du même code : "1- Dans le cas de cession ou de cessation, en totalité ou en partie, d'une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou minière ( ...) l'impôt sur le revenu dû en raison des bénéfices réalisés dans cette entreprise ou exploitation et qui n'ont pas encore été imposés est immédiatement établi" ; qu'aux termes de l'article 111 bis du même code : "lorsqu'une personne morale soumise à l'impôt sur les sociétés cesse d'y être assujettie, ses bénéfices et réserves, capitalisés ou non, sont réputés distribués aux associés en proportion de leurs droits" ;

Considérant que le transfert du siège d'une société dans le territoire de la Polynésie française, où les règles de l'impôt sur les sociétés ne sont pas fixées par le code général des impôts, relève des dispositions du 2 de l'article 221 du code général des impôts ; que la Cour administrative d'appel n'a donc pas commis d'erreur de droit en jugeant que le transfert à Papeete du siège social de la SA Progim, le 30 novembre 1988, devait être regardé comme un transfert à l'étranger et en en déduisant, d'une part, le bien-fondé de l'imposition immédiate des bénéfices de la période allant du 1er janvier au 30 novembre et, d'autre part, que l'intégralité des bénéfices et des réserves de la société devait être réputée distribuée aux associés, en application de l'article 111 bis du même code, à concurrence de leur participation respective dans le capital de la société ;
Sur le nombre de parts dont M. Y... disposait lors du transfert en Polynésie de la S.A. Progim :
Considérant qu'en jugeant qu'en l'absence de tout document ayant acquis date certaine avant le 23 décembre 1988, la preuve n'était pas apportée par M. Y... qu'il n'était plus détenteur, au 30 novembre 1988, que d'une seule action de la SA Progim, la cour administrative d'appel de Lyon a, sans les dénaturer, souverainement apprécié les pièces du dossier et n'a commis aucune erreur de droit ;
Sur le montant des bénéfices et réserves réputés distribués :
Considérant qu'en estimant que les requérantes n'apportaient aucun élément de nature à démontrer le caractère exagéré de l'évaluation par l'administration du montant des bénéfices et réserves réputés distribués aux associés de la SA Progim, la cour administrative d'appel de Lyon, qui a suffisamment motivé sa décision, n'a pas méconnu les règles régissant la charge de la preuve et a souverainement apprécié, sans les dénaturer, les pièces du dossier ;
Sur l'imputation de l'impôt sur les sociétés :

Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : "Les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés peuvent, dans la mesure où le bénéfice correspondant aux redressements est considéré comme distribué, par application des articles 109 et suivants du code général des impôts, à des associés ou actionnaires dont le domicile ou le siège est situé en France, demander que l'impôt sur le revenu supplémentaire dû par les bénéficiaires en raison de cette distribution soit établi sur le montant du rehaussement soumis à l'impôt sur les sociétés diminué du montant de ce dernier impôt" ; que ces dispositions ne visent que les sommes réputées distribuées en conséquence d'un rehaussement des bénéfices déclarés par une société ; que pour écarter les prétentions des requérants tendant à ce que l'impôt sur les sociétés dû par la S.A. Progim soit déduit des sommes réputées leur avoir été distribuées en vertu de l'article 111 bis du code général des impôts, la cour s'est bornée à relever que la demande de cette imputation n'avait pas été faite dans les conditions prévues par l'article L. 77, sans rechercher dans quelle mesure les distributions réputées faites aux associés étaient la conséquence d'un rehaussement des bénéfices de la S.A. Progim ; que la cour administrative d'appel de Lyon a donc commis une erreur de droit ; que, dès lors, son arrêt doit être annulé en tant qu'il a statué sur l'imputation de l'impôt sur les sociétés ;
Sur le droit à un avoir fiscal :
Considérant qu'il résulte des dispositions des articles 158 bis et 158 ter du code général des impôts que l'avoir fiscal est exclusivement attaché aux produits distribués par une société à ses associés à titre de dividendes, en vertu d'une décision prise par l'assemblée générale de ses actionnaires ou porteurs de parts, dans les conditions prévues par la loi du 24 juillet 1996, modifiée, sur les sociétés commerciales ; que la cour administrative d'appel de Lyon n'a donc pas commis d'erreur de droit en jugeant que les bénéfices réputés distribués aux associés de la S.A. Progim, au regard de la loi fiscale, en vertu de l'article 111 bis du code général des impôts, du seul fait que la société cessait d'être soumise à l'impôt sur les sociétés, n'entraient pas dans le champ d'application de ces dispositions ;
Considérant toutefois que, devant les juges d'appel, les requérantes se prévalaient également, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle du 22 octobre 1971 à M. Z..., sénateur, et de la documentation administrative 4J1311 du 1er septembre 1989 ; que la cour administrative d'appel de Lyon a, sur ce point, entaché son arrêt d'irrégularité en omettant de répondre au moyen tiré de la réponse ministérielle, et commis une erreur matérielle en jugeant que la documentation administrative invoquée ne visait pas le cas des sociétés qui cessent d'être assujetties à l'impôt sur les sociétés, alors même que son paragraphe 17 visait explicitement "les répartitions réputées faites entre les associés ( ....) lors de tout événement dont il résulte qu'une société passible de l'impôt sur les sociétés cesse d'y être assujettie" ; que dès lors, son arrêt doit être annulé en tant qu'il a statué sur le droit à un avoir fiscal ;

Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond sur l'imputation de l'impôt sur les sociétés et sur le droit à un avoir fiscal ;
Considérant, en premier lieu, que l'impôt sur les sociétés dont les requérantes demandent l'imputation a fait l'objet d'une notification de redressement en 1991 et a été mis en recouvrement en 1993 ; qu'ainsi, il ne présentait pas le caractère d'un passif social susceptible de réduire le montant des bénéfices réputés distribués au 30 novembre 1988 et ne pourrait, le cas échéant, que constituer une perte imputable sur les revenus de même nature réalisés par le bénéficiaire de la distribution au cours de l'année 1993, ou à défaut sur son revenu global ;
Considérant, en second lieu, que les requérantes ne peuvent utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ni de la documentation administrative 47 1311 du 1er septembre 1989, postérieure au fait générateur de l'imposition litigieuse, ni de la réponse ministérielle à M. Z..., sénateur, qui ne visait que les cas de liquidation juridique d'une société anonyme ;
Sur les conclusions relatives aux frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à Mmes X... et Y... la somme qu'elles demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt du 30 octobre 1999 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé en tant qu'il a statué sur la déductibilité de l'impôt sur les sociétés dû par la SA Progim du montant des sommes réputées distribuées à M. Y... en vertu de l'article 111 bis du code général des impôts, et en tant qu'il a statué sur l'existence d'un avoir fiscal attaché à cette distribution.
Article 2 : Les conclusions de la requête de Mmes X... et Y... devant la cour administrative d'appel de Lyon relatives à la déductibilité de l'impôt sur les sociétés dû par la SA Progim du montant des sommes réputées distribuées à M. Y... en vertu de l'article 111 bis du code général des impôts et à l'existence d'un avoir fiscal attaché à cette distribution sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de Mmes X... et Y... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Claudette X..., à Mme Françoise Y... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 3 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 215459
Date de la décision : 30/12/2002
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

- RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - REVENUS DES CAPITAUX MOBILIERS ET ASSIMILABLES - Cascade (article L - 77 du LPF) - Champ d'application - Sommes réputées distribuées en conséquence d'un rehaussement des bénéfices déclarés par la société (1).

19-04-02-03 Les dispositions de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales prévoient que les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés peuvent, dans la mesure où le bénéfice correspondant aux redressements est considéré comme distribué, par application des articles 109 et suivants du code général des impôts, à des associés ou actionnaires dont le domicile ou le siège est situé en France, demander que l'impôt sur le revenu supplémentaire dû par les bénéficiaires en raison de cette distribution soit établi sur le montant du rehaussement soumis à l'impôt sur les sociétés diminué du montant de ce dernier impôt. Ces dispositions ne visent que les sommes réputées distribuées en conséquence d'un rehaussement des bénéfices déclarés par une société.

- RJ2 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - REVENUS DES CAPITAUX MOBILIERS ET ASSIMILABLES - REVENUS DISTRIBUES - AVOIR FISCAL - Distributions de bénéfices auxquelles est attaché l'avoir fiscal (articles 158 bis et 158 ter du CGI) - Notion - Absence - Bénéfices réputés distribués aux associés (article 111 bis du CGI) (2).

19-04-02-03-01-02 Il résulte des dispositions des articles 158 bis et 158 ter du code général des impôts que l'avoir fiscal est exclusivement attaché aux produits distribués par une société à ses associés à titre de dividendes, en vertu d'une décision prise par l'assemblée générale de ses actionnaires ou porteurs de parts, dans les conditions prévues par la loi du 24 juillet 1996, modifiée, sur les sociétés commerciales. Les bénéfices réputés distribués aux associés, au regard de la loi fiscale, en vertu de l'article 111 bis du code général des impôts, du seul fait que la société cessait d'être soumise à l'impôt sur les sociétés, n'entrent pas dans le champ d'application de ces dispositions.


Références :

CGI 221, 111 bis, 201, 158 bis, 158 ter
CGI Livre des procédures fiscales L77, L80 A
Code de justice administrative L821-2, L761-1
Loi du 24 juillet 1996

1.

Cf. 1982-06-11 n° 20861, RJF 8-9/82 n° 809. 2.

Cf. 1995-12-29 Ministre c/ Société "Hygiène et dératisation d'Auvergne", p. 469 ;

2001-02-26 Ministre c/ Anzalone, à publier.


Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2002, n° 215459
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Lasserre
Rapporteur ?: M. Verclytte
Rapporteur public ?: M. Austry

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:215459.20021230
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