Vu la requête, enregistrée le 29 novembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 5 octobre 2001 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 15 juin 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Mounir X... et la décision du même jour fixant le pays de destination ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Courrèges, Auditeur-;
- les observations de Me Bouthors, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : " Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (.) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (.) " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., de nationalité tunisienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 2 février 2000, de la décision du même jour par laquelle le PREFET DE POLICE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant toutefois qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., revenu en France en 1994 après y avoir séjourné notamment de 1987 à 1989, vit maritalement depuis plusieurs années avec une compatriote en situation régulière, avec laquelle il s'est d'ailleurs marié le 25 juin 2001, et dont il a eu trois enfants nés en France en 1997, 1999 et 2001 ; qu'il subvient aux besoins de sa famille en travaillant comme cuisinier dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; qu'un de ses frères et une de soeurs sont installés régulièrement sur le territoire français ; que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à l'intérêt de sa présence en France pour sa famille, et alors même que l'intéressé peut bénéficier du regroupement familial, l'arrêté attaqué a porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 15 juin 2001 décidant la reconduite à la frontière de M. X... et fixant le pays de destination ;
Article 1er : La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Mounir X... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.