La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/12/2002 | FRANCE | N°244860

France | France, Conseil d'État, 9 ss, 30 décembre 2002, 244860


Vu la requête, enregistrée le 5 avril 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA MOSELLE ; le PREFET DE LA MOSELLE demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 5 mars 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé sa décision du 25 février 2002 fixant la Russie comme pays de destination de la reconduite à la frontière de Mlle Tatiana X... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;


Vu la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier...

Vu la requête, enregistrée le 5 avril 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA MOSELLE ; le PREFET DE LA MOSELLE demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 5 mars 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé sa décision du 25 février 2002 fixant la Russie comme pays de destination de la reconduite à la frontière de Mlle Tatiana X... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Wauquiez-Motte, Auditeur-;
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle X..., de nationalité russe, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 13 septembre 2001, de la décision du 7 septembre 2001 par laquelle le PREFET DE LA MOSELLE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'elle se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les conclusions de Mlle X... dirigées contre l'arrêté du 25 février 2002 du PREFET DE LA MOSELLE ordonnant sa reconduite à la frontière, mais a annulé la décision distincte fixant le pays de renvoi ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : "Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt de l'enfant doit être une considération primordiale" ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une importance primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Edouard Y..., concubin de Mlle X... et père de sa fille Daria, née en France le 1er mars 2000, fait lui-même l'objet d'une mesure d'éloignement à destination de la Russie ; que M. Y... produit des photocopies d'une convocation du 14 mars 2001 le rappelant sous les drapeaux et d'un document du 3 septembre 2001 le convoquant chez un juge d'instruction dans le cadre d'une procédure intentée à son encontre pour infraction au déroulement du service militaire et abandon de son unité, et soutient qu'il encourt en cas de retour en Russie une peine d'emprisonnement de trois à sept ans ; qu'en tout état de cause, la mesure d'éloignement ordonnée à l'encontre de M. Y... et de sa concubine n'aurait pas pour effet de séparer l'enfant de sa mère et le risque de séparation à l'égard du père ne résulterait que de la loi pénale russe ; que, dès lors, c'est à tort que, pour annuler la décision fixant la Russie comme pays de destination de Mlle X... et de son concubin, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Strasbourg s'est fondé sur ce que ladite décision porte atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant et doit être regardée comme contraire à l'article 3-1 précité de la convention internationale des droits de l'enfant ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mlle X... devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
Considérant que si Mlle X... invoque les risques que comporterait pour elle et pour sa fille Daria leur retour dans leur pays d'origine, en raison des persécutions antisémites dont elles seraient l'objet, elle n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité de ces risques ; que le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut, dès lors, être accueilli ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA MOSELLE est fondé à demander l'annulation du jugement du 5 mars 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé sa décision du 25 février 2002 fixant la Russie comme pays de destination de la reconduite à la frontière de Mlle X... ;
Article 1er : L'article 1er du jugement du 5 mars 2002 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.
Article 2 : Les conclusions présentées devant le tribunal administratif de Strasbourg par Mlle X... contre la décision fixant la Russie comme pays de destination sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA MOSELLE, à Mlle Tatiana X... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 9 ss
Numéro d'arrêt : 244860
Date de la décision : 30/12/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 25 février 2002
Convention du 26 janvier 1990 New-York droits de l'enfant
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 3
Décret 90-917 du 08 octobre 1990
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22


Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2002, n° 244860
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Wauquiez-Motte
Rapporteur public ?: M. Goulard

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:244860.20021230
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award